Tiré de Canadian Dimension
Mercredi 25 octobre 2023 / DE : Owen Schalk
traduction Johan Wallengren
Photo par Bobby Hristova/CBC.
La situation à Gaza dépasse l’entendement. Le nombre de morts depuis qu’Israël a commencé à bombarder cette bande côtière surpeuplée il y a trois semaines approche les 7 000 personnes, dont près de 3 000 enfants.
L’UNICEF a qualifié l’extermination d’enfants par Israël à Gaza de « tout simplement ahurissante » et de « tache sur notre conscience collective ».
Pour l’heure, le système de santé à Gaza, victime de bombardements et de l’accès coupé aux biens de subsistance, est « totalement inopérant », a du mal à s’occuper des plus de
17 000 blessés à soigner. Traumatisés, les Gazaouites forcés à l’exode souffrent de pénuries mortelles de produits de première nécessité tels que la nourriture, l’eau et les médicaments.
Dans le magazine Jewish Currents, Raz Segal, spécialiste israélien des génocides, a décrit l’attaque contre les Palestiniens de Gaza comme « un cas d’école de génocide se déroulant sous nos yeux ».
Malgré la colère mondiale croissante face aux atrocités commises par Israël, les États-Unis et leurs alliés maintiennent leur soutien inflexible au gouvernement Netanyahou. Même au plan national, le soutien inconditionnel de Washington à Israël « fait de moins en moins consensus ». Selon un récent sondage CBS-YouGov, la majorité des Américains désapprouvent la politique de Monsieur Biden à l’égard de la guerre, 53 % des électeurs démocrates s’opposant à ce que l’administration américaine envoie davantage d’armes à Israël. Cinquante-sept pour cent des électeurs souhaitent que les États-Unis envoient dans la zone de conflit des biens à finalité humanitaire.
L’opinion de la majorité de la population n’a pas empêché l’administration Biden de maintenir son appui inconditionnel aux bombardements israéliens. Tout récemment, le porte-parole de la sécurité nationale américaine, John Kirby, faisant peu de cas du nombre glaçant de victimes civiles à Gaza, a déclaré : « C’est la guerre. C’est un combat à mort. C’est sanglant. C’est hideux. Et ce ne sera pas beau à voir dans les temps qui viennent, vu la souffrance de civils innocents ».
Voilà où on en est. Les États-Unis ont opposé leur veto unilatéral à une tentative du Conseil de sécurité des Nations unies d’appeler à un cessez-le-feu humanitaire. L’administration Biden a averti les diplomates américains qu’ils ne devraient pas parler publiquement de « désescalade », de « cessez-le-feu » ou de « fin de l’effusion de sang » à Gaza. Un porte-parole américain a rejeté un projet d’enquête internationale de l’ONU sur le massacre de l’hôpital d’al-Ahli.
M. Biden a beau chercher à imposer sa vision rhétorique d’un monde divisé en deux camps, celui des « démocraties » et celui des « autocraties », son administration fait fi de ce que pense la majorité des gens aux États-Unis et ailleurs dans le monde et cautionne le bain de sang infligé par Israël à Gaza. Le Canada a suivi les États-Unis dans cette croisade, le gouvernement Trudeau proclamant le « droit d’Israël à se défendre » tout en refusant d’appeler à un cessez-le-feu humanitaire.
Une atrocité n’attend pas l’autre à Gaza. La violence, qui atteint des degrés extrêmes, est une réalité incontournable. La rhétorique employée par le gouvernement israélien pour justifier ses actes génocidaires l’est tout autant. Pourtant, les États-Unis, l’Europe et le Canada – ainsi que leurs appareils médiatiques respectifs – sont à fond derrière la tuerie ; ils ne se préoccupent pas des victimes civiles de la guerre, car ce qui leur importe avant tout, c’est de contrôler le discours qui entoure le conflit de manière à continuellement excuser les agissements d’Israël. D’où l’impératif de discipliner les individus qui ne rentrent pas dans le rang, de criminaliser les protestations contre l’assaut d’Israël sur Gaza et de renforcer continuellement le « droit d’Israël à se défendre » avec, en toile de fond, des condamnations de la barbarie prétendument inégalée du Hamas. Les mensonges patents du gouvernement israélien – qu’il s’agisse de bébés décapités ou de manuels d’armes chimiques – ne sont pas relevés par les médias occidentaux.
Comme l’écrit Noah Kulwin, « Israël et les puissances occidentales préfèrent mener les guerres médiatiques d’hier plutôt que de faire face aux protestations montantes de millions de personnes au Moyen-Orient et un peu partout dans le monde ».
Malheureusement, il en va de même pour le NPD.
Ce parti a beau avoir lancé un appel à un cessez-le-feu humanitaire à la Chambre des communes, il n’en demeure pas moins qu’il a condamné les expressions de solidarité avec les Palestiniens et l’opposition au génocide en cours à Gaza.
