Les partisans du président, celui qui pense que Pétain a été un grand soldat, vont manifester avec toute la classe politique le dimanche contre l’antisémitisme ! Cette hypocrisie manifeste intervient alors qu’une énième loi prévoit de réduire le droit des étrangers. Il veulent la fin de l’antisémitisme et dans le même temps, ils font la guerre aux étrangèr.es ! A eux, à nous, aux étrangers, aux demandeurs d’asile, aux femmes, aux travailleurs.
Ils n’en ont jamais assez ; ils vont toujours plus loin pour nous pourrir la vie, faciliter les expulsions, les incarcérations, les punitions, et ils ajoutent toujours toute une batterie d’obstacles pour qu’il soit finalement impossible de couvrir ses droits fondamentaux. Le simple fait de vouloir vivre est criminalisé. L’accès au soins, au logement, à l’emploi, à la régularisation n’est pas permis. Ce sont les mêmes armes, les mêmes coups. La guerre contre les étrangers est aussi une guerre contre le prolétariat, contre les femmes.
Empêcher l’accès en France, maintenir à l’écart ceux qui veulent traverser la frontière et exclure de la légalité et des droits ceux qui sont déjà là : voilà le projet du gouvernement.
Stéphane Hessel est mort et ils le tuent un peu plus chaque jour quand ils considèrent que les droits universels ne sont pas garantis à chaque être humain mais conditionnels : si tu fais 15 heures gratuites par semaine tu pourras avoir le RSA, si tu amènes 100 papiers (ou plus) tu pourras éventuellement sortir de ton illégalité. Les droits sont individualisés et fluctuants, alors que la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme de 1948 les voulait imprescriptibles.
La dystopie capitaliste et sa phase néolibérale a inversé le registre de la liberté et de la régulation. Ce qui était régulé a été libéralisé et ce qui était libre à été régulé. Le marché a été dérégulé quand la vie sociale a été soumise à toute une série de contrôles administratifs, policiers, technologiques. Quadrillage sécuritaire pour les uns et liberté pour la finance et les propriétaires de capitaux. Cette inversion nous amène à un autre basculement qui a notamment été pensé et documenté par le sociologue Loïc Wacquant. Nous sommes passés de l’État-providence à l’État-pénitence. Dans cette logique, l’État fait le choix de criminaliser la misère et de miser sur l’incarcération pour juguler les désordres engendrés par le chômage de masse. Les lois migratoires successives vont dans le même sens : surveiller, punir, et au besoin, expulser.
Le pouvoir macroniste, marche-pied de l’extrême droite et propagateur des amalgames les plus réactionnaires entre immigration et délinquance n’est pas légitime à marcher contre l’antisémitisme car il consent à la stigmatisation et laisse les actes discriminatoires se multiplier. Avec ce gouvernement l’islamophobie est tolérable et tolérée dans l’espace public quand d’autres racismes bénéficient d’une réprobation officielle. Cette voie est dangereuse et envoie un très mauvais signal. En refusant de prendre le taureau par les cornes et de s’attaquer au racisme dans tous ses états, à commencer par le racisme systémique dans la police qui visent davantage les racisés, le gouvernement laisse la situation se pourrir. Il laisse courir les stigmatisations et participe à défendre l’idée - avec d’autres - qu’en fonction d’où vient le racisme, celui-ci serait acceptable ou non acceptable. Certains méritent une marche, et d’autres rien. Les phrases que le pouvoir à semé derrière lui, destinées à bloquer la compréhension et la compassion à l’égard des étrangers, suggèrent qu’il est davantage un catalyseur qu’un rempart face au racisme.
"(...) je vous demande d’appliquer à l’ensemble des étrangers sous OQTF la méthode employée pour le suivi des étrangers délinquants" (instruction du 17 novembre 2022 du ministre de l’intérieur aux directeurs généraux de la police et de la gendarmerie nationales et aux préfets).
