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A Paris, Marine Le Pen électrise ses partisans contre les « bien-pensants »

18 avril 2017 | tiré de mediapart.fr

Lundi 17 avril au soir, la candidate du Front national a rassemblé des milliers de convaincus au Zénith de Paris autour des fondamentaux de l’extrême droite. À l’extérieur de la salle, quelque 150 militants antifascistes ont tenté de perturber son rendez-vous, sans succès.

Le rendez-vous avait été fixé depuis plusieurs semaines. Le meeting de Marine Le Pen au Zénith de Paris, ce lundi 17 avril au soir, ne devait pas se passer comme les autres. Dans les milieux antifascistes, l’appel à manifester avait largement circulé. Mais au dernier moment ou presque, la manifestation s’est finalement organisée dimanche. Un petit millier de personnes y a pris part. Une journée d’actions avait donc été prévue pour le lundi. En fait d’action, c’est un simple rassemblement qui s’est tenu à 17 heures, porte de Pantin, à proximité de la salle où la candidate du Front national intervenait trois heures plus tard.

À l’heure dite, une cinquantaine de personnes étaient au rendez-vous. Il aura fallu près de deux heures pour atteindre le nombre de 200 manifestants. En face, des cordons de CRS barraient l’accès au Zénith. Le seul moment un peu pittoresque fut l’arrivée du député frontiste Gilbert Collard, dont la voiture a été prise pour cible. Le groupe anti-FN s’est ensuite livré à un jeu du chat et de la souris dans le parc de la Villette. Vers 19 h 30, il s’est ébranlé sur la foi de rumeurs de présence de membres du GUD de l’autre côté.

Mais le long du canal de l’Ourcq, seuls les CRS faisaient barrage. La foule a légèrement harangué les forces de police, à coup de slogans antifascistes et de jets de canette. Les policiers ont répliqué avec des grenades lacrymogènes. Le scénario s’est répété à plusieurs reprises jusqu’à la dispersion complète de la manifestation sauvage, vers 22 heures.

Peu avant 20 heures, à l’intérieur du Zénith, les échauffourées aperçues à l’extérieur font déjà jaser. « Il y a une centaine de jeunes dehors, s’inquiète un homme, drapeau « Marine présidente » à la main. Ils ont peur de rien, ils chargent les CRS. On leur fait rien, alors c’est facile. » Non loin de là, dans les gradins, une jeune femme s’installe auprès d’un groupe de jeunes frontistes. Elle leur raconte avoir pris du « gaz lacrimo » à la sortie du métro. « Qu’ils brûlent des poubelles ! s’énerve un jeune homme en l’écoutant. Je te les foutrais dedans moi putain, ils ont que ça à foutre, de faire chier ! »

L’heure approche et pourtant, la salle peine à se remplir. Drapeaux tricolores à main et pin’s clignotant au collet, certains s’impatientent. Dans les travées, des personnalités méconnues du grand public errent. Il y a là le conseiller régional FN d’Île-de-France Axel Loustau, trésorier de Jeanne, le micro-parti de Marine Le Pen au centre d’une enquête judiciaire. On aperçoit également Frédéric Chatillon, multi-mis en examen dans les affaires du parti d’extrême droite, ainsi que l’expert-comptable Nicolas Crochet, un proche de la « GUD connection », qui joue un rôle central pour les finances du FN au Parlement européen.

Sur scène, c’est Franck de Lapersonne, candidat aux législatives dans la Somme, qui prend le premier la parole. Lancé dans un sketch animalier qui fait sourire la salle, le comédien moque ces « politiciens sans honneur qui prétendent colmater leurs barrages [anti-FN – ndlr] avec les cadavres de leurs amis ». Tout le monde y passe, à commencer par François Fillon, qualifié de « grenouille de bénitier » : « Tu piques l’argent des Français, tu le planques dans le sac de ta femme, ironise Lapersonne, en changeant de voix. Oui, mais attention, toi, tu as un cabinet noooiir. »

Le sénateur et maire FN de Fréjus David Rachline, également directeur de campagne de Marine Le Pen, emboîte le pas au comédien, condamnant d’emblée « les racailles d’extrême gauche » présentes à l’extérieur du Zénith. « À défaut de faire des voix dans les urnes, ils préfèrent agresser nos militants », affirme-t-il, avant de saluer Gilbert Collard, « lâchement agressé avec son épouse à l’entrée », puis d’attaquer Christian Estrosi – qui venait de se faire de nouveau huer au meeting de François Fillon à Nice – et, plus largement, tous ceux qui « retournent leur veste, offerte par des amis richissimes, sinon ce n’est pas du jeu ».

