La Presse rapportait, dans son édition du vendredi 19 avril 2013, que lors d’une discussion avec plusieurs leaders du monde des affaires du Québec, la première ministre considérait l’idée de reporter d’un an l’atteinte du déficit zéro.
L’article du quotidien relatait aussi que ces gens d’affaires affichaient une certaine compréhension devant ce changement d’orientation. Rien de plus normal : les gestionnaires savent mieux que quiconque qu’une stratégie doit s’adapter continuellement au contexte économique changeant.
N’est-ce pas Henry Mitzberg, grand théoricien de la stratégie d’entreprise, qui nous l’a appris ?
Pourquoi en serait-il autrement pour le gouvernement du Québec ? Quelle rationalité explique que l’échéancier du plan de retour à l’équilibre budgétaire déterminé en 2009 devrait rester inchangé, alors que la reprise de l’économie québécoise et mondiale est beaucoup plus lente que prévu ?
Lors de l’élaboration du plan, le ministère des Finances et de l’Économie tablait sur une croissance du PIB en 2013 de 4,2 % pour le Québec et de plus de 4,5 % pour les États-Unis. Les résultats actuels s’avèrent inférieurs aux prévisions de près d’un point de pourcentage.
Rares sont ceux qui avaient prédit l’enlisement économique actuel de l’Europe. Personne ne s’attendait à ce que la paralysie de la politique américaine pousse le gouvernement des États-Unis dans le « précipice fiscal ». Enfin, tout le monde croyait improbable le repli éloquent du prix des ressources naturelles.
Il est important de noter que si les finances publiques se retrouvent encore une fois sous tension, l’explication se trouve uniquement du côté d’une baisse de croissance des revenus autonomes du gouvernement. Cela n’est pas dû à une explosion des dépenses publiques.
Les crédits budgétaires pour l’année 2013-2014 affichent la progression la plus lente depuis 14 ans, entraînant aujourd’hui des compressions dans les commissions scolaires, dans les centres de la petite enfance, dans la recherche, dans les cégeps, dans les infrastructures, dans le réseau de l’éducation primaire et secondaire, etc. La logique de l’austérité à tout prix commence à friser l’absurde.
L’obsession du déficit zéro vient mettre en péril d’autres obligations qui reposent sur les épaules des gouvernements provinciaux et fédéraux.
La semaine dernière, le Fonds monétaire international (FMI) rappelait que le Canada avait la responsabilité de contribuer à la relance de l’économie mondiale. Il suggérait au gouvernement fédéral que dans le contexte économique présent, les mesures d’austérité causeraient plus de torts que de bénéfices.
Ce changement d’orientation du FMI est renforcé par une toute nouvelle étude, intitulée Does High Public Debt Consistently Stifle Economic Growth ? A Critique of Reinhart and Rogoff, publiée par trois économistes de l’Université du Massachusetts.
Après avoir corrigé les erreurs méthodologiques d’une étude de 2010, intitulée Growth in a Time of Debt, célèbre pour avoir justifié l’austérité, ils arrivent à la conclusion claire que le niveau d’endettement d’un pays n’avait aucune incidence sur sa capacité de générer une croissance économique dynamique.
Parce qu’une économie plus faible que prévu prive le gouvernement de revenus suffisants et parce qu’il a la responsabilité de stimuler la croissance, nous croyons que le gouvernement peut ajuster la trajectoire de son plan de retour à l’équilibre budgétaire.
Un léger déficit pour l’année 2013-2014 ne remettrait aucunement en cause la solidité financière du Québec. Même le Conseil du patronat critique le « saupoudrage des réductions budgétaires » et appelle à une plus vaste réflexion sur les services publics et leur financement. Il est grand temps d’arrêter de nous demander où le couperet tombera la prochaine fois, et de nous donner les moyens de financer adéquatement et équitablement nos services publics.