Jean-François Lisée s’est donc hâté de reprendre à son compte cette indignation populaire pour mieux la rapetisser. En effet, contrairement à ce qui est mis en jeu par l’affaire Bombardier, Jean-François Lisée se contente de viser les hauts dirigeants des sociétés d’État. Il les accuse d’être coupés du monde. Il propose que leurs salaires soient réduits à moins de 10 pour cent du salaire du premier ministre du Québec. Comme ce salaire est de 250 000$, ces dirigeants toucheraient un salaire de 225 000$. Comme les dirigeants de Loto-Québec, de la Société des alcools, d’Investissement Québec... gagnent jusqu’à 500 000$, cela voudrait dire que leur salaire serait divisé par deux. Étroitement solidaire du 1% des plus riches, le premier ministre Couillard y a vu une radicalisation de Jean-François Lisée et du Parti québécois.
L’appel à la vertu des dirigeants du secteur privé
Pour ce qui est du salaire maximum dans le secteur privé, il a dit qu’entamé une réflexion sur la rémunération des dirigeants d’entreprises de ce secteur. Jean-François Lisée proclame un « sain respect des puissances de l’argent. » Il propose donc la convocation d’États généraux de l’éthique et de l’équité pour définir un cadre de référence non contraignant. Si les grands patrons sont désignés comme des cupides, ce serait parce qu’il manquerait de morale et de compassion. Voyons donc ! Ce n’est pas un manque de morale qui a fait perdre des milliards à la caisse de dépôt, c’est la structure antidémocratique de ces institutions, qui laissent tout le pouvoir à quelques spéculateurs qui « ne font jamais que ce que les forces du champ où ils se retrouvent plongés les conduisent à faire. » [1]. Et, vous remarquerez que le chef du PQ exclut les administrateurs de la Caisse de dépôt et placement de sa proposition ! Ah bon !
Est-ce une proposition qui aide à affronter sérieusement les inégalités de revenus ?
En fait, il n’en est rien. Que les 1% des plus riches de la population, dont la majorité est constituée par des hommes, possèdent plus de patrimoines que les 99% restants, ne semble pas pour lui un problème. Réduire drastiquement le niveau des inégalités est en dehors de son horizon.
La « Proposition principale » présentée au prochain congrès du PQ affirme « que dans un premier mandat, sans hausser les impôts, le gouvernement du Parti québécois mettra en avant une réforme visant à augmenter la progressivité du régime fiscal. » Malheureusement, cette prétention ne se matérialise aucunement dans la « Proposition principale » : pas d’augmentation du nombre de tranches d’imposition, pas d’impôt sur les grosses fortunes et les patrimoines, pas de limite imposée aux richesses transmises par héritage, pas de salaire maximum imposé aux très hauts salarié-e-s tant dans le secteur public que dans le secteur privé, pas d’abolition du crédit d’impôt sur les gains de capital, pas de réduction de crédit d’impôt sur les dividendes, pas d’augmentation du taux provincial d’imposition des entreprises ni d’augmentation de la contribution fiscale des institutions financières, pas d’élimination des mesures permettant de reporter le paiement des impôts. Rien pour une fiscalité plus progressive et redistributive, voilà le vrai programme de Jean-François Lisée [2]
Dans une allocution prononcée à Montréal le 24 février dernier, devant le Forum économique de la relève d’affaires, il mettait le point sur les i et faisait des promesses qui allaient dans un sens complètement opposé à la fiscalité redistributrice. Il a parlé de mettre fin à la culture du racket chez Revenu Québec. (…) Nous permettrons, sous certaines conditions, aux nouveaux actionnaires de reporter l’impôt sur les gains en capital au moment où les actions sont vendues… Pour encourager davantage d’entreprises à exporter, nous allons exempter d’impôt, par paliers, l’augmentation des exportations... » [3]
Une véritable proposition de salaire maximum
L’approfondissement des inégalités et le caractère de plus en plus indécent des revenus des dirigeants des grandes entreprises ont amené les vrais partageux à suggérer l’établissement d’un salaire maximum. Que font donc ces gens pour mériter de tels salaires ? N’y a-t-il pas moyen de faire le travail de meilleure façon et pour moins cher ? Bien sûr que si ! Les hauts salaires et les parachutes dorés sont-ils les garants d’une réelle compétence ? Bien sûr que non ! Ce sont les arguments des cupides qui cherchent à profiter de l’assiette au beurre. Et on ne peut compter sur les actionnaires pour limiter les rémunérations des grands patrons, eux qui sont inscrits dans cette logique actionnariale de toujours plus et le plus vite possible. « La loi favorisant la redistribution des richesses devrait réaliser les mesures suivantes :
- Fixer un salaire maximum autorisé pour limiter l’écart de 1 à 20 entre le salaire le plus bas et le salaire le plus haut dans une entreprise
- Interdire les parachutes dorés
- Supprimer les stock-options [4]
En dehors des effets de manche, le PQ de Jean-François Lisée ne cherche aucunement à remettre en question le caractère de plus en plus inégalitaire de la société québécoise. Jean-François Lisée se présente comme un premier ministre qui écoutera, qui agira, car il croit au patronat. En 2018, dit-il aux entrepreneurs, vous aurez ce gouvernement, ce sera un gouvernement péquiste. Avec de telles promesses, on peut être assuré que les politiques néolibérales seront encore au rendez-vous. Pas question d’aider en quoi un parti qui prépare un avenir si peu prometteur pour la majorité populaire !
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