Édition du 17 décembre 2024

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Élections fédérales 2015

Élections 2015 analyse du vote au Québec : près de 85% des électeurs et électrices rejettent les conservateurs

Personne ne l’avait vu venir celle-là. Les libéraux majoritaires ! Aucun sondage n’a dégagé cette perspective. Au mieux, on évoquait un gouvernement libéral minoritaire auquel pourrait s’associer le NPD pour former un gouvernement de coalition. Le rejet du gouvernement Harper par plus de 80% des électeurs et électrices du Québec est sans équivoque. Le libéraux ont été opportunistes pour capter ce mécontentement, davantage que les néodémocrates qui ont joué la carte du recentrage, croyant bêtement que la crédibilité se bâtit à coup de reculs sur ses valeurs et ses orientations. Le Bloc québécois a augmenté sa députation sans atteindre le seuil pour être reconnu comme parti à la Chambre des communes, tout en récoltant moins de votes que lors de l’élection précédente.

La défaite conservatrice malgré des gains au Québec

Les conservateurs ont doublé le nombre d’élus au Québec. Ils ont obtenu un total légèrement supérieur du nombre de votes (+ 80575). Ils ont réussi à imposer le niqab dans la campagne, tentant de façon odieuse de passer sous silence leur bilan et les effets de leurs politiques sur la société et les services publics. Cependant, ces gains furent insuffisants pour faire barrage à la marée rouge libérale qui a réussi à incarner le changement et le rejet des conservateurs. Les conservateurs ont progressé dans 26 comtés (pour une moyenne globale sous les 2% cependant), régressé dans 23 (dont Mégantic-Érable et Lac St-Jean, des châteaux forts conservateurs où les reculs furent importants) et effectué une performance égale à celle de 2011 dans 18 comtés. Dans les 11 autres, pour de raisons de redécoupage ou tout simplement parce qu’il s’agit de nouveaux comtés, les comparaisons sont difficiles à établir. Les gains effectués au Québec ne furent donc pas suffisants pour compenser les pertes survenues ailleurs au Canada provoquant la défaite des conservateurs.

La débâcle du NPD

Avis aux personnes qui pensent qu’un virage à droite peut être utile politiquement pour apparaître plus crédibles, plus réalistes : le NPD après les travaillistes en Grande-Bretagne et la plupart des partis sociaux-démocrates vient de faire la démonstration que cette position mène à l’impasse et à l’échec. Voulant recentrer le NPD, Thomas Mulcair a fait le pari qu’un discours plus réaliste le conduirait aux portes du pouvoir. Il s’en est éloigné plus que jamais revenant aux résultats traditionnels du NPD d’avant 2011. La vague orange s’est brisée sur les rives de l’opportunisme libéral qui a débordé le NPD sur sa gauche adoptant une position laissée à l’abandon par les sociaux-démocrates. Le libéraux ont été plus catégoriques dans leurs prises de position sur plusieurs dossiers : budgets déficitaires s’il le faut, enquête sur les femmes autochtones disparues, maintien du service postal à domicile, légalisation de la marijuana, ouverture du programme d’assurance-chômage, révision des projets de transport du pétrole dans leur forme actuelle, etc. Le PLC est apparu pour plusieurs comme plus audacieux que le NPD. De plus, les prises de position opportunistes de Mulcair sur les projets de transport de pétrole par pipeline et son louvoiement sur la question du niqab auront permis aux libéraux d’apparaître comme plus crédibles dans la succession aux conservateurs.

Le NPD a donc perdu plus de la moitié de son électorat, au profit des libéraux qui ont habilement surfé sur le mécontentement vis-à vis des conservateurs. Le sondages qui donnaient le NPD bon premier au départ des élections avaient suscité des espoirs, en vain. Ce fut le seul moment de réjouissance. La dégringolade s’est poursuivie jusqu’à la fin. Au Québec, seule une quinzaine des 59 éluEs néodémocrates a survécu à la vague libérale.

Mulcair refuse pour l’instant de dévoiler ses plans. Est-ce qu’il demeurera à la tête du parti ou bien quittera-t-il ? Parions que la base du parti commence déjà à chercher un nouveau chef. Le NPD demeure implanté au Québec plus qu’il ne l’a jamais été. Cependant, le capital de sympathie qu’avait réussi à construire le NPD pour devenir l’opposition officielle à Ottawa et le premier parti au Québec est largement remis en question et le parti devra revoir en profondeur sa place sur l’échiquier politique : retour aux valeurs de gauche ou recentrage vers un blairisme à la canadienne.

Les résultats du Bloc québécois

Contrairement à ce qu’on pourrait penser à première vue, le Bloc québécois ne progresse pas au niveau des votes reçus. Bien au contraire, sa chute se poursuit comme ce fut le cas au cours des 5 dernières élections. Le Bloc reçoit 818 652 votes alors qu’en 2011, il avait obtenu 889 788 votes (-71 136). Il n’atteint pas la barre des 20% pour la première fois de son existence (19,3%). Il ne sera pas reconnu comme parti politique à la Chambre des communes. Son chef n’a pas été élu dans Laurier-Ste-Marie. Il a fait cependant élire une dizaine de députéEs, plus du double qu’en 2011.

L’évolution du vote bloquiste est difficile à réaliser à cause notamment du redécoupage de plusieurs comtés et de l’ajout de 3 nouvelles circonscriptions. Certaines tendance peuvent tout de même être dégagées (Les chiffres de 2015 sont préliminaires. Ils proviennent du site d’Élections Canada. Les données sur les élections de 2011 proviennent des archives d’Élections Canada)

Par exemple, dans Pierre-Boucher-Les Patriotes-Verchères (nouveau découpage du comté), le Bloc passe de 36,4% en 2011 à 28,6% en 2015 mais il remporte le comté ; les libéraux passent de 9,5% en 2011 à 28,3% en 2015 alors que le NPD passe de 51,9% en 2011 à 24,3% en 2015. La chute du vote NPD ne se traduit pas par un gain du Bloc mais par une razzia libérale.

