Pour faire face à la pandémie, tous les gouvernements ont eu à dépenser beaucoup plus que prévu cette année. Nos services publics sont le plus grand outil de solidarité à notre disposition et c’est leur rôle de protéger coûte que coûte leurs citoyens à travers cette crise. Inévitablement, pour le gouvernement du Québec, ces dépenses supplémentaires vont engendrer un déficit substantiel pour quelques années. Il faut absolument éviter que cela signifie un nouveau retour à l’austérité.
Malheureusement, le cadre législatif entourant l’équilibre budgétaire et le Fonds des générations est très limitant pour le gouvernement. La Loi sur l’équilibre budgétaire n’a pas été conçue en prenant en considération une crise comme celle que nous traversons. Par exemple, malgré une pandémie d’une ampleur sans précédent depuis plus d’un siècle, elle oblige le gouvernement à corriger les déficits encourus pour lutter contre la pandémie en seulement cinq ans.
L’obligation de tenir compte des versements au Fonds des générations dans le calcul du solde budgétaire est une autre contrainte inadaptée à la crise actuelle. En effet, comme le versement au Fonds des générations est une obligation légale, le budget doit dégager un surplus équivalent au versement prescrit au Fonds des générations avant de considérer être techniquement en équilibre. C’est donc dire que l’on pourrait, dans les faits, avoir un budget réellement équilibré, mais être tout de même obligés de couper dans les services publics pour l’exigence de la Loi. Tant qu’elle n’aura pas été modifiée, cette situation perdurera, même s’il y avait consensus au gouvernement et dans la population pour un réinvestissement dans les services publics.
Inévitablement, si les perspectives de croissance économique ne se révèlent pas être à la hauteur de ce qui est prédit par le ministre des Finances dans les prochaines années et que celui-ci tient, à tout prix, à revenir à un équilibre budgétaire d’ici 5 ans et à maintenir les versements au Fonds des générations pour se conformer à la Loi, il devra proposer une augmentation substantielle des revenus de l’État ou un retour à l’austérité.
L’autre possibilité, c’est d’accepter que la nature inédite de la situation actuelle fasse en sorte qu’il est souhaitable d’assumer des déficits raisonnables pour quelques années supplémentaires plutôt que de revenir à l’austérité. Nous sommes convaincus, comme plusieurs autres acteurs sociaux et de nombreux économistes, que nous pourrions sans problème modifier le cadre légal pour nous donner la flexibilité de nous adapter au nouveau contexte. C’est un scénario qui serait tout à fait soutenable pour le Québec puisque sa dette demeure sous contrôle et que les taux d’intérêt devraient rester très faibles dans les années à venir.
Le sous-financement chronique des services publics et des infrastructures publiques est une forme de dette laissée aux futures générations. La dette écologique en est une autre. Il est largement préférable d’accepter de garder ces deux formes de dettes sous contrôle et de revenir un peu plus tard à l’équilibre budgétaire.
Christian Daigle, président général du SFPQ
Un message, un commentaire ?