Édition du 17 décembre 2024

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États-Unis

Michael Flynn, l’inquiétant conseiller à la sécurité de Donald Trump

Choisi par Donald Trump pour occuper le poste de conseiller à la sécurité nationale, le lieutenant général à la retraite Michael Thomas Flynn s’est distingué par des déclarations islamophobes et sa conviction que les États-Unis sont engagés dans une guerre mondiale contre les islamistes alliés à Cuba, au Venezuela et à la Corée du Nord.

Tiré d’Orient XXI.

Les premières nominations de Donald Trump dans son équipe chargée de la sécurité nationale et de la politique étrangère ont confirmé qu’il reste attaché à ses déclarations de campagne les plus scandaleuses, surtout en ce qui concerne le Proche-Orient ou la protection des droits humains. Et si quelqu’un pensait — ou espérait — que le nouveau président pourrait tempérer ses dénonciations de l’islam et des musulmans, ou revenir sur sa totale approbation de la torture « ou pire », comme outil légitime de lutte contre le terrorisme, le choix du lieutenant général à la retraite Michael Thomas Flynn comme conseiller à la sécurité nationale met fin à ces espoirs.

Flynn, un vétéran de plus de 30 ans dans les forces armées, jouissait d’une solide réputation professionnelle lorsqu’il dirigeait les opérations de renseignement militaire américaines en Afghanistan et en Irak. Le général quatre étoiles Barry McCaffrey qualifiait récemment Flynn de « meilleur officier de renseignement de sa génération ». Tandis que le chroniqueur du New York Times, Nicholas Kristof rappelait sa réputation de « brillant officier de renseignements en Irak et en Afghanistan ». Cette réputation a conduit à sa nomination en 2012 pour diriger la Defense Intelligence Agency (DIA) du Pentagone, une agence d’environ 17 000 personnes chargées de recueillir et de fournir des renseignements au secrétaire de la défense et à la haute direction militaire. Mais Flynn a été contraint de démissionner en 2014 après avoir servi seulement deux ans — son mandat ne s’achevait qu’un an plus tard. En cause, au moins en partie, un « style de gestion » qu’un fonctionnaire du Pentagone a qualifié de « perturbateur ».

Pourquoi Trump nomme-t-il quelqu’un à la réputation ternie pour accomplir une mission nécessitant justement de gérer un personnel dont le nombre a dépassé les 400 personnes sous l’administration Obama, et qui assure la coordination, pour le président des États-Unis, des analyses des principaux responsables de la politique étrangère et de sécurité nationale — tels le secrétaire d’État, le secrétaire à la défense et les chefs du renseignement ? Le futur président a donné une première réponse dans le communiqué publié le 18 novembre annonçant sa nomination : « Je suis heureux d’annoncer que le lieutenant général Michael Flynn sera à mes côtés pour vaincre le terrorisme islamique radical, faire face à des défis politiques et assurer la sécurité des Américains, dans notre pays et à l’étranger ».

L’islam vu comme idéologie totalitaire

Flynn écrit et parle régulièrement de « l’islam radical », ce qu’il attribue à son expérience en Afghanistan et en Irak d’interrogatoire des principaux dirigeants d’Al-Qaida alors qu’il était chef des services de renseignement du commandement conjoint des opérations spéciales. Il en est arrivé à la conclusion, a-t-il expliqué dans une interview récente, que « le caractère religieux de cette menace [de l’idéologie d’Al-Qaida] rend très difficile son combat pour les Américains »3. Et dans une tribune publiée en juillet 2016 dans le New York Post, il a attribué son licenciement en tant que chef de la DIA non pas à son style de gestion problématique, mais à « la position (…) prise sur l’islamisme radical et l’expansion d’Al-Qaida et de ses mouvements associés ».

Les récentes déclarations publiques de Flynn sont devenues beaucoup plus radicales, et frôlent l’appel à la guerre contre « un peuple ». Dans son livre de 2016 The Field of Fight, il écrit que les efforts américains de lutte contre le terrorisme représentent « une guerre mondiale contre un mouvement messianique de masse de peuples malfaisants, la plupart inspirés par une idéologie totalitaire : l’islam radical ». Et il poursuit : « Une fois que nous les avons compris, nous devons les détruire », avant d’ajouter : « Il faut leur refuser toute zone sûre de refuge et les pays qui les abritent doivent se voir imposer un choix brutal : soit vous éliminez les islamistes radicaux, soit vous risquez d’être attaqués directement. »