« Rendez-nous la France ! »

Celle que tout le public attend entre bientôt sur scène, sous les hourras et les applaudissements. Pendant près d’une heure, Marine Le Pen articule son discours autour de ce qu’elle qualifie de « cri de bon sens » : « Rendez-nous la France ! » Sans une seule référence aux affaires qui les visent, elle et son parti, la présidente du Front national fustige les « bureaucrates de Bruxelles » et les « technocrates qui œuvrent chaque jour contre les nations ». Quand elle ne s’en prend pas à l’Europe, ce sont les « bien-pensants », les « bobos » et les « médias du système » qui ont ses faveurs.

Quelques minutes plus tard, son discours est brièvement interrompu à deux reprises par l’irruption de militantes Femen, la première fois sur scène, la seconde dans la fosse, sans que le public ne comprenne vraiment ce qui est en train de se passer. « On voit là l’inversion totale des valeurs. Ils viennent perturber un meeting de la seule femme qui défend les femmes », réagit la candidate frontiste à la tribune. Ovation de ses partisans qui n’attendent pas grand-chose pour applaudir et hurler des « On va gagner ! On va gagner ! ».

Aussi rapidement que brutalement évacuées par le service de sécurité du Front national, les deux femmes auront tout de même réussi à susciter l’hystérie du public, des « salope ! » et « espèce de pute ! » fusant çà et là. De façon plus générale, l’assistance n’a pas choisi de faire dans la dentelle ce lundi 17 avril au soir. À chaque fois que la candidate frontiste prononce le nom de ses adversaires à la présidentielle, en particulier ceux d’Emmanuel Macron et de François Fillon, des « raclures », « enculés » et « enfoirés » sont lancés par ses soutiens.

Sur scène, Marine Le Pen concentre l’essentiel de son discours sur les fondamentaux de l’extrême droite. « Nous avons le sentiment de ne plus être tout à fait chez nous en France », affirme-t-elle très vite, accueillie par des « On est chez nous ! On est chez nous ! ». « En France, on respecte les femmes. On ne leur demande pas de se cacher sous des voiles ! » « La France aux Français », scande alors le public, renouant avec un slogan pourtant peu entendu lors des dernières réunions publiques de la candidate. « En France, on boit du vin si on en a envie ! », indique encore cette dernière. «  Et on mange du cochon ! » crie un homme dans l’assistance.

À six jours du premier tour, la présidente du FN entend bien satisfaire sa base. Aussi s’attarde-t-elle sur les questions migratoire et sécuritaire. « Regardez ce que vivent tant de Français modestes dans des quartiers, dans des cités, qui se sentent étrangers dans leur propre pays, dit-elle. Ici, à Paris, ces familles qui se pressent aux fenêtres des voitures pour mendier. Notre pays se tiers-mondise sous nos yeux. » Le public est en transe. De plus en plus électrisé, il ovationne les paroles de la candidate lorsque celle-ci promet « un moratoire sur toute l’immigration légale pour arrêter ce délire, cette situation incontrôlée qui nous entraîne vers le fond », là où elle prévoyait jusqu’alors un solde de 10 000 entrées par an.

Marine Le Pen connaît un nouveau succès lorsqu’elle égrène la liste des attentats survenus en France depuis 2012. « Avec moi, il n’y aurait pas eu Mohamed Merah ! » assure-t-elle, avant de mélanger tous les profils des terroristes, indiquant par exemple à tort que le tueur de Nice était « fiché S ». Elle « présidente », elle « réformer[a] le code de la nationalité », affirme-t-elle ensuite. « Il faut arrêter la carte d’identité fabriquée à la photocopieuse ! » Qu’importent les arrangements avec la vérité, ses partisans ont clairement des envies de « vengeance », un mot entendu à plusieurs reprises dans la salle.

Vers 22 h 30, à la sortie du meeting, il ne reste plus guère que les journalistes, porte de Pantin, pour regarder les spectateurs se diriger vers le métro. Au fur et à mesure, les CRS regagnent leur véhicule. Un homme quitte le Zénith, bras dessus, bras dessous avec sa femme. « Je suis encore plus convaincu, lui glisse-t-il. Faut arrêter de la diaboliser. Les racistes, les antisémites… Peut-être. Mais au FN, il y a des gens de toutes positions. » Le couple passe devant l’immense drapeau tricolore déployé par le DPS (département protection sécurité) qui gère la sécurité des meetings de Marine Le Pen.

« Pour les DPS, militants et bénévoles du Front national ! N’oubliez pas le drapeau merci ! On assure votre sécurité dans tous les meetings en France ! On n’a pas l’argent des banques ! » crie l’un des hommes qui tiennent le drapeau. Un militant frontiste lance un billet de 5 euros : « C’est pas pour Rothschild au moins ? » lui dit-il. Rires des passants. « Vous avez vu les Femen ? poursuit l’agent de sécurité. On en a fait des olives ! »

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