Michel Seymour
Professeur honoraire
Université de Montréal
Auteur de Nation et autodétermination au XXIe siècle, PUM, 2024.
Il y a bien sûr les manifestations de rue de citoyens qui sont tolérées parce que nous sommes après tout dans une société « démocratique ». Elles le sont d’autant plus facilement qu’après plusieurs mois, ils ne sont plus que quelques centaines à défiler chaque semaine.
Ensuite, que ce soit par opportunisme, par indifférence, par prudence calculée ou par désintérêt pour ce qui n’est pas immédiatement dans son propre intérêt, le milieu intellectuel dans son ensemble, y compris dans ces centres de recherche ayant pour « expertise » la politique internationale, a plutôt tendance à se cantonner sur son quant-à-soi.
Les médias mainstream adoptent ensuite des politiques éditoriales qui cherchent à minimiser les propos jugés trop vitrioliques, ce qui a pour effet d’aseptiser le contenu des pages Idées ou Opinions.
C’est que voyez-vous, on ne peut plus désormais négliger totalement l’appui gouvernemental au bon fonctionnement des médias, de même que l’appui des commanditaires. Un média mainstream digne de ce nom a donc le bon réflexe de checker ses claques. Il exige « à bon droit » que soient expurgés les textes véhiculant de la « désinformation », qu’elle soit russe ou chinoise. Ils réservent un même sort à ceux qui véhiculent des propos « haineux » ou « incitant à la violence », comme ceux qui, prétendant se porter à la défense du peuple palestinien, ont l’audace d’appuyer le « groupe terroriste » du Hamas. Peu importe si du point de vue du droit international, un peuple faisant l’objet d’une occupation illégale a le droit de se défendre par les armes et peu importe si, en dehors de l’Occident, le reste de la communauté internationale reconnait aussi ce droit.
C’est ainsi que les voix discordantes qui s’élèvent à gauche ou à droite au sein des médias de l’anglosphère font l’objet d’une répression croissante. La Grande-Bretagne s’est occupée de Julian Assange, Sarah Wilkerson, Tony Greenstein, Richard Medhurst, Craig Murray et Asa Winstanley. Aux États-Unis, Mark Lamont Hill a été licencié de CNN. Mehdi Hasan a été licencié de MSNBC. Tucker Carlson a été licencié de Fox TV. Candace Owens a été licenciée du Daily Wire. Katie Halper et Briahna Joy Gray ont été licenciées de The Hill. Scott Ritter a fait l’objet de perquisitions à son domicile. Chris Hedges a été invité à quitter The Real News Network.
Ceux qui ne vivent que du pain et des jeux, quand ce n’est pas d’amour et d’eau fraîche, et qui regardent dans leur caverne défiler les images sur leur petit écran, peuvent bien se demander où je pige tous ces noms et tous ces faits. Il s’agit bien souvent d’un monde qu’ils ignorent car il est composé, tenez-vous bien, de personnes qui osent refiler en contrebande de la camelote d’informations véritables.
C’est dans ce contexte qu’il faut se placer pour apprécier ensuite le comportement des partis politiques à la chambre des communes ou au congrès. Même si certains députés du NPD ont osé élever la voix, ne comptez pas sur la mise aux voix d’une résolution dénonçant le génocide présentement en cours à Gaza. Et pourtant, c’est pour la première fois dans l’histoire mondiale un génocide auquel on assiste en direct !
Justin Trudeau et Mélanie Joly ont donc la voix libre pour se réfugier dans un mutisme complet, ainsi que dans de la complaisance étasunienne et dans le maintien de livraisons d’armes à l’entité sioniste génocidaire.
Les citoyens médusés qui voient cette horreur et qui ont de la rage au fond du coeur se sentent impuissants. Ils se disent qu’il n’y a probablement rien qui puisse être fait pour renverser la vapeur et changer l’ordre des choses. Même s’ils sont très majoritaires aux États-Unis à vouloir un cessez-le-feu et à proposer l’interruption de l’aide militaire, les autorités politiques américaines savent elles aussi qu’elles peuvent aller de l’avant.
Elles n’ont qu’à faire croire qu’elles travaillent jour et nuit à un cessez-le-feu. La population n’y verra que du feu.
Bernie Sanders et le Squad ont capitulé. Les « uncommitted » n’ont pas voulu se commettre en faveur d’une tierce candidature comme celle de Jill Stein. Il est maintenant trop tard pour espérer une percée. Son colistier est un illustre inconnu. Le débat sempiternel, typique au sein de l’anglosphère, entre des rouges et des bleus reprend de plus belle ses droits et occupe, encore une fois, l’essentiel des débats au sein des médias.
On peut ainsi comprendre pourquoi les citoyens sont frustrés et amers avec de la tristesse restée coincée en travers de la gorge. Que ce soit sur les campus ou dans la rue, dans les journaux ou sur les réseaux sociaux, jusqu’à la chambre des communes ou au Congrès, les citoyens n’ont pas de porte-parole. Ils ont le droit de vote, mais ils n’ont pas de voix.
C’est ainsi que l’on parvient enfin à normaliser le génocide.
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