Dans une vidéo non datée du Christian Reporter News tournée à San Antonio, Texas dans ce qui semble être une église, l’officier élimine toute distinction entre l’islam et ses variantes extrémistes notoires. « Je ne vois pas l’islam comme une religion, explique-t-il sous un tonnerre d’applaudissements. Je le vois comme une idéologie politique. D’une certaine façon, il se camoufle sous le couvert de la religion, surtout en Occident, surtout aux États-Unis, parce qu’il peut se cacher derrière et utiliser ce que nous appelons la liberté de religion. » En février 2015, il retweete une vidéo YouTube contestant l’idée même de l’islamophobie avec ce commentaire favorable : « La peur de l’islam est RATIONNELLE. Faites suivre s’il vous plaît, la vérité n’a pas peur des questions… »

La Corée du Nord, le Venezuela et Cuba alliés à l’islam radical

En août 2016, il déclare à Dana Priest du Washington Post : « Il ne s’agit pas d’une lutte de contre-insurrection contre des extrémistes violents, il s’agit de combattre une idéologie qui se répand dans le monde islamique comme un cancer métastasé... » Dans la même interview, interrogé sur sa première rencontre avec Trump à la fin de l’été 2015, il répond : « J’ai été très impressionné. Un gars très sérieux. Je l’ai trouvé en accord avec ce que je pensais. » Il dit à Priest que les fonctionnaires du Pentagone, relisant le manuscrit de son livre, avaient « censuré certaines choses, ouais ». Des exemples ? « Ils ne voulaient pas que je dise que la Corée du Nord, le Venezuela et Cuba étaient des alliés de l’islam radical. »

Quelques semaines auparavant, dans sa tribune publiée par le New York Post, Flynn avait écrit : « Nous sommes dans une guerre mondiale, face à une alliance hostile qui s’étend de Pyongyang, en Corée du Nord, à La Havane à Cuba en passant par Caracas. Sur son chemin, elle recrute des pays musulmans radicaux et des organisations telles que l’Iran, Al-Qaida, les talibans et l’État islamique. »

Telle est la vision du monde de l’homme qui sera le conseiller du président sur la sécurité nationale. Steven Hadley, qui a occupé ce poste sous George W. Bush, a récemment décrit son rôle : « Vous êtes le premier à voir le président dans la matinée quand il arrive au travail au bureau ovale et la dernière personne à le voir avant qu’il prenne une décision importante en matière de politique étrangère ou de sécurité nationale »4.

Notre ami le président Sissi

À plusieurs reprises, Flynn a, comme Trump, préconisé que les États-Unis se rapprochent du président égyptien Abdel-Fattah Al-Sissi. Exprimant sa préférence pour les dirigeants autoritaires du Proche-Orient, Flynn a publié une tribune dans The Hill(Washington) le 8 novembre — juste dix jours avant d’être nommé à son nouveau poste — critiquant l’« imprudente » politique d’Obama consistant à prendre ses distances avec Recep Tayyip Erdogan. Il a qualifié son ennemi Fethullah Gülen de « mollah islamique ombrageux » qui rappelle Hassan Al-Banna, le fondateur des Frères musulmans d’Égypte en 1928 et Sayid Qutb, un dirigeant de la confrérie qui en avait appelé au djihad violent, avant que les autorités égyptiennes ne l’exécutent en 1966. « Pour les professionnels de la communauté du renseignement, écrit-il, le sceau de la terreur est partout dans les déclarations du mollah Gülen, dans la tradition de Qutb et Banna. (...) Du point de vue de la Turquie, Washington héberge le Oussama Ben Laden turc. »

Sur une question-clé : la torture, Flynn a eu autrefois une position distincte de celle de Trump, expliquant à la chaîne Al Jazeera que les militaires américains et les officiers responsables de tels actes sur des détenus irakiens devraient rendre des comptes. Plus récemment, cependant, il semble s’être accommodé des vues de son nouveau patron : « Je suis convaincu de la nécessité de se laisser le choix des options jusqu’à la dernière minute. » De même, il a refusé de prendre ses distances à l’égard de la proposition de Trump de tuer des familles de terroristes présumés, affirmant qu’il « verrait quelles étaient les circonstances de cette situation »5.

Notes

1- NDLR. Grade d’officier de l’armée de terre, du corps des Marines et de l’armée de l’air, supérieur à celui d’un major général et inférieur à celui d’un général. Dans la marine américaine, correspond au grade de vice-amiral.

2- Gretchen Frazee, «  Who is Lt. Gen. Michael Flynn ? », pbs.org, 18 novembre, 2016.

3- James Kitfield, « How Mike Flynn Became America’s Angriest General », politico.com, October 16, 2016.

4- The Role and Importance of the National Security Advisor, Scowcroft Institute of International Affairs.

5- Adrienne Mahsa Varkiani, “Trump’s Military Adviser Embraces Some of the Presumptive Nominee’s Most Controversial Positions”, ThinkProgress, 19 mai 2016.

Joe Stork

Auteur américain publié par Orient XXI.

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