Diverses expressions du vote stratégique
Dans sa « Déclaration au conseil général du 11 avril 2011 », la FTQ identifie clairement les politiques antisyndicales et anti-québécoises du gouvernement Harper. Le Parti conservateur a mis une « croix sur les investissements sociaux et a privilégié les intérêts des entreprises et des mieux nantis ; il a fait des réinvestissements massifs dans la défense ; il a réduit les impôts des entreprises de milliards de dollars ; au mépris de l’environnement, il a soutenu l’exploitation des sables bitumineux. Le parti s’est attaqué aux droits des plus démuni-e-s. Il a rejeté du revers de la main l’application de la loi anti-briseurs de grève aux institutions fédérales. Le Parti conservateur du Canada s’est opposé aux droits des femmes ; il a refusé de reconnaître l’équité salariale ; il a tenté d’abolir le registre des armes à feu ; il a préparé le terrain à la remise en question du droit des femmes à avorter. Il a diminué l’accès à l’assurance chômage. Il s’est également opposé aux droits légitimes du Québec. Il a refusé l’extension de la loi 101 aux institutions fédérales...
Pour la FTQ, le vote stratégique, c’est le vote pour le Bloc québécois. Le document affirme même que le Bloc est un solide rempart contre les reculs que veulent imposer les partis de droite. On n’explique en rien pourquoi il n’a pu empêcher que les Conservateurs imposent leurs politiques réactionnaires malgré une forte présence du Bloc ces dernières années. Mais, l’appel au vote en faveur du Bloc porte une autre dimension stratégique. Elle est censée renforcer le camp nationaliste et donner une impulsion à la lutte du PQ pour le pouvoir.
La CSN, pour sa part, propose de voter pour les candidat-e-s les plus susceptibles d’empêcher l’élection d’un-e candidat-e du parti de Stephen Harper. On invite donc à voter soit pour le Bloc, soit pour le NPD ou même pour le Parti libéral du Canada. Pour ce qui est du PLC, on a vite oublié les politiques qu’il a menées sur tous les terrains contre les travailleurs, les travailleuses, les chômeurs et les chômeuses... .
Qu’est-ce qui est oublié par ces prises de position sur le vote stratégique ?
On peut voir que le vote stratégique ne l’est qu’en partie. En effet, si l’objectif pour les grandes organisations syndicales était de se débarrasser des Conservateurs, il n’y aurait que trois stratégies possibles : soit faire campagne pour que le maximum de votes possible se range derrière le NPD, soit que le maximum se range derrière le PLC, soit que le mouvement syndical dans l’État canadien mène une campagne pour un gouvernement NPD-PLC soutenu par le Bloc québécois.
Le mouvement syndical québécois a une mémoire quand même assez claire pour se rappeler que le Parti libéral du Canada a mené une série d’attaques contre les syndiqué-e-s du Québec et contre le Québec comme nation. La loi sur la Clarté et le scandale des commandites sont encore dans la mémoire de beaucoup.
En appelant à voter pour n’importe qui sauf Harper, on tente de réaliser une coalition virtuelle contre Harper. L’objectif stratégique précis reste dans l’ombre. Mais, personne dans le mouvement syndical ne soutient la campagne pour la mise en place d’une coalition organisée contre Harper. D’ailleurs, le chef du PLC, Michaël Ignatieff a rejeté ouvertement cette possibilité durant le débat des chefs. Il préfère construire le PLC comme alternative plutôt que de proposer de s’allier à des sociaux-démocrates et à des souverainistes. Le NPD fait aussi de sa construction comme alternative politique essentielle son premier choix.
Le vote stratégique a dès lors comme principal objectif d’empêcher le Parti conservateur d’obtenir une majorité de sièges. On espère ainsi affaiblir le PC dans sa capacité de faire adopter facilement les politiques conservatrices. Pourtant, on nous dit que le PC a mené une politique tout à fait réactionnaire comme gouvernement minoritaire et qu’il a fait beaucoup de mal. Présenter comme une victoire, ce statut minoritaire du prochain gouvernement, c’est se contenter de fort peu. C’est oublier que des partis défaits, au sortir d’une élection, seront sans doute amenés à avaler toutes les couleuvres possibles durant les prochaines années pour éviter de retourner devant l’électorat.
Sortir de l’impasse
Pour dépasser ces impasses, il faut créer les conditions d’une coalition véritable des forces de gauche contre la droite canadienne. Cette dernière passera : 1) par le renforcement des capacités de mobilisation des mouvements syndicaux, féministes, populaires et jeunes ; 2) par le renforcement de leur capacité d’agir contre le gouvernement fédéral à l’échelle pancanadienne ; 3) par l’unification des forces de gauche sur le terrain politique, unification qui ne pourra se fonder que sur la reconnaissance du droit à l’autodétermination du Québec et des autres minorités nationales opprimées.
Si nous ne parvenons pas à jeter concrètement les bases de telles perspectives stratégiques, nous serons encore pour longtemps, d’une élection à l’autre, à prendre des défaites pour des victoires.