Édition du 17 décembre 2024

Une tribune libre pour la gauche québécoise en marche

Environnement

Le Ralliement contre la pollution radioactive s'oppose à la relance de Gentilly-2

Dans ce contexte de pollution radioactive potentielle, qui affecterait la santé de la population, nous vous recommandons de favoriser des sources d’énergie non nucléaires et les économies d’énergie. Hydro-Québec doit préserver son rôle de chef de file et éviter les projets chimériques de centrales nucléaires aux coûts incontrôlables.

Monsieur Michael Sabia, président-directeur général d’Hydro-Québec

Monsieur François Legault, Premier ministre du Québec

Monsieur Pierre Fitzgibbon, ministre de l’Économie, de l’Innovation et de l’Énergie

Messieurs,

Notre Ralliement contre la pollution radioactive est scandalisé de voir M. Sabia commencer aussi mal son mandat de PDG à Hydro-Québec en proposant d’aménager un réacteur CANDU désuet dans la centrale Gentilly-2 ou encore d’y construire des petits réacteurs nucléaires modulaires (PRM) dont il n’existe encore aucun prototype fonctionnel.

Tout le monde sait qu’il est risqué de développer l’industrie nucléaire : les déchets s’accumulent et les coûts de leur gestion deviennent astronomiques. Hydro-Québec n’a pas encore de plan précis de transition énergétique et, cédant à la panique, M. Sabia veut soudainement de l’énergie nucléaire sans réfléchir aux conséquences.

Ce n’est certainement pas pour le profit des Québécois, mais plutôt pour remplir les poches du lobby nucléaire ontarien. Il est irrationnel de vouloir une technologie non éprouvée, qui ne sera pas fonctionnelle avant plusieurs années, qui sera un gouffre financier et qui produira des déchets très dangereux pour des centaines de milliers d’années. Un peu de réalisme serait mieux accueilli !

Nous vous adressons cette lettre après avoir consacré plusieurs années avec nos alliés à analyser les enjeux et les problèmes du nucléaire au Canada. Nous avons participé à :

• la consultation de Ressources Naturelles Canada sur la nouvelle politique canadienne en matière de gestion des déchets radioactifs et de déclassement des installations nucléaires ainsi que sur les stratégies associées ;

• l’enquête du vérificateur général du Canada concernant la gestion des déchets radioactifs ;

• deux commissions parlementaires, l’une concernant la gestion des déchets radioactifs et l’autre concernant les petits réacteurs nucléaires modulaires ;

• plusieurs audiences de la Commission canadienne de sûreté nucléaire (CCSN) concernant l’octroi de licences pour divers projets nucléaires.

Monsieur Sabia se dit ouvert d’esprit. Il devrait donc considérer aussi les graves conséquences de l’énergie nucléaire. Le lobby nucléaire est fort habile pour cacher les conséquences désastreuses des centrales nucléaires et des petits réacteurs nucléaires modulaires (PRM). Dans un élan de décarbonation, il ne faudrait pas suivre la mode des PRM sans discerner leurs écueils et oublier leurs déchets. Soulignons l’absolue nécessité de ne pas risquer une contamination radioactive de l’eau douce du fleuve St-Laurent. Le droit à l’eau potable propre est un droit humain fondamental.

D’un point de vue financier, vous devriez vous soucier davantage des coûts à long terme des déchets radioactifs ainsi que du coût astronomique de l’énergie atomique et de l’entretien des réacteurs nucléaires. Le Nouveau-Brunswick a été acculé au bord de la faillite à cause de sa centrale de Point Lepreau, similaire à Gentilly-2, et si souvent en panne. Depuis sa réfection en 2012, la centrale de Point Lepreau a été en arrêt pendant plus de 800 jours pour entretien. Donc 73 jours par année pendant 11 ans ! Que pensez-vous de la fiabilité d’une voiture qui devrait passer 2 mois et demi chez le garagiste, chaque année ?

Pourquoi cette étude sur une relance possible de Gentilly-2 ? Les raisons sérieuses qui ont motivé sa fermeture sont bien connues, sans compter qu’elle a été partiellement démolie avant de rester à l’abandon depuis 11 ans. Pouvez-vous ignorer que le Canada ne possède aucun site d’enfouissement pour les déchets radioactifs de Gentilly-2 ou de ses autres centrales nucléaires ? Ceux de Gentilly sont gardés à Bécancour, dans des contenants temporaires bons pour 50 ans, alors que ces déchets seront dangereux pendant plusieurs milliers d’année.

Les Québécois ont dit NON au nucléaire

Et la protection des citoyens ? Et leur farouche opposition au nucléaire ? Y avez-vous songé ? LesQuébécois ont milité sans relâche pour que la centrale Gentilly-2 soit fermée, mais vous écartez du revers de la main ce rejet social de l’énergie nucléaire au Québec.

