11 décembre 2020 | Ricochet | Photo : Steve Daniel
Appeler la police à distribuer davantage de contraventions n’est pas une politique de santé publique convenable, mais plutôt un réflexe paternaliste et autoritaire. Depuis le début de la pandémie, le Québec a émis, de loin, le plus grand nombre de contraventions pour violation présumée des directives sanitaires ; néanmoins, le Québec est encore loin d’être un endroit plus sûr que d’autres juridictions où le nombre de contraventions émises est nettement inférieur.
Ces abus seront surtout ressentis par les plus pauvres, les marginaux et les minorités raciales puisque la police pratique couramment, implicitement et explicitement, le profilage social et racial.
Plusieurs cas de contraventions abusives de la part de la police ont été rapportés publiquement partout au Québec durant la pandémie, en utilisant les directives sanitaires comme excuse. Parmi les exemples, on peut citer l’émission de constats d’infraction discutables à des sans-abri de Montréal, l’arrestation violente et l’émission de constats aux jeunes noirs victimes de profilage racial à Laval, et l’émission cruelle de constats à un couple de personnes âgées de Drummondville sur la base d’un appel à la délation. Alex McClelland, chercheur postdoctoral en criminologie à l’Université d’Ottawa, estime que les forces de police du Québec ont maintenant émis plus de 6000 contraventions pour des violations présumées des règles sanitaires. Il y a ainsi certainement d’autres exemples d’abus policiers, dont plusieurs seront rendus visibles si les contraventions sont correctement contestées en cour.
En plus de favoriser les abus policiers, le premier ministre Legault renforce également une culture de délation au Québec, où les gens appellent anonymement la police pour dénoncer des voisins ou des personnes qu’ils n’aiment pas. La dénonciation anonyme est intrinsèquement sujette à des abus, surtout dans une société qui — comme toute autre société — a sa part de racistes, de xénophobes et de rancœurs.
Les actions isolées de certaines personnes d’extrême droite, anti-science et conspirationnistes, en violation des directives sanitaires, ne devraient pas signifier que la société dans son ensemble se montre complaisante à l’égard des flics abusifs et des mesures dignes d’un État policier. Nous ne devrions pas non plus nous montrer complaisant à l’égard de la protection des droits fondamentaux, en particulier de notre droit à la vie privée et contre les fouilles abusives. La police n’a toujours pas carte blanche pour entrer chez nous, ni même pour nous interroger. Nos droits individuels et collectifs à la vie privée sont essentiels. Les faire valoir ne signifie pas que nous ayons quelque chose à cacher (sans compter qu’il est légitime d’avoir quelque chose à cacher).
Un enjeu de santé publique
La pandémie est un enjeu de santé publique, et non un enjeu policier, et il existe des moyens irréfutables et efficaces de promouvoir les directives sanitaires et la sécurité collective. Cela inclut une excellente éducation à la santé publique, qui touche différentes communautés de manière créative et ciblée, à partir de sources fiables et fondées sur des faits. Cela contraste avec les relations publiques condescendantes d’un premier ministre du Québec, de plus en plus discrédité, qui continue de nier la réalité factuelle du racisme systémique tout en critiquant les adeptes des théories du complot faciles à railler.
Une mesure prioritaire pour améliorer la santé publique et pour lutter contre la pandémie consiste à fournir des ressources matérielles aux personnes les plus marginalisées de la société — notamment les pauvres, les handicapés, les sans-abri et les sans statut. Il est devenu évident durant cette pandémie que les personnes les plus pauvres et les plus marginalisées sont celles qui doivent travailler et prendre le plus de risques.
La nécessité de fournir davantage de ressources matérielles et de services aux populations marginalisées renforce l’importance de la demande croissante de définancement de la police et d’investir, au contraire, de manière significative dans l’éducation publique et la santé collective. Ces mesures réellement constructives et non coercitives amélioreront de manière exponentielle notre réponse collective à la pandémie, sans recourir à une police abusive ni à des délateurs.
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