L’élection du PQ faisait suite à neuf années de gestion d’austérité où le gouvernement libéral avait modifié le système d’accréditations syndicales, organisé une offensive anti sociale en santé et en éducation, augmenté la tarification du patrimoine d’Hydro-Québec, déroulé le tapis rouge aux multinationales pour l’exploitation et l’appropriation de nos ressources naturelles avec le Plan Nord. Le mouvement étudiant avait pris acte de cette offensive et mis sur pied un plan d’organisation qui a débouché sur une mobilisation sociale inégalée dans toute l’histoire du Québec. Malgré tout ça le projet péquiste n’a pas collé, le PQ n’a pas réussi à inspirer une population déjà convaincue et mobilisée pour défaire les libéraux, il a tout juste obtenu la note de passage.
Au lendemain des élections fédérales, prenant acte de la stagnation sinon du recul du Bloc Québécois plusieurs se questionnent sur l’avenir du projet souverainiste au Québec et sur l’avenir du Bloc lui-même. Après deux campagnes électorales où coup sur coup le PQ puis le Bloc se sont servi de la politique identitaire d’exclusion des minorités à des fins électorales, d’autres comme Alexa Conradi, et elle n’est pas la seule, vont plus loin et affirment maintenant que le changement social sera porteur de nos aspirations et non la souveraineté.
Contrairement à ce qu’affirmait Sol Zanetti dans son opinion publiée dans Le Devoir, on ne peut pas dire que le mouvement souverainiste, ou le courant de pensée souverainiste devrait-on dire, se porte bien. Dominée par le PQ pendant des décennies et associée à une gestion d’austérité, la souveraineté a quelque part perdu son âme particulièrement pour les plus jeunes générations qui ont souvent vu dans l’altermondialisme un projet plus mobilisateur et inspirant.
La stratégie référendaire ne répondait déjà plus à la situation parce qu’elle ne permet pas d’aller chercher ceux et celles qui hésitent, elle ne permet pas d’associer la souveraineté à un projet du mieux-être et de changement social, surtout lorsqu’elle est associée à un parti qui en l’occurrence applique des politiques anti-sociales. Mais la campagne sur la charte des « valeurs » qui a misé sur le nationalisme identitaire, a fini de dénaturer le projet souverainiste en l’identifiant à un projet de rejet de « l’étranger » et a ainsi sonné le glas à toute possibilité pour le PQ de gagner un référendum dans un avenir prévisible.
Le Bloc Québécois, comme porte étendard sur la scène fédérale d’un parti qui n’est plus objectivement porteur d’une perspective souverainiste est par conséquent lui aussi arrivé, dans le cadre de la stratégie référendaire péquiste, à sa fin de vie utile. On a d’ailleurs pu constater que ce parti a beaucoup plus appliqué une politique de terre brulée, attaquant surtout les néodémocrates qui partageaient le même terrain qu’eux et ménageant les libéraux et surtout les conservateurs, que fait la promotion d’un projet rassembleur. La stratégie souverainiste telle qu’elle a toujours été envisagée par le courant péquiste est en panne sèche et cela interpelle également les perspectives concernant la politique fédérale.
Durant la dernière élection de nombreux groupes sociaux et syndicats, se sont impliqués activement afin de défaire le gouvernement Harper. La FTQ quant à elle, a travaillé de concert avec le CTC afin de mettre en œuvre leur stratégie. Le secrétaire général Serge Cadieux avait ainsi présenté ces perspectives aux côtés du président de la Fédération de Travail de l’Ontario Syd Ryan l’an passé lors du Forum social des peuples à Ottawa. Cela représente un changement par rapport à l’orientation traditionnelle qui ne visait que le cadre québécois et accordait son appui au BQ.
L’axe politique a changé au Québec et les résultats électoraux, en l’occurrence ceux qui concernent le BQ depuis 2011 et qui se confirment aujourd’hui le démontrent. La victoire libérale et le recul important du NPD interpelle par ailleurs tous ceux et celles qui voyaient dans le NPD une solution politique alternative aux partis qui représentent les différents secteurs de la grande bourgeoisie canadienne. Si la campagne identitaire autour du niqab et du serment d’allégeance à visage découvert a joué un rôle au Québec, beaucoup de militants et militantes du Reste du Canada remettent en question le recentrage politique effectué par ce parti durant la campagne. Devant la tiédeur d’un Mulcair déstabilisé, Justin Trudeau est apparu comme le représentant du changement. Le système électoral qui favorise le vote bipartite donc stratégique a fait le reste.
Cette nouvelle situation politique invite les mouvements progressistes du ROC et du Québec à une réflexion plus approfondie. Le NPD est-il réformable, y aura-t-il un véritable débat à l’intérieur de ce parti ? Quel est le rôle et l’intérêt de la population du Québec concernant l’État canadien et la politique fédérale ? Peut-on se confiner dans un horizon uniquement québécois lorsqu’on aspire à changer un gouvernement dont les politiques ont des impacts importants dans la vie quotidienne de la population du Québec mais aussi du Reste du Canada ?
On ne peut maintenant plus ignorer ces questions. La souveraineté doit être porteuse d’un projet social inspirant et la construction d’une alternative de gauche pan canadienne qui saura intégrer et défendre les revendications sociales du Québec sera son prolongement. Dans la solidarité à construire pour changer la politique fédérale d’une part et dans le soutien à la lutte de la population du Québec d’autre part.
Au Québec ceux et celles qui croient que la lutte pour la justice sociale est maintenant l’objectif principal ont en partie raison, mais la question de l’oppression nationale de la population québécoise par un establishment canadien demeurera. L’État fédéral s’est construit en privilégiant la grande bourgeoisie anglo-saxonne au détriment des nations autochtones et du peuple québécois. Les aspirations de la population du Québec à la souveraineté et à un avenir meilleur doivent trouver leur chemin. En ce moment, seule l’assemblée constituante apporte une solution qui permettra un exercice hautement démocratique en dehors de la direction des partis politiques et permettra de travailler à la société égalitaire à laquelle nous aspirons. Ce sont les défis sur lesquels nous devons maintenant travailler.