Édition du 12 novembre 2024

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Québec

Le projet de loi 9 et les travailleuses domestiques

Le projet de loi 9 (PL9) est l’une des tentatives les plus récentes du gouvernement Legault pour tenter de satisfaire les intérêts des petits capitalistes représentés par la CAQ. Des milliers de personnes immigrantes vivant et travaillant déjà au Québec depuis des années risquent d’être renvoyées à la suite de son adoption finale.

PL9, décrit comme une « loi visant à accroître la prospérité socio-économique du Québec et à répondre adéquatement aux besoins du marché du travail », vise à réformer l’immigration afin de diminuer le nombre total d’immigrant·e·s et de favoriser ceux et celles qui répondent plus directement aux besoins des patrons en termes de capital humain. Le gouvernement Legault accroît ainsi les clivages sociaux à des fins politiques.

Un projet de loi qui a des conséquences sur la vie des plus exploité·e·s

Le projet de loi 9 a eu comme conséquence de figer, dans leur processus de ratification, les demandes d’immigration de plus de 18 000 immigrant·e·s qualifié·e·s, dont 3 700 habitent déjà au Québec. Lors d’un jugement rendu en février, la Cour supérieure du Québec a soutenu que PL9 a été amené de manière irresponsable. Les lois en vigueur resteront donc valides jusqu’à l’entérinement officiel et final du projet de loi. Du coup, les lois canadiennes doivent être respectées d’ici là, ce que la CAQ ignore en exigeant de son ministère l’arrêt complet du traitement de ces demandes.

Ces contradictions ont des conséquences matérielles pour des milliers de personnes. Pour en savoir plus, Alternative socialiste s’est entretenu avec Jennifer Rentiquiano, une travailleuse domestique montréalaise originaire des Philippines. Jennifer est arrivée au Canada il y a quatre ans grâce au Programme des aides familiaux résidants. Elle s’est fait promettre un statut de résidente permanente dans le but d’offrir une meilleure vie à sa famille.

AS : Comment PL9 a-t-il affecté votre demande de résidence permanente ?

JR : En février 2019, j’ai reçu une lettre disant que, malgré mon application, je n’étais plus éligible au certificat de sélection du Québec (CSQ). Mon application a été suspendue à la suite du projet de loi 9. Mon application fait partie des 18 000 autres qui se sont fait mettre sur la glace. Bien que récemment, mon propre certificat a été accepté suite à la couverture médiatique de mon cas, ce n’est certainement pas la situation de la majorité d’entre nous.

AS : Quelles sont les conséquences de ce projet de loi ?

JR : Pendant que la bureaucratie québécoise tergiverse, nous perdons l’accès à toutes nos pièces d’identité incluant nos assurances maladie. Le CSQ est primordial pour notre sécurité. Jusqu’à ce que nous l’obtenions, nous sommes en position de vulnérabilité.

Pour faire venir notre famille, nous devons passer des tests de santé, ce qui peut coûter jusqu’à 300 euros par personne. Ces tests ne sont valides qu’un an. Maintenant que le gouvernement nous fait attendre mois après mois, plusieurs de ces tests vont devenir caducs. Nous sommes payées au salaire minimum. Ces sommes représentent beaucoup de sacrifices pour nous. Des sacrifices qui ne sont pas toujours possible de supporter.

AS : Lors de la manifestation montréalaise du 1er mai 2019, avec qui êtes-vous venue lutter ?

JR : Je suis venue avec Pinay, un organisme qui aide les femmes philippines immigrantes à s’établir au Canada. J’accompagne aussi le Centre des Travailleurs et travailleuses Immigrants (CTI), qui vient en aide à ceux et celles qui, comme moi, travaillent au Canada depuis plusieurs années. Nous avons payé nos taxes, appris le français et l’anglais pour finalement nous faire montrer la porte. Nous ne cesserons pas de nous battre. Le PL9 ne doit pas passer.

L’extrême droite et les patrons supportent PL9

Dès sa sortie, PL9 a été applaudi par des groupes radicaux de la droite, comme la Fédération des Québécois de Souche (FQS). Ce groupe est affilié au Mouvement national-socialiste français, un groupe néonazi, ainsi qu’au groupe Stormfront des États-Unis. Don Black, ancien leader du KKK, est à la tête de Stormfront.

Le gouvernement ne peut contrôler les groupes qui le supportent. Mais, il peut décider qui prend la parole au parlement pour réagir au projet de loi. Le Conseil de patronat a eu la possibilité de soutenir PL9 dans son ensemble, tout en soulignant quelques petits détails avec tout le confort et l’aisance nécessaire. La Confédération des syndicats nationaux (CSN), de son côté, n’a eu que 24 h pour rédiger une réponse et la présenter.

La solidarité comme remède à la division de la CAQ

Dans le contexte actuel, le niveau de solidarité des travailleurs et travailleuses du Québec avec leurs confrères et consœurs immigrant·e·s est à un point extrêmement faible. Avec le projet de loi sur la « laïcité » (PL21), l’élite politique réalise qu’elle peut facilement nous exploiter en nous divisant sur la couleur de notre peau ou le port de signes religieux. Pour combattre ces projets de loi, la CAQ, ainsi que le système capitaliste qui s’enrichit sur le dos des plus vulnérables, nous devons nous lever et nous engager dans un long travail de mobilisation unitaire.

Les syndicats doivent nous représenter tous et toutes, nous les travailleurs et les travailleuses de toute la société, au-delà de l’affiliation syndicale ou du statut de citoyenneté. C’est par notre nombre lors d’actions de masse, comme durant la grève étudiante de 2012, que nous sommes les plus forts. Au final, nous avons besoin d’un parti indépendant de ceux des élites capitalistes, un parti pour tous les travailleurs et toutes les travailleuses du Québec.

Alternative socialiste travaille à bâtir ces luttes afin que nous puissions accueillir les travailleuses comme Jennifer avec fierté et décence. Cela est impossible avec les politiques de la CAQ et son système capitaliste qui divise pour mieux régner. Le combat de Jennifer est celui de toute la classe ouvrière : résister à l’exploitation et à l’oppression pour améliorer nos conditions de vie. Rejoignez-nous !

Entrevue avec Jennifer Rentiquiano, par SPL

Jennifer Rentiquiano

Travailleuse domestique montréalaise originaire des Philippines. Jennifer est arrivée au Canada il y a quatre ans grâce au Programme des aides familiaux résidants. Elle s’est fait promettre un statut de résidente permanente dans le but d’offrir une meilleure vie à sa famille.

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