Hier, nous avons indiquécertains enjeux à surveiller pendant la soirée électorale… et la plupart d’entre eux ont été révélateurs des tendances de fond qui ont joué dans le résultat final.
La progression (ou régression) du vote bloquiste par rapport à l’élection de 2011
Comme nous l’avons présagé hier, le vote bloquiste a bel et bien reculé (de plus de 3 %) depuis l’élection de 2011, mais cela s’est paradoxalement soldé par une députation plus de deux fois plus grande (4 sièges en 2011, 10 cette année). Ce phénomène s’explique principalement par le fléchissement du vote néodémocrate et la hausse du vote libéral (et conservateur dans certaines circonscriptions), ce qui a permis à une poignée de bloquistes de se faufiler.
Cependant, la plus grande ironie se trouve du côté du fait que Mario Beaulieu, qui avait laissé son poste de chef à Gilles Duceppe, a été le seul bloquiste à se faire élire à Montréal, pendant que le revenant se faisait dire non par l’électorat de Laurier-Sainte-Marie pour une deuxième fois de suite
La distorsion entre le pourcentage de vote et le nombre de sièges obtenus par les partis dans chaque province
Au niveau national
PLC : 39,4 % du vote ; 54,4 % des sièges
PCC : 31,9 % du vote ; 29,3 % des sièges
NPD : 19,7 % du vote ; 13 % des sièges
BQ : 4,7 % du vote ; 3 % des sièges
PVC : 3,4 % du vote ; 0,3 % des sièges
Terre-Neuve-et-Labrador
PLC : 64,5 % du vote ; 100 % des sièges
PCC : 10,3 % du vote ; 0 % des sièges
NPD : 21 % du vote ; 0 % des sièges
Nouvelle-Écosse
PLC : 61,9 % du vote ; 100 % des sièges
PCC : 17,9 % du vote ; 0 % des sièges
NPD : 16,4 % du vote ; 0 % des sièges
Île-du-Prince-Édouard
PLC : 58,3 % du vote ; 100 % des sièges
PCC : 19,3 % du vote ; 0 % des sièges
NPD : 16 % du vote ; 0 % des sièges
Nouveau-Brunswick
PLC : 51,6 % du vote ; 100 % des sièges
PCC : 25,3 % du vote ; 0 % des sièges
NPD : 18,3 % du vote ; 0 % des sièges
Québec
PLC : 35,7 % du vote ; 51,3 % des sièges
PCC : 16,7 % du vote ; 15,4 % des sièges
NPD : 25,4 % du vote ; 20,5 % des sièges
BQ : 19,3 % du vote ; 12,8 % des sièges
Ontario
PLC : 44,8 % du vote ; 66,1 % des sièges
PCC : 35 % du vote ; 27,3 % des sièges
NPD : 16,6 % du vote ; 6,6 % des sièges
Manitoba
PLC : 44,6 % du vote ; 50 % des sièges
PCC : 37,3 % du vote ; 35,7 % des sièges
NPD : 13,8 % du vote ; 14,3 % des sièges
Saskatchewan
PLC : 23,9 % du vote ; 7,1 % des sièges
PCC : 48,5 % du vote ; 71,4 % des sièges
NPD : 25,1 % du vote ; 21,4 % des sièges
Alberta
PLC : 24,6 % du vote ; 11,8 % des sièges
PCC : 59,5 % du vote ; 85,3 % des sièges
NPD : 11,6 % du vote ; 2,9 % des sièges
Colombie-Britannique
PLC : 35,2 % du vote ; 40,5 % des sièges
PCC : 30 % du vote ; 23,8 % des sièges
NPD : 25,9 % du vote ; 33,3 % des sièges
PVC : 8,2 % du vote ; 2,4 % des sièges
En somme, les partisans d’une réforme du mode de scrutin intégrant un élément de proportionnelle trouveront dans les résultats d’hier de quoi alimenter leur position. Mais gageons que Justin Trudeau ne sera pas pressé de passer à l’acte. (Et mentionnons que le Manitoba est la province où le nombre de sièges représente le mieux l’expression du vote populaire.)
La progression (ou régression) du vote vert par rapport à l’élection de 2011
Le « recentrage » du NPD aurait pu profiter au Parti vert, mais il semble que celui-ci soit prisonnier de son 3 % – pratiquement inchangé par rapport à il y a 4 ans. Le vote néodémocrate ne s’est effondré que d’un côté, celui du Parti libéral. Et à entendre le discours de Thomas Mulcair d’hier soir, on pourrait croire que le NPD retrouvera son rôle de « conscience du Parlement » et, avec un peu d’introspection, remettra en question sa tentative d’aller chercher le centre en désertant la gauche.
Le maintien ou l’écroulement du NPD dans le 450
C’est en train de devenir une loi fondamentale de la politique électorale : les banlieues sont les endroits où le vote est le plus volatil. Le 450 montréalais n’a pas échappé à cette tendance. En 2011, toutes les circonscriptions bordant Montréal étaient passées au NPD ; en 2015, il n’y en a plus qu’une seule, Longueuil-Saint-Hubert – remportée de justesse, d’ailleurs. On remarque aussi un phénomène particulier : la Rive-Nord est plus bloquiste et la Rive-Sud, plus libérale.
La bataille des trois chefs montréalais dans leurs circonscriptions respectives
Justin l’a emporté facilement, Thomas a été chauffé par son adversaire libérale, Gilles a été battu (le seul chef de parti de l’histoire canadienne à être battu deux fois de suite dans sa circonscription, soit dit en passant). La grande question pour la suite des choses concerne Mulcair : voudra-t-il, sera-t-il capable de se maintenir à la tête du NPD après cette défaite ? Quelles leçons tirera-t-il de la campagne ?
La bataille d’Hochelaga
La lutte a été chaude. Pendant un long moment, on aurait cru voir l’impossible se réaliser : Hochelaga passer au rouge. Le résultat extrêmement serré – qui s’est finalement soldé par une victoire de la députée néodémocrate sortante – est révélateur de la dynamique dans l’ensemble du Québec : la vague orange s’est retirée, laissant derrière elle un paysage multicolore où le rouge domine. Fait important à noter : le candidat bloquiste – dans cette circonscription considérée comme un bastion indépendantiste – est arrivé bon troisième.
La bataille de Montarville
Alors que l’on aurait pu croire qu’avec 10 élu-e-s, le Bloc compterait notamment Catherine Fournier, qui se présentait dans Montarville, ce n’est pas le cas. Cette circonscription, plus à droite que ses voisines selon la Boussole électorale de Radio-Canada, est passée au rouge libéral. Le mouvement du vote dans Montarville représente bien ce qui s’est passé à l’échelle du Québec : baisse du NPD et remontée du PLC, créant un espace pour que le Bloc se faufile sans que cela ne se réalise.
Le retour possible d’Olivia Chow
Le NPD a été rayé de la carte de Toronto, pas un seul de ses châteaux forts dans la région n’a résisté à l’assaut libéral. Si la gauche doit revenir au NPD, ce sera sans la contribution parlementaire de la veuve de Jack Layton.
La bataille de Central Nova
Ce siège, occupé longtemps par l’ex-ministre conservateur et ex-chef du Parti progressiste-conservateur Peter MacKay, était l’un des rares bastions conservateurs dans les provinces maritimes. Pour qu’il change de couleur, il fallait que quelque chose de majeur se produise… et c’est ce qui est arrivé : l’Atlantique a vu déferler un raz-de-marée libéral. Pas un seul siège – ni même le très-conservateur Tobique-Mactaquac (dans l’Ouest du Nouveau-Brunswick), n’a résisté.