Avant, déjà, et depuis longtemps, la musique est donnée : “Nous devons agir avec fermeté contre les étrangers qui, par leurs agissements, constituent une menace pour l’ordre public.” (Gérald Darmanin, ministre de l’Intérieur, 29 septembre 2020)
“Je veux être intraitable : toutes celles et ceux qui, étant étranger en situation irrégulière, commettent un acte délictueux, quel qu’il soit, seront expulsés.” (15 octobre 2017, Macron)
Plus récemment, le 27 octobre 2022, Darmanin lâchait une phrase fausse destinée à flatter la clientèle électorale raciste : "nous avons un travail à faire pour rendre la vie des personnes sous OQTF impossible en France comme leur interdire les logements sociaux" : largement électoraliste, cet objectif est, en tant que tel, absurde puisqu’il est déjà appliqué (les personnes en situation irrégulière, avec ou sans OQTF, n’ont aucun droit social, ni au logement ni à quoique ce soit, hormis à l’AME qui n’est pas un geste humanitaire mais une mesure de santé publique). Ce projet est donc déjà une réalité, l’affirmer en tant qu’objectif en fait une récupération politique dérisoire voire dangereuse.
Ce qu’ils savent mais feignent d’ignorer c’est que les infractions pénales des étrangers ne sont pas quantitativement comparables aux infractions pénales commises par les nationaux puisqu’il existe une longue liste d’infractions "réservées" aux étrangers (refus de test PCR, refus de se rendre à un RDV du consulat, refus d’embarquement, absence de titre de séjour...)
Ce droit spécifique réservé aux personnes étrangères transforme en délit ce qui relève du droit pour les personnes françaises (un refus de test PCR ne sera jamais sanctionné par 2, puis 3 mois de prison pour un national). Ce fait explique pour une partie l’amplitude « excédentaire » des délits commis par les étrangers, délits qui n’en sont pas pour les français.
Justement, le projet de loi asile immigration maintient le système de la double peine ce qui aura pour effet de grossir les chiffres de l’incarcération des étrangers et d’essentialiser ensuite la relation entre étrangers et délinquance.
Encore une fois, l’Etat fait d’une infraction un délit lorsqu’elle est commise par un étranger et si ce dernier refuse (pour tout un tas de raisons) de se soumettre à l’autorité judiciaire et administrative, il l’emprisonne malgré l’insalubrité des Centres de Rétention Administrative et l’inutilité de la mesure. Le projet de loi va plus loin. Il prévoit que toute personne étrangère refusant de se soumettre à la prise d’empreintes et de photographies aux fins de vérification de leur droit d’entrée, de circulation et de séjour sur le territoire français, encourt une condamnation pouvant aller jusqu’à un an d’emprisonnement, de 3 750 euros d’amende et de trois ans d’interdiction du territoire français. Rien que ça !
Le projet de loi ouvre aussi la possibilité d’assortir d’une interdiction de territoire français à toute personne condamnée pour une infraction punie d’une peine d’emprisonnement égale ou supérieure à cinq ans ainsi que la création d’un fichier de mineurs non accompagnés délinquants qui sera également soumis à débat. On est là en plein dans la double peine.
Aussi, le projet de loi généralise la précarité administrative en laissant dans l’illégalité les étrangers qui reçoivent une OQTF. Le délai exécutoire, une fois l’OQTF reçue, passe d’un an à deux ans. Ce qui signifie que pendant deux ans, si l’on reste en France, on est soumis à tous types de sanctions si l’on vient à se faire interpeller : assignation à résidence, prison, amende. C’est un obstacle de plus car ça signifie aussi que pendant deux ans on ne peut pas représenter un dossier de régularisation en préfecture : on est condamné à survivre, hors-la-loi.