Depuis le début de l’assaut israélien, le NPD a pris plusieurs initiatives pour apporter de l’eau au moulin du gouvernement israélien, tout en diabolisant les expressions de solidarité avec les Palestiniens. Le chef du NPD, Jagmeet Singh, a notamment pris la parole lors d’une conférence organisée par le Centre pour les affaires juives et israéliennes (CIJA), une entité ardemment pro-israélienne, aux côtés d’un homme qui, au milieu des opérations militaires contre Gaza, a comparé les Palestiniens à des cafards. Parallèlement, lors de la convention fédérale du NPD, des militants palestiniens ont été forcés de quitter la salle pour avoir exhorté le parti à condamner les crimes de guerre d’Israël.
Dernière péripétie en date, le NPD de l’Ontario a exclu de son caucus Sarah Jama, députée provinciale de Hamilton-Centre, pour avoir condamné les violences commises par Israël à l’encontre des Palestiniens sur la période des 75 dernières années.
Le 10 octobre, Madame Jama a publié une déclaration critiquant les politiques d’Israël à l’égard des Palestiniens, les décennies de colonisation, l’apartheid qui continue de sévir et le blocus brutal imposé à Gaza depuis 2006.
Loin de cautionner le Hamas ou ses attaques contre les Israéliens, cette déclaration offre un contexte essentiel pour comprendre pourquoi la situation en Palestine et en Israël a dégénéré en guerre ; les considérations d’un rapporteur spécial des Nations unies y ont même droit de cité.
Mme Jama a également dénoncé l’utilisation par Israël de produits chimiques à base de phosphore blanc à Gaza, « l’accès coupé à la nourriture, au carburant, à l’électricité et à l’eau, ainsi que la destruction du seul poste-frontière de Gaza qui ne soit pas contrôlé par l’État d’Israël ». Elle a appelé à un « cessez-le-feu immédiat et [à] une désescalade ».
Des politiciens pro-israéliens ont rapidement accusé Mme Jama d’antisémitisme et de soutien au terrorisme. Marit Stiles, cheffe du NPD de l’Ontario, a ordonné à Mme Jama de retirer ses dires. La pression politique a conduit Mme Jama à s’excuser pour ses propos, sans toutefois se rétracter officiellement.
Le premier ministre de l’Ontario, Doug Ford, dont le gouvernement est embourbé dans des affaires de corruption dans le sillage du scandale de la ceinture verte, a accusé à tort Mme Jama d’avoir « des antécédents d’antisémitisme remontant à loin et dont on trouve trace écrite » et de « soutenir publiquement le viol et le meurtre de membres de la communauté juive innocents ».
Le caractère mensonger de la déclaration de M. Ford a incité Mme Jama à menacer de le poursuivre en justice pour diffamation s’il ne retirait pas ses propos calomnieux. Mme Stiles a refusé d’apporter son soutien à Mme Jama, se contentant de déclarer : « Il a été porté à mon attention que [Mme Jama] estime avoir été victime de diffamation ».
Le 23 octobre, l’Assemblée législative de l’Ontario a déposé une motion de censure contre Mme Jama en raison de sa condamnation de la violence israélienne. Bien que tous les membres du NPD présents se soient opposés à cette motion, le parti a décidé d’expulser Mme Jama du caucus du parti en invoquant sa position sur la guerre contre Gaza et sa menace de poursuivre le premier ministre Ford pour diffamation.
Au lieu de soutenir leur députée, les dirigeants du NPD de l’Ontario ont abandonné Mme Jama, la laissant se débrouiller avec les accusations sans fondement de M. Ford. Le parti l’a ensuite mise à la porte pour avoir eu l’audace de contre-attaquer et de défendre ses positions politiques.
Pas plus tard que l’an dernier, le NPD de Colombie-Britannique a disqualifié Anjali Appadurai, candidate progressiste à la direction du parti, malgré sa popularité, et a installé David Eby, un protégé de John Horgan, au poste de premier ministre. Cette manœuvre antidémocratique avait pour but de laisser le pouvoir aux mains de l’aile conservatrice affairiste qui tenait déjà les rênes du parti. En somme, le NPD de l’Ontario a montré la porte à une députée du parti au motif qu’elle se serait écartée de la ligne de conduite de celui-ci en voulant rester fidèle à ses principes.
Ne laissons pas le NPD effacer de sa mémoire ce geste d’exclusion qui a consisté à faire taire une voix qui s’élevait pour critiquer la violence israélienne alors même que l’ombre du génocide planait sur Gaza et que le chef du parti s’exprimait aux côtés d’un homme comparant les Palestiniens à des cafards. À qui le NPD prête-t-il allégeance et qui voue-t-il à l’exclusion ? C’est un pensez-y bien.
Owen Schalk est un rédacteur établi dans une région rurale du Manitoba. Il est l’auteur de Canada in Afghanistan : A story of military, diplomatic, political and media failure, 2003-2023. (Le Canada en Afghanistan : histoire d’un échec militaire, diplomatique, politique et médiatique, 2003-2023).
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