Édition du 17 décembre 2024

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Québec

Lettre d'opinion : Le privé en santé, on ne veut pas de ça au Québec

Le gouvernement a tranché, il persiste et signe : deux hôpitaux privés verront le jour pour, explique-t-on, désengorger les urgences. Puis, on nous annonce que le financement par épisode de soins a permis non seulement de transférer des chirurgies dans le privé, mais qu’il servira bientôt à financer les hôpitaux publics pour les mettre en concurrence. En plus, Québec pense à instaurer une « facture symbolique » pour les usagers du réseau.

Nous ne pouvons accepter une remise en cause unilatérale aussi fondamentale des principes qui ont présidé à la mise en place du système public de santé et services sociaux au Québec. Bien sûr que le système connait actuellement des ratées, conséquences des réformes successives et de l’austérité qui lui ont été imposées depuis de très nombreuses années, mais rien ne démontre que si le privé occupait plus de place dans le système, on s’en sortirait mieux.

Au contraire, ce qui fait défaut, ce sont ces nombreuses composantes qui ont déjà été privatisées, ou qui n’ont jamais été intégrées au système public. Si les urgences débordent, c’est que la première ligne médicale, composée de cliniques et GMF privés, ne répond pas à la demande. Et si les CLSC, qui pourraient pourtant mieux répondre aux besoins médicaux et psychosociaux en première ligne, ne peuvent pleinement jouer leur rôle, c’est parce que les médecins évoluent en marge du système public, et ont préféré la pratique privée en cabinet.

Les lacunes du privé s’observent aussi dans les soins de longue durée ou en matière d’accès aux services de professionnels. Le privé, non seulement ne constitue pas une solution, mais constitue le problème qu’il nous faut régler.

Prétendre que le privé fera mieux que le public, du simple fait de sa nature privée, est non seulement fallacieux, mais méprisant pour les acteurs qui œuvrent sans relâche dans le système public. Qu’on leur en donne les moyens, qu’on y intègre toutes ses composantes, qu’on décentralise et qu’on laisse les personnes sur le terrain se concerter, organiser leur travail, les soins et les services, et il n’y a aucune raison pour que le système public ne puisse pas faire mieux que le privé.

Les Québécois doivent se demander ce qu’ils ont à gagner à privatiser le réseau de la santé et des services sociaux. Le privé ne s’installe pas en santé avec des ressources financières venues d’ailleurs, avec des ressources humaines venues d’ailleurs et avec une profitabilité qui proviendra d’on ne sait où. Le privé en santé, accessible avec la carte soleil ou non, se finance avec l’argent des Québécois, opère avec les ressources humaines dont nous avons cruellement besoin dans le système public pour faire fonctionner nos urgences, nos hôpitaux, nos CHSLD, nos CSLC, nos centres de réadaptation et nos centres jeunesse, et doit générer une profitabilité qui proviendra inévitablement de nos poches.

Les Québécois doivent réaliser que le mirage du privé en santé, c’est la perte de contrôle sur ce que nous priorisons ou non, ce sont des coûts qui seront en croissance, et ce sera tantôt un accès avec la carte soleil, mais peut-être plus tard avec une carte de crédit. Et une fois le privé bien installé, il sera difficile de s’en débarrasser. Les enjeux sont considérables.

Le gouvernement, au lieu de remettre en question ce qui constitue un acquis de société d’une valeur inestimable, qui fait de la santé de chacun une responsabilité collective, et plutôt que de songer à des « factures symboliques », devrait plutôt faire preuve de courage, et œuvrer à déprivatiser le système de santé et de service sociaux du Québec, à réparer les dégâts de l’austérité, et à compléter la couverture publique.

Les signataires suivants interviennent au nom la Coalition Main rouge :

 Réjean Leclerc, président, Fédération de la santé et des services sociaux (FSSS-CSN)

 Laurence Guénette, Coordonnatrice de la Ligue des droits et libertés

 Émilie Charbonneau, 2e vice-présidente, Alliance du personnel professionnel et technique de la santé et des services sociaux (APTS)

 Dominique Daigneault, Présidente, Conseil central du Montréal métropolitain-CSN

 Benoît Lacoursière, Secrétaire général et trésorier, Fédération nationale des enseignantes et des enseignants du Québec – CSN

 Véronique Laflamme, Organisatrice et porte-parole, Front d’action populaire en réaménagement urbain (FRAPRU)

 Tristan Ouimet-Savard, responsable de la mobilisation, Réseau québécois de l’action communautaire autonome (RQ-ACA)

 Catherine Tragnée, Organisatrice communautaire, Front commun des personnes assistées sociales du Québec

 Julie Corbeil, Coordonnatrice, TROVEP de Montréal

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