Parmi les régressions, il y a un affaiblissement du recours lorsqu’on est débouté de sa demande de droit d’asile. En cas de refus de l’OFPRA (Office français de protection des réfugiés et apatrides) la CNDA (Cour nationale du droit d’asile) pouvait trancher en faveur du demandeur d’asile mais ça risque d’arriver bien moins souvent car le projet souhaite remplacer la collégialité (avec la présence d’un juge nommé par le Haut Commissariat au Réfugié) par le développement du juge unique. Par ailleurs, le fonctionnement de l’OFPRA est profondément modifié, comme celui du CNDA, ce qui présente un risque d’affaiblissement de ces instances de protection. Aussi, la conditionnalité de son niveau de français via le passage d’un examen payant est un obstacle à l’obtention d’un titre de séjour comme c’est un obstacle destiné à durcir la possibilité du regroupement familial.
Est présent également dans le projet de loi, la limitation du nombre de renouvellements consécutifs d’une carte de séjour temporaire puis la fin de l’automatisation à la nationalité française pour les étrangers nés en France. Il faudra désormais manifester sa volonté pour l’acquisition de la nationalité à 18 ans ; ce qui est là encore une façon de compliquer les choses et d’empêcher les citoyens et citoyennes d’assumer le plein exercice de leur droit.
La suppression de l’AME et son remplacement par l’Aide Médicale d’Urgence est incluse dans le projet de loi, et c’est une véritable catastrophe !
Le service de ce droit est imparfait, peu en bénéficient, mais pour ceux qui légifèrent c’est déjà trop ! Avec cette suppression on enlève beaucoup à ceux qui n’ont rien et l’on frappe les esprits. C’est un double choc, un double mépris : contre les étrangers et les classes populaires.
Déjà, beaucoup étaient exclus de ce droit avant le projet de loi, il seront plus nombreux encore si cette suppression est maintenue. Le nombre de bénéficiaires de l’AME de droit commun est en baisse en 2018 par rapport à 2017 (-0,6%). Ce qui correspond bien aux constats des associations sur le durcissement des barrières à l’entrée et de l’importance du non-recours à ce droit.
Aujourd’hui pour en bénéficier, il faut : être sans titre de séjour ; prouver sa résidence irrégulière en France depuis au moins 3 mois consécutifs ; déclarer des ressources inférieures à 798 euros par mois pour une personne seule (seuil identique à celui de la complémentaire santé solidaire (C2S).
Le taux de non-recours à l’AME est d’environ 49%. En outre, près de la moitié des personnes sans titre de séjour déclarent souffrir de pathologies qui nécessitent des soins, comme le diabète ou les maladies infectieuses, pourtant, elles n’ont pas de droits ouverts. Ce qu’il faut savoir c’est que le panier de soins est plus réduit et la prise en charge beaucoup plus faible. Les prothèses dentaires et les lunettes sont inaccessibles financièrement aux bénéficiaires de l’AME pour ne prendre que cet exemple. De plus, la prise en charge de certains soins programmés (prothèse de hanche, soins kinés, opération de la cataracte, etc.) est conditionnée au bénéficiaire de l’AME depuis 9 mois.
L’observatoire du droit à la santé des étrangers rappel que “Les bénéficiaires de l’AME n’ont pas de carte vitale, ce qui complexifie le traitement administratif de leur dossier, allonge les délais de remboursements des professionnels de santé et constitue un facteur important de refus de soins, beaucoup plus importants que pour les bénéficiaires de la C2S dont le taux de refus de soins est par ailleurs déjà très élevé (42% selon un testing réalisé par le Défenseur des droits en 2019)” A ce sujet, on peut consulter le rapport réalisé à la demande du Défenseur des droits et du Fonds CMU-C, octobre 2019.