À l’initiative de M. Gaétan Ruest, ex-maire d’Amqui, 326 maires du Québec ont adopté en 2011 des résolutions de condamnation du nucléaire au Québec. Une grande coalition, dont le Mouvement Sortons le Québec du Nucléaire, avait aussi exigé la fermeture de Gentilly-2 : Une coalition sans précédent demande la fermeture de Gentilly II - Presse-toi à gauche ! Une tribune libre pour la gauche québécoise en marche

Non aux petits réacteurs nucléaires modulaires

Vous songez aussi à installer des « petits réacteurs nucléaires modulaires » (PRM) à Gentilly. Même si on nous en propose des dizaines de modèles différents, aucun d’entre eux n’a jamais fait ses preuves. Il n’en existe aucun prototype fonctionnel, nulle part dans le monde ! Le Canada sera leur terrain d’essai et les Canadiens seront leurs cobayes involontaires, même si les déchets radioactifs des PRM exigeront un traitement plus compliqué et seront plus dangereux que les déchets radioactifs dont nous avons l’expérience. Le changement climatique est une urgence et on ne doit pas dilapider l’argent des contribuables dans les projets chimériques du lobby nucléaire.

Hélas, les PRM ont été exemptés d’évaluation d’impact

La feuille de route des petits réacteurs nucléaires modulaires, préparée par Ressources Naturelles Canada, incluait plusieurs mesures pour favoriser indûment leur essor au Canada, par exemple en les mettant à l’abri de la loi fédérale sur l’évaluation d’impact environnemental : tout réacteur qui produirait moins de 200 mégawatts thermiques peut être installé n’importe où au Canada sans étude d’impact. Et si on le construit sur un site nucléaire existant (comme à Gentilly), il sera exempté jusqu’à une puissance de 900 mégawatts thermiques.Le danger de ces futurs petits réacteurs nucléaires modulaires ne tient pourtant pas à leur puissance mais plutôt à leur multiplication potentielle, à leur stabilité incertaine et à leurs déchets complexes et mal documentés.

La CCSN ne tient même pas compte des déchets des PRM

Quand la Commission canadienne de sécurité nucléaire (CCSN) examine la sécurité d’un nouveau modèle de petit réacteur nucléaire modulaire, elle ne s’intéresse même pas à ses futurs déchets. Ceux-ci ne seront pris en compte qu’au moment d’autoriser éventuellement sa construction, quand il sera trop tard pour modifier le concept de départ. La Commission de sûreté nucléaire n’est pas assez vigilante concernant ces déchets radioactifs qui sont une menace pour la santé publique.

On ne vérifie pas non plus si ces déchets pourront être éliminés en sécurité dans un dépôt géologique en profondeur. Certains déchets des PRM seront pourtant complexes et réactifs, particulièrement quand ils seront associés à des sels dans les réacteurs refroidis au sodium. La Société de gestion des déchets nucléaires (SGDN) n’a pas non plus de stratégie pour recevoir les futurs déchets des petits réacteurs nucléaires modulaires. Comme la SGDN sera tenue d’accepter ces nouveaux flux de déchets, vous semblez présumer qu’elle saura par magie comment les gérer, sans même qu’on ait à les décrire avec précision. La promotion du nucléaire passe avant la santé de la population et la lutte contre le réchauffement climatique. C’est vraiment médiocre !

Risque de prolifération nucléaire

La plupart des PRM nécessitent un combustible beaucoup plus enrichi en uranium-235, souvent presque à une teneur dite « militaire » (20 % d’U-235). D’autres requièrent un combustible dopé au plutonium, ce qui obligerait le Canada à mettre en place des usines de retraitement de son combustible usé, une opération dangereuse et très polluante.

Ce retraitement du combustible usé pour en récupérer le plutonium crée inévitablement un risque de prolifération nucléaire car le plutonium-239 est l’élément fissile le plus largement utilisé dans les bombes atomiques. C’est pourquoi les États-Unis et le Canada avaient renoncé à retraiter leur combustible dans les années 70. Nous avons aussi signé des accords internationaux afin de limiter la production de déchets radioactifs et de prévenir la prolifération nucléaire. Le Canada doit maintenant respecter ses obligations.

Comme le Canada possède la plus grande réserve d’uranium naturel au monde, il ne sera jamais rentable pour nous de fabriquer du nouveau combustible nucléaire en récupérant le plutonium-239 synthétique présent dans nos déchets. Contrairement aux éventuels petits réacteurs nucléaires modulaires, tous les réacteurs canadiens actuels fonctionnent à l’uranium naturel, non enrichi (avec seulement 0,7 % d’uranium-235).

Dans ce contexte de pollution radioactive potentielle, qui affecterait la santé de la population, nous vous recommandons de favoriser des sources d’énergie non nucléaires et les économies d’énergie. Hydro-Québec doit préserver son rôle de chef de file et éviter les projets chimériques de centrales nucléaires aux coûts incontrôlables.

Veuillez recevoir l’expression de nos sentiments les plus sincères et nous demeurons à votre disposition si nécessaire.

Ginette Charbonneau,
physicienne et porte-parole du Ralliement contre la pollution radioactive
Gilles Provost,
porte-parole du Ralliement contre la pollution radioactiv

Un message, un commentaire ?

modération a priori

Ce forum est modéré a priori : votre contribution n’apparaîtra qu’après avoir été validée par les responsables.

Qui êtes-vous ?
Votre message

Pour créer des paragraphes, laissez simplement des lignes vides.

Sur le même thème : Environnement

Sections

redaction @ pressegauche.org

Québec (Québec) Canada

Presse-toi à gauche ! propose à tous ceux et celles qui aspirent à voir grandir l’influence de la gauche au Québec un espace régulier d’échange et de débat, d’interprétation et de lecture de l’actualité de gauche au Québec...