Ce texte de la CSN affirme que cette transition va passer par la fin de notre dépendance au pétrole et par la mise en place de nouvelles technologies et de nouveaux procédés qui nécessitera de nouvelles formations et l’actualisation des compétences. Le secteur des transports est au coeur des changements appelés à survenir.
Face à ces rapides constats, le document recommande :
« Afin de lutter contre les changements climatiques au Québec, la CSN propose de revendiquer en priorité :
– Un plan d’action crédible visant l’élimination de notre dépendance aux hydrocarbures dans une perspective de transition juste.
– Une stratégie gouvernementale pour aider les entreprises à développer et à utiliser des technologies propres ainsi qu’à respecter les certifications environnementales ». [2]
En appeler à une stratégie gouvernementale d’aide aux entreprises dans l’utilisation des technologies propres reste en deçà de la hauteur des défis posés par la lutte aux changements climatiques et n’aide pas à élaborer une plate-forme revendicative précise. Une stratégie syndicale de lutte aux changements climatique peut s’articuler autour de deux axes :
1. Développer la défense du climat : bloquer les projets des pétrolières et de l’oligarchie politique
Il sera impossible de lutter contre les changements climatiques, si une organisation syndicale comme la CSN ne se fixe pas comme priorité de participer à la construction d’un vaste front environnemental de blocage aux aventures mortifères des grandes entreprises pétrolières et gazières et des gouvernements à leur service. Il y a dans la lutte aux changements climatiques un moment de résistance dont il faut savoir expliciter les grands axes :
– la fin immédiate des subventions aux entreprises pétrolières et le désinvestissement des fonds syndicaux de ce type d’entreprise ;
– l’interdiction de la fracturation hydraulique et de toute nouvelle exploration et exploitation pétrolières sur le territoire du Québec ;
– l’interdiction de la construction de pipelines transportant ce pétrole vers les marchés internationaux ;
– la reconnaissance du caractère inviolable des territoires autochtones par les pétrolières ;
– l’exigence de l’arrêt immédiat de la surveillance et de la répression contre les mouvements citoyens qui luttent pour la défense du climat.
La vaste majorité des organisations syndicales au Québec sont d’accord pour de telles mesures de résistance. Il faut que cette importante convergence débouche sur des actions concrètes en alliance avec l’ensemble des mouvements environnementalistes.
2. L’élaboration d’un plan vert pour la sortie du pétrole
Le texte proposé par la CSN parle « d’ un plan d’action crédible visant l’élimination de notre dépendance aux hydrocarbures dans une perspective de transition juste ». Mais il ne dit pas un mot sur les axes d’un tel plan et sur les conditions de sa réalisation.
Pour élaborer des solides matériaux pour une éventuelle plate-forme, les débats actuels doivent tracer les grands axes d’un tel plan vert :
– a. De grands travaux d’économie d’énergie dans les grands bâtiments industriels, commerciaux et
institutionnels pourraient constituer un immense chantier pour l’industrie de la construction ;
– b. Le développement d’un système de transport urbain et interurbain, collectif et électrifié, tant pour les marchandises que pour les personnes. Ce développement nécessitera la planification de la production industrielle d’un nouveau matériel de transport (trains, autobus, camions et bateaux). L’industrie manufacturière du Québec qui a déjà accumulé nombre d’expertises à ce niveau pourrait trouver là un autre vaste chantier créateur d’emplois.
– c. Des investissements publics dans l’énergie éolienne, dans l’énergie solaire, la géothermie et les autres formes d’énergies renouvelables remettant aux travailleurs, travailleuses, aux citoyens et citoyens le contrôle sur le développement de la transition énergétique ;
– d. Le réaménagement de la planification urbaine pour éviter l’étalement urbain ;
– e. Le passage d’une agriculture polluante essentiellement exportatrice à une agriculture qui mise sur les circuits économiques courts dans l’optique d’une agriculture de proximité, faisant également sa place à une agriculture urbaine.
Ce plan vert nécessite la mise en place de sociétés d’État pour coordonner les activités de ces secteurs industriels et pour réarticuler ces différents secteurs de l’économie afin de favoriser l’utilisation des ressources d’ici dans des productions industrielles favorisant la transition énergétique, la sortie du pétrole et la création massive d’emplois. Il implique une rupture radicale avec la logique d’une économie extractiviste contrôlée par les capitaux étrangers. Un tel plan implique également la socialisation des banques afin de pouvoir orienter les ressources financières vers une stratégie de soutien à ce tournant écologique.
Au-delà des orientations générales, un vrai plan vert contre les changements climatiques exige des données concrètes. La bataille pour un tel plan pourrait permettre d’identifier dans les différentes régions, les grands bâtiments à rénover, les industries-clés qui devraient être nationalisées et socialisées.qui pourraient contribuer à transformer le système de transport, les parcs d’autobus municipaux et scolaires à électrifier, les bateaux à construire.
Quel régime politique appliquera un tel programme ?
Quel gouvernement nationalisera les banques, les industries clés, réduira la semaine de travail à 32 heures sans baisse de salaire et prendra les mesures nécessaires pour une véritable transition énergétique ? Certainement pas un gouvernement formé par les partis néolibéraux que ce soit le PLQ, le PQ ou la CAQ. Si le gouvernement reste dans les mains de l’oligarchie régnante, c’est un tout autre plan qu’il mettra en œuvre. Et ce dernier nous enfoncera dans le réchauffement climatique, l’utilisation des énergies fossiles, les pertes d’emplois, la précarité et la détérioration des conditions de vie pour la majorité des travailleuses et travailleurs. Pour opérer les transformations essentielles à une lutte efficace contre les changements climatiques, on ne peut faire abstraction de qui détient le pouvoir politique et ne dire mot sur la nécessité d’un parti solidaire et populaire pour poser concrètement cette question au niveau du pouvoir politique.
La dimension indépendantiste de la lutte contre les changements climatiques
« … Le Québec dispose d’un potentiel de production d’énergies vertes formidable, qui nous permet de planifier une sortie du pétrole dans un délai acceptable… En demeurant dans le Canada, le peuple québécois se prive des moyens nécessaires pour affirmer sa souveraineté sur l’utilisation du territoire québécois en matière énergétique. Même si le Québec peut intervenir, il n’en demeure pas moins que sa capacité à bloquer un projet tel que l’oléoduc Energie-Est sera contestée et nous ne pouvons présumer que les tribunaux donneront raison au Québec. Le gouvernement fédéral quant à lui s’emploiera à défendre les intérêts des pétrolières de l’Alberta bien avant ceux du Québec. » [3]
Dans un pays comme le Québec, où le peuple est réduit au statut de minorité politique, la mise en œuvre d’un plan vert authentique nécessite d’en finir avec ce statut et nécessite l’expression d’une souveraineté populaire véritable qui ne peut que déboucher sur l’indépendance du Québec. Nous ne faisons pas de l’indépendance un préalable à la lutte contre les changements climatiques, mais un horizon de la mobilisation et de la résistance populaires.
Ce sont là des questions difficiles, mais incontournables. Chercher à y répondre, c’est poser clairement le principal défi qui est devant le mouvement syndical : construire l’unité d’action de toutes les organisations syndicales, coopératives, environnementales avec le but précis, la réalisation d’une souveraineté populaire véritable sur nos choix économiques et environnementaux, rien de moins.