Édition du 17 décembre 2024

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Canada

M. Trudeau, il est temps de faire marche arrière concernant le pipeline de Kinder Morgan

« Quand on prend la mauvaise direction, il faut faire demi-tour. »

Au moment où Justin Trudeau a approuvé le projet de pipeline de Kinder Morgan, il venait d’être élu, et Rachel Notley était LA chouchou du monde politique au Canada. C’était la première fois qu’un premier ministre albertain s’inquiétait réellement des enjeux liés aux changements climatiques, à l’égalité des droits des femmes et à la réconciliation avec les peuples autochtones. Lorsque Trudeau a accédé au pouvoir, Notley était comme une bouffée d’air frais en Alberta, et une alliée beaucoup plus accessible que ses prédécesseurs.

Tiré du site de Greenpeace Canada.

C’est sous ce « ciel sans nuage » que la décision concernant le pipeline de Kinder Morgan a été conclue à huis clos. Même si Trudeau a reconnu que le processus d’examen avait été interrompu, il a accordé un pipeline à Rachel Notley en échange de son soutien au plan national de lutte aux changements climatiques. À ce moment, cela semblait être une solution avantageuse pour les deux parties. Notley pouvait se vanter d’avoir réussi là où les conservateurs avaient échoué, et Trudeau obtenait le soutien de la province la plus émettrice de gaz à effet de serre du pays, tout en remplissant un de ses plus importants engagements politiques. Peu de risques donc et des avantages sur le plan politique.

Deux ans plus tard, les nuages recouvrent à nouveau le ciel de la colline parlementaire, et ce climat pourrait nuire aux chances de Trudeau d’être réélu, en plus de lui faire perdre sa réputation de bon garçon à l’échelle internationale. 

Mais alors, que s’est-il produit ?

Premièrement, miser sur une dynastie néo-démocrate en Alberta semble risqué. Même si Notley clame haut et fort les avantages du projet Kinder Morgan, les sondages ne cessent d’indiquer que le NPD perd du terrain dans les intentions de vote face à Jason Kenney de l’Association progressiste-conservatrice. Si Trudeau a mal fait ses calculs concernant le projet de pipeline et que Notley perd aux prochaines élections, il se retrouvera face à un chef albertain qui s’oppose férocement à son programme. Les libéraux perdront aussi tout soutien qu’ils auraient pu obtenir sur la côte Ouest canadienne.

Deuxièmement, Trudeau a largement sous-estimé l’ampleur de l’opposition à ce projet de pipeline. En effet, un récent sondage d’opinion révèle que la quasi-majorité des Britanno-Colombiens est opposée au projet, en particulier les femmes et les résidents de Vancouver et de l’île de Vancouver (les deux secteurs que les libéraux comptaient conquérir aux prochaines élections). Le sondage révèle également que parmi les opposants, une personne sur quatre se dit prête à participer à des actes de désobéissance civile pour que cesse ce projet (l’équivalent de quelques centaines de milliers de personnes). La force est importante pour faire bouger les choses dans le domaine politique, et je n’ai jamais vu autant de gens en faveur de la désobéissance civile.

Oubliez la « guerre des rosés », (ce moment un peu gênant où l’Alberta a décidé de mettre sous embargo les importations de vins de la Colombie-Britannique). C’est vers un nouvel affrontement que se dirige Justin Trudeau, et avec des chefs autochtones solidement ancrés à la barre du mouvement de résistance au projet Trans Mountain, la réconciliation avec les peuples autochtones risque de se solder par un échec d’ampleur nationale. À la suite des événements de Standing Rock, la vision des gens a changé en ce qui concerne les droits des Autochtones et ce changement est irréversible.

Rien ne pourrait entraîner une destruction plus rapide de l’image progressiste de Trudeau dans le monde que de voir des aînés autochtones qui défendent pacifiquement leurs eaux et leurs terres se faire arrêter par les forces de l’ordre, et c’est exactement ce vers quoi notre premier ministre se dirige.

Plus de 23 000 personnes ont déjà accepté de faire « ce qu’il faudra » pour mettre fin au projet de pipeline. Des membres de la nation Tseil-Waututh ont organisé un mouvement de masse qui aura lieu le 10 mars et qui marquera le début d’une période d’hostilités.

Des dirigeants autochtones, des maires et même un ou deux députés fédéraux sont prêts à risquer l’arrestation pour que ce projet n’aille pas de l’avant. Chacune de ces arrestations risque de faire les grands titres, et l’image de notre premier ministre pourrait être ternie dans le monde entier.

Trudeau pourra éviter le pire quand il cessera d’appuyer un gouvernement qui risque de ne pas être réélu l’an prochain. S’il veut préserver sa bonne réputation internationale et tenir ses promesses, il doit laisser se dérouler le processus des examens scientifiques prévus en Colombie-Britannique, laisser aux tribunaux le soin d’instruire les affaires qui leur sont présentées, et laisser l’effondrement de l’économie liée aux pipelines suivre son cours.

Alex Speers-Roesch

Militant de Greenpeace Canada.

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