Inhumaine, cette Aide Médicale d’Urgence qui doit remplacer l’Aide Médicale d’État est aussi bien une aberration sanitaire que budgétaire. L’observatoire souligne dans son rapport de décembre 2022 que plus le patient est pris en charge tôt et mieux c’est pour lui et moins c’est coûteux. “Concernant le VIH, une étude montre qu’une prise en charge précoce des personnes atteintes par le VIH génère une économie moyenne comprise entre 32
000 et 198 000 € par patient. D’autres études vont dans le même sens en ce qui concerne la pédiatrie (...).” Il faudrait donc avoir son pronostic vital fortement engagé pour qu’on daigne se faire soigner ! Ce n’est acceptable ni pour eux, ni pour nous, ni pour personne.
En 2012, en Espagne, la droite avait pris la même décision en supprimant l’accès au soin universel. Une étude a montré une hausse de 15% de la mortalité des personnes concernées. Voter la suppression de l’AME tout en connaissant les conséquences en termes de mortalité en raison de l’exemple espagnol, c’est faire le choix d’une politique criminelle qui générera des larmes et des morts.
En conclusion
Le climat raciste est anxiogène. Ce n’est pas le RN qui se normalise, c’est la norme qui se lepénise. Les préjugés dominent le monde politico-médiatique.
“L’immigration est un fardeau.” Marine Le Pen, septembre 2015
“On veut ceux qui bossent, pas ceux qui rapinent” Gérald Darmanin 6 décembre 2022
Immigration : le journaliste Benjamin Duhamel s’interroge : “Est-ce que la France doit accueillir une part de ce fardeau ?” septembre 2023.
“La France n’accueillera pas de migrants présents à Lampedusa.” Gérald Darmanin, septembre 2023
“Il n’y aura jamais de droit inconditionnel à la régularisation.” Emmanuel Macron, septembre 2023
“Ils ont transformé nos frontières en passoire” (Fabien Roussel, avril 2023)
“Tout le monde à envie de nous ressembler, à commencer par les migrants. Ils veulent tous venir en Europe.” (Darius Rochebin, journaliste, LCI) 2 octobre 2023.
“L’augmentation rapide du nombre d’étrangers en France participe à l’embolie de beaucoup de nos services publics.” Edouard Philippe, juin 2023.
Lorsqu’on s’affranchit de la réalité il est possible de sortir ce type de phrase et de faire croire les pires choses. La fiction raciste remplace l’étude des chiffres et l’analyse des données sur ce qui explique l’immigration. Les préjugés ont la parole et les témoignages des sans papiers, premiers concernés par les lois sur l’immigration, sont en sourdine. Pour maintenir le prolétariat divisé et les plaies du racisme toujours ouvertes, cette loi a l’avantage de faire diversion et d’occulter le vrai problème ; que ce soit sur la biodiversité, sur les services publics ou sur les salaires, la vraie pression n’est pas exercée par les étrangèr.es mais par le Capital.
La loi asile immigration est dangereuse et nocive pour les étrangers. Elles généralisent des notions floues et arbitraires comme celle du “trouble à l’ordre public” afin d’interpeller plus, d’enfermer plus, d’expulser plus. On est tous concerné ! Ce qui arrive aux étrangers peut nous arriver à nous aussi : il suffit de désobéir aux patrons, à l’Etat, pour entrer à notre tour dans cette catégorie douteuse du “trouble à l’ordre public”. Est-ce aussi parce qu’elle présente une menace à l’ordre public que la militante palestinienne du FPLP Mariam Abu Daqqa a été arrêtée par la police à Paris ? Elle est actuellement au commissariat du 13e arrondissement et à failli être expulsée à Gaza par l’Etat français. Son visa a été annulé et elle est depuis assignée à résidence.
En somme, ce projet de loi vise à pourrir la vie des étrangèr.es et à entraver un peu plus un droit humain pourtant fondamental qui devrait être universel : la liberté de circulation et d’installation. A travers cette loi, et notamment en supprimant l’AME, l’Etat s’attaque aux plus pauvres des plus pauvres avec autant de véhémence qu’il défend les intérêts des plus riches parmi les plus riches.
Maxime Motard, membre de la Cimade et militant écosocialiste
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