Édition du 17 décembre 2024

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Le blogue de Donald Cuccioletta

La stratégie de la gauche américaine après l’élection de Trump

Voilà. Trump est au pouvoir et y demeurera pour quatre ans, à moins que le collège électoral américain en décide autrement. À moins que ce scénario peu probable se réalise, en date du 20 décembre la conquête de la Maison-Blanche par Trump sera officielle. Cette élection place maintenant la gauche dans une situation sans pareille, depuis la fin de la Deuxième Guerre mondiale et la « chasse aux sorcières » du maccarthysme.

Pour la gauche, la stratégie ultime doit reposer sur une critique étayée du programme de Trump et des néoconservateurs qui ont la mainmise sur le Congrès. Cette tactique doit nécessairement tenir compte d’une stratégie qui vise à repenser la crise politique étasunienne en fonction de la « lutte des classes ». Selon Bhaskar Sundara, le fondateur du magazine Jacobin – qui nous a rendu visite au Québec les 25 et 26 novembre -, la gauche d’inspiration marxiste et socialiste des États-Unis doit défendre les acquis du progrès social réalisé par la gauche libérale. Elle doit ainsi dénoncer la trahison du Parti démocrate par rapport à ces questions et son consentement au péril de la social-démocratie.

Toujours selon son analyse, le Parti démocrate a lamentablement échoué durant la campagne électorale en raison de son approche « clientéliste » qui a instrumentalisé les positions de la gauche, des forces ouvrières, du féminisme et du mouvement « Black Lives Matter » pour obtenir des appuis afin de gagner la présidentielle. En d’autres termes, le Parti démocrate écope de ces fausses promesses, de son hypocrisie et de sa malhonnêteté.

La campagne de Bernie Sanders a clairement révélé cette supercherie démocrate. Sanders n’a cessé de mettre en garde les membres du Parti contre le « faux-progressisme » d’Hilary Clinton, tout en rappelant combien, depuis le mandat présidentiel de Jimmy Carter, l’establishment démocrate n’a cessé de se rapprocher du 1% et de Wall-Street. Bernie Sanders est parvenu à paver la voie pour une nouvelle génération de militants-es américains-nes qui souhaitent engager les États-Unis vers un renouveau démocratique qui signifie davantage de social-démocratie, de justice sociale et de lutte contre les inégalités. Il a également réussi à intégrer le mot « socialisme » dans le lexique politique américain. Cela a d’ailleurs permis à la gauche d’inspiration marxiste de mieux se faire entendre au sein de la population étasunienne. Par exemple, l’organisation Democratic Socialist Alternative comptait 5000 membres au début de la campagne présidentielle 2016. À ce jour, on y dénombre plus de 12 000 membres et cette hausse drastique est attribuable à la popularité du discours social-démocrate porté par Bernie Sanders.

La gauche socialiste appuie Bernie Sanders dans sa lutte pour reconduire le Parti démocrate à ses racines progressistes, c’est-à-dire vers le « New Deal » de Franklin Delano Roosevelt et l’approche keynésienne du rôle de l’État envers la population et la relance économique. Elle le soutient de loin et lui laisse le soin de cette bataille interne contre l’establishment du Parti, c’est-à-dire le Sénateur Charles Schumer et le « clan Clinton ». La gauche socialiste veut maintenant se concentrer sur les 12 millions d’électeurs qui ont appuyé Bernie Sanders. Cette « nouvelle génération » est susceptible de joindre les rangs d’une organisation ouvertement socialiste qui ne fait pas preuve de dogmatisme à l’endroit de ses militants. Pour que le socialisme s’implante et prospère durablement aux États-Unis, elle doit le faire à partir d’une approche pragmatique ancrée dans le quotidien du peuple américain. C’est ainsi qu’elle pourra mettre l’emphase sur sa lutte contre les « politiques de centre » - voire d’« extrême-centre » pour reprendre l’expression d’Alain Denault dans son dernier livre -, afin de mettre la lumière sur leurs contradictions profondes entre la distinction entre la véritable gauche et la droite réactionnaire.

Dans les années à suivre, la gauche socialiste devra mener une lutte de front contre deux ennemis distincts : le « faux progressisme » libéral et le populisme néoconservateur. Elle se prépare déjà contre la montée d’un certain « intégrisme chrétien » incarnée par Ted Cruz et ses sympathisants au sein du Parti républicain. Ce basculement vers l’extrême-droite conduirait les États-Unis vers un désastre semblable à celui que connaît présentement l’Europe avec la montée du fascisme et des partis d’extrême-droite.

En somme, l’analyse que fait la gauche américaine est une application de la théorie de Antonio Gramsci sur la « guerre de position ». Cette « guerre de position » se veut la construction d’une solide base des idées et de théories socialistes qui mettront en cause le mensonge du libéralisme et de la social-démocratie. Pour réaliser la transformation socialiste de l’Amérique, la gauche doit défendre un socialisme qui répond aux préoccupations de la classe ouvrière et de la classe moyenne. Cette approche est intrinsèquement reliée au progrès de la gauche dans l’avenir ou à sa faillite qu’elle ne peut décidément pas de permettre : fini les « faux prêtres », fini les intermédiaires qui brouillent les cartes, fini les fausses promesses.

Cet horizon politique qui se dresse aux États-Unis est l’opportunité rêvée pour mettre de l’avant l’alternative socialiste de manière concrète en proposant des solutions émanant de la réalité du peuple américain qui exigent des réponses claires et directes à leurs problèmes. Surtout la nouvelle génération qui s’est mobilisée derrière Bernie Sanders et son « socialisme démocratique » qui s’est répandu partout à travers les États-Unis, comme jamais auparavant dans l’histoire du pays.

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