Dans Rivière-du-Nord où Pierre-Karl Péladeau est le député siégeant à l’Assemblée nationale du Québec, le Bloc passe de 28,2% en 2011 à 32,0% en 2015, une modeste progression mais qui ne se compare pas aux résultats obtenus dans le passé (53,5% en 2008, 59,0% en 2006, 66,3% en 2004, etc.). Les libéraux quant à eux passent de 6,3% en 2011 à 26,3% en 2015. Le NPD régresse de 55,3% en 2011 à 30,1 en 2015. Encore une fois, la débandade du NPD a surtout profité au PLC alors que le Bloc sans connaître une performance notable s’est glissé entre les deux. Dans Joliette, le Bloc fait du surplace mais l’emporte avec 18 796 en 2015 comparativement à 18 804 en 2011 (-8). Le PLC obtenait 2545 en 2011 et progresse à 15 950 en 2015 (+13 405). NPD régresse de 27050 en 2011 à 14 599 en 2015 (-12 451).

Ailleurs, le Bloc a réussi quelques remontées par rapport à ses résultats antérieurs sans toutefois s’approcher des résultats de la fin des années 1990 et du début des années 2000. Dans Manicouagan, le Bloc obtient 17 293 en 2015, alors qu’il en avait obtenu 10 495 en 2011 (+6 798). Dans Repentigny, les votes attribués au Bloc passent de 19 242 en 2011 à 22 627 en 2015 (+3 385). Dans Montcalm, le Bloc passe de 30,2% en 2011 à 36,7% en 2015. Des progressions du même type peuvent être constatées dans Terrebonne et La-Pointe-de-l’Île.

Le vote bloquiste a peu progressé dans les comtés où il a remporté la victoire. Le Bloc a surtout profité de la déconfiture du NPD qui a surtout profité aux libéraux ce qui a permis au Bloc de se glisser en première position sans connaître une progression significative de son appui populaire. Les libéraux se positionnent dorénavant deuxièmes dans plusieurs de ces comtés. Dans l’ensemble le Bloc a perdu plus de 71 000 votes comparé à l’élection de 2011, un bilan négatif compensé par une députation accrue de 10 éluEs. Il a su surfer de façon opportuniste sur la vague anti-niqab initiée par les conservateurs. Ça leur a profité tout comme aux conservateurs qui ont tous deux sauvé les meubles face au tsunami libéral au Québec. La formation québécoise n’est pas au bout de ses peines alors qu’elle ne sera pas reconnue comme une formation politique officielle à la Chambre des communes ce qui la privera de moyens financiers importants et de temps de parole au Parlement.

L’opportunisme des libéraux

Justin Trudeau qui fut l’objet de toutes les campagnes négatives des conservateurs a profité d’une longue campagne pour se positionner comme le candidat de la gauche, davantage que le NPD. Il s’est engagé à mettre sur pied une commission d’enquête sur les femmes autochtones disparues et à établir des relations de nation à nation avec les peuples autochtones, à rétablir la livraison du courrier à domicile, à imposer davantage les plus riches, à mettre fin aux interventions militaires en Syrie et en Irak, à annuler certaines disposition de la loi C-51, à légaliser la marijuana, à rétablir le financement de la Société Radio-Canada et ajouter un financement annuel de 150 millions$, fixer de nouvelles cibles de réduction des gaz à effet de serre conjointement avec les provinces, participer à COP21 à Paris en décembre prochain, une réforme électorale et j’en passe. Bref, le programme consiste à revenir sur une série de réforme les plus odieuses des conservateurs sans remettre en question les fondements de la politique de l’oligarchie canadienne : libre-échangisme, capitalisme vert, extractivisme, etc.

Les organisations syndicales et populaires ont pris bonne note de ces engagements et plusieurs lui rappelleront lorsque l’envie de remettre à plus tard ou de déroger à ces promesses se manifestera. Il est tôt pour dégager une tendance lourde concernant le nouveau pouvoir à Ottawa. Certes, ça risque d’adopter des formes moins odieuses que sous le règne conservateur. Mais il faut savoir que nous avons devant nous les libéraux fédéraux re-looké, tentant de se couvrir d’une nouvelle virginité. Mais souvent, chassez le naturel, il revient au galop. Le PLC, parti du scandale des commandites, formation que reprochait à Thomas Mulcair sa mollesse face au mouvement indépendantiste québécois et se disant tout à fait à l’aise avec la loi antidémocratique sur la clarté voté par ses prédécesseurs. Le PLC c’est le parti des coupures dans les transferts aux provinces. C’est le parti qui a combattu le déficit fédéral en pigeant dans la caisse de l’assurance-chômage. C’est le parti qui a ouvert le Canada aux paradis fiscaux. Il faudrait peut-être se le rappeler.

Pour conclure

Je ne peux m’empêcher de mentionner la performance d’Ellen Ruth Brosseau du NPD dans Berthier-Maskinongé. Celle qui fut élue en 2011 sans avoir mis les pieds dans sa circonscription et qui ne possédait pas le profil de la candidate aux élections a été réélue avec un meilleur résultat qu’en 2011 (22 403 votes : 39,5% en 2011, 22 942 votes : 42,2% en 2015). Preuve qu’une personne qui n’est ni avocat ou provenant du milieu des affaires ou des professions libérales peut être une élue tout à fait respectable et représenter adéquatement ses concitoyenNEs.

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