Tiré du site de l’IRIS.
Contrairement à une mise à jour qui présente l’évolution des finances en cours d’exercice, les comptes publics nous permettent d’avoir un bilan définitif des opérations d’une année particulière. Or, ce qui est intéressant dans cette nouvelle ère de surplus perpétuels, c’est de constater à quel point les ministres se sont trompés dans leurs prévisions et à quel point les surplus sont plus élevés que prévus.
Lorsque le ministre libéral des Finances Carlos Leitão a déposé son cinquième et dernier budget en mars 2018, il prévoyait un surplus de 904 millions $ pour l’exercice financier 2018-2019. Lors de la mise à jour économique de l’automne 2018, le nouveau gouvernement caquiste estimait que le surplus pour ce même exercice atteindrait finalement 4 501 millions $.
Le résultat final tel qu’il apparaît ce matin dans les comptes publics (p. 15) du gouvernement est finalement de 8 280 millions $. Les surplus des résultats consolidés de l’année 2018-2019 s’avèrent donc neuf fois plus élevés que la projection de mars 2018 (0,9 G$). Ils sont aussi beaucoup plus élevés que ce qu’ils étaient en 2017-2018 (4,9 G$).
Un tel écart étonne lorsqu’on se rappelle que Carlos Leitão avait été choisi par Philippe Couillard pour faire partie de son trio économique entre autres pour ses talents en matière de prévisions économiques…
Mais la rhétorique du gouvernement caquiste, qui baigne dans les surplus grâce aux années d’austérité libérale, n’est guère plus rassurante. Les surplus de l’exercice actuel sont eux aussi plus élevés que prévus lors du dernier budget (celui de mars 2019). Pourtant, le gouvernement cherche systématiquement à présenter la situation comme plus sombre que ce qu’elle est réellement.
Le graphique suivant, inspiré de la mise à jour d’aujourd’hui (p. D-14), montre la place occupée par l’État dans l’économie en termes de dépenses et de revenus. La ligne noire montre l’évolution des revenus en pourcentage du PIB, tandis que la ligne grise montre celle des dépenses en pourcentage du PIB. La diminution des dépenses entraînée par l’effet combiné des politiques d’austérité et de la relance économique a réduit la part de ces dépenses dans l’économie. Elles étaient de 26,1% en 2012-2013, ont diminué pour atteindre 24,5% en 2018-2019, et oscillent depuis autour de 25%.
En revanche, les revenus (courbe noire) générés ont augmenté et se sont stabilisés largement au-dessus des dépenses. L’écart entre les deux reflète le niveau des surplus et montre à quel point le budget du Québec n’est pas à l’équilibre comme certains l’affirment parfois (en s’appuyant par exemple sur la courbe pointillée qui montre les surplus après les sommes versées au Fonds des générations).
Évolution de la part des revenus et de celle des dépenses dans l’économie de 2008-2009 à 2023-2024 (en pourcentage du PIB)
Ces chiffres montrent une fois de plus que la période d’austérité brutalement imposée par le gouvernement libéral était démesurée, mais ils illustrent aussi combien la CAQ verse à son tour dans le conservatisme fiscal. Pour justifier un niveau si bas de dépenses, on cherchait auparavant à faire croire que les Québécois et les Québécoises vivaient au-dessus de leurs moyens. Aujourd’hui, c’est le vieillissement de la population et un éventuel ralentissement économique qui sert d’épouvantail pour limiter les dépenses publiques.
Pour faire face au vieillissement, il serait préférable, plutôt que d’empiler de l’argent dans les coffres de l’État, de développer dès maintenant des services publics à la hauteur des besoins criants de la population québécoise. À une époque où plus personne ne s’inquiète du niveau de la dette québécoise, on aimerait aussi voir le gouvernement agir face aux bouleversements climatiques, dont les impacts se font déjà sentir, plutôt que de le voir prendre des décisions en fonction des conséquences éventuelles d’une crise économique qui pour le moment demeure hypothétique. Investir dans la transition écologique constituerait sans nul doute la meilleure façon de dessiner les contours d’une économie plus résiliente.
Le gouvernement, qui ressent certainement désormais la pression de la population sur les questions environnementales, a beau mettre de l’avant un Plan d’électrification, une telle approche ne suffira pas à mettre en branle les transformations socioéconomiques majeures requises par l’urgence climatique actuelle comme, par exemple, de nous attaquer aux conséquences nocives de l’étalement urbain.
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