Le cannabis fut frappé d’interdiction lors de l’adoption du Marihuana Tax Act aux Etats-Unis en 1937 puis l’interdiction pris une proportion internationale avec l’adoption de la Convention unique sur les stupéfiants en 1961 par l’ONU. Au Canada, le cannabis fut ajouté à la liste des produits interdits aussitôt qu’en 1923. Ces interdiction sont souvent appuyé par des arguments racistes, les noirs sont évoqués comme fournisseurs de marihuana. Les rôles que jouèrent Emily Murphy au Canada et le sénateur Harry J. Anslinger, le « McCarthy de la drogue » aux Etats-Unis sont centraux dans ces campagnes.
Le cas d’Emily Murphy illustre parfaitement la manipulation du racisme dans la lutte en faveur de la prohibition. Dans son livre « The black candle », elle écrit que les immigrants, particulièrement ceux d’origine chinoise, vont corrompre les canadiens blancs en les livrant aux affres de la drogue. Et ce personnage contradictoire (elle fut notamment féministe et suffragette) contribue à la prohibition avec des arguments tous plus insoutenables les uns que les autres. D’ailleurs on doit bien lui trouver quelque chose de positif dans sa carrière car elle figure au verso des billets de 50$ canadiens. Bref, les arguments motivant la prohibition ne reposent alors sur aucune motivation scientifique.
Par ailleurs, certains auteurs mentionnent la guerre commerciale que mena William Randolph Hearst (oui, oui le personnage de Citizen Kane) et la Hearst Paper Manufacturing Division contre la fabrication de papier à partir du chanvre alors que ce capitaliste possédait d’importantes forêts prêtes à fournir la matière première pour fabriquer du papier. De plus, à lire la littérature de l’époque, les élites en ont contre les effets contre-productifs de la consommation du cannabis : les consommateurs sont moins performants et assidus au travail, ce qui contribue à une baisse de la productivité. Dans une société capitaliste qui voit poindre la crise, c’est un obstacle à éliminer. Enfin des arguments s’appuyant sur la bonne morale sont développé pour fournir un vernis "positif" à la campagne prohibitionniste, campagne qui trouve des échos jusqu’à nos jours
Les années 60 ont vu la répression prendre une ampleur égale à la popularité que connait alors la consommation de cannabis. Les peines relatives à la possession de cannabis ou de sa consommation de 6 mois de prison et une amende de 1000$ avant 1960 à entre 14 ans et une sentence à vie suite à l’adoption du Narcotic control act par le Parlement fédéral en 1961. Cependant, la consommation et la distribution connurent une progression fulgurante forçant le gouvernement fédéral à mettre en place des commission d’enquête sur le phénomène. De la Commission Le Dain au récent Comité spécial du Sénat sur les drogues illicites de Pierre-Claude Nolin ou le Groupe de travail pour la légalisation et la réglementation du cannabis, tous ont conclut que « la criminalisation du cannabis n’avait reposé sur aucun fondement scientifique » (Le Dain), que la prohibition et la répression ne sont d’aucune efficacité dans la lutte aux dépendances (Rapport du comité spécial du sénat sur les drogues illicites ici ou Presses de l’Université de Montréal, 2003, p. 205 et suivantes) et qu’il est préférable d’adopter une politique orientée vers la santé public plutôt que par la répression pour encadrer l’usage du cannabis.
Vers une industrie du cannabis récréatif
Depuis l’élection du gouvernement libéral à Ottawa, les producteurs se positionnent pour devenir des acteurs majeurs en matière de production et de distribution. Des entreprises comme Barrier Fund (Etats-Unis ayant des intérêts dans les secteur du tabac, des armes et de l’alcool), les canadiennes Canopy Growth (cannabis médical au Canada), Aurora cannabis et Aphria Inc. ou la britannique GW Phamaceuticals (médicaments à base de cannabis) s’inscrivent à la Bourse. De vastes campagne de lobbying sont lancées.
Des entreprises se positionnent pour devenir réseau de production notamment chez les entreprises qui produisent le cannabis pour des fins médicales, de distribution (ici ou ici), de formation en culture de cannabis et tutti quanti. Bref, les pions se placent pour un vaste débat sur la privatisation de l’industrie du cannabis.
Bref, on souhaite brasser de grosses affaires et réaliser de juteux profits avec cette manne soudaine et inattendue. Au risque de passer outre les dangers d’une incitation à la surconsommation malgré les propos rassurants de Trudeau et son gouvernement.
L’IRIS a publié une étude qui recommande de confier à la SAQ la distribution du cannabis. Selon celle-ci, seule la SAQ peut fournir un encadrement responsable contrairement au secteur privé qui ne connait que la loi du profit maximum. C’est dans sa nature. Toutefois, ça ne règle pas la question de la production ni des risques reliés à la tentation pour le gouvernement du Québec d’en faire une « vache à lait » du type Hydro-Québec ou Loto-Québec. Doit-on confier la production aux entreprises qui sont déjà dans le cannabis médical ? Peut-on envisager une société d’Etat qui aurait pour mandat de produire ou de superviser la production de petits producteurs locaux. L’article du projet de loi fédéral qui soulève l’ire de la CORPIQ à propos de la culture du cannabis en appartement sera un test pour le gouvernement Trudeau face aux levées de bouclier contre la légalisation. Mais ce sont là des combats d’arrière-garde. Les pressions économiques sont trop importantes pour que Trudeau recule sur la question de la légalisation malgré les propos les plus délirants de certains ténor de la droite morale. Ce sera aussi une vérification de la tendance qui se dessine vers une privatisation à l’américaine de l’usage du cannabis ou bien une mobilisation permettra de retirer l’usage de cette plante des circuits commerciaux.
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