La grande confrontation
Pour assurer leur suprématie, les États-Unis disposent d’une indéniable supériorité militaire, où une vaste série d’installations militaires américaines encerclent la Chine à partir du Japon, de la Corée du Sud et de l’Australie notamment. À court terme, l’enjeu pour les États-Unis est de verrouiller la mer de Chine qui est la principale voie d’entrée et de sortie pour le gigantesque trafic maritime de la Chine. Les États-Unis sont à la fois puissants et en déclin dans cette partie du monde. Avec les liens commerciaux et les investissements, la Chine est devenue et de loin le principal joueur économique, ce que le gouvernement actuel de Xi Jinping tente d’internationaliser encore plus avec la nouvelle « route de la soie », qui inclut des investissements gigantesques pour diversifier le commerce de la Chine vers l’Asie, l’Afrique et l’Europe.
Le « modèle chinois » et ses travers
Le « modèle chinois » a en effet des avantages avec son État « développementiste » super puissant, ses capacités techniques, éducatives et scientifiques et un système relativement efficace pour assurer les biens et services à la population, comme on l’a vu avec la COVID. Contrairement aux pays qui ont subi la domination américaine (notamment en Amérique du Sud), la Chine est devenue réellement indépendante sur le plan économique et même technologique, échappant aux dispositifs permettant la perpétuation d’un système injustement régulé par le FMI, la Banque mondiale et l’OMC. Pour autant, cette Chine du capitalisme d’État est menacée par plusieurs graves contradictions, dont l’aggravation des écarts au profit d’une caste de milliardaires bien installés au sein du Parti qu’on appelle « communiste ». Les luttes sociales et écologiques deviennent de plus en plus audacieuses, ce qui confronte une structure autoritaire très étendue. Et parallèlement, la grave détérioration de l’environnement s’accélère pendant que le turbo capitalisme prend le dessus sur tout. Enfin, il y a la situation périlleuse qui découle des pratiques répressives contre des minorités nationales dans des régions comme le Xinxiang, sans compter la manière forte utilisée pour mâter le mouvement démocratique à Hong Kong.
Le « péril jaune »
Pour défendre leur hégémonie mondiale, les États-Unis sont généralement prêts à tout, y compris déclencher d’atroces guerres « sans fin » comme on le constate en Asie centrale et au Moyen-Orient depuis 20 ans. Pour autant, la force brute n’est pas suffisante. Il faut aussi engager une « guerre des idées » pour convaincre suffisamment de gens que les États-Unis se battent pour la liberté dans le monde. D’où l’offensive en cours pour diaboliser la Chine, en faire un repoussoir et un État criminel qu’il faut mettre à bas. Le message est répétitif : la Chine « vole nos jobs », triche pour accéder aux technologies « occidentales », va jusqu’à s’« infiltrer » dans nos sociétés « démocratiques ». En réalité, la Chine fait comme d’autres puissances économiques en devenant un très gros joueur un peu partout, y compris au Canada où elle investit dans le secteur des ressources naturelles.
Tintin en Chine
Le Canada n’est pas très important dans l’équation chinoise, alors que le commerce international canadien reste ultra concentré vers et des États-Unis (plus de 80 %). Comme d’autres petits joueurs, le Canada a tenté de se diversifier, notamment en faisant la promotion des universités canadiennes qui dépendent maintenant de plusieurs milliers d’étudiants chinois pour maintenir leurs revenus. Sur le plan politique, le Canada dans les années 1960 s’était fait remarquer en reconnaissant la République populaire de Chine avant les autres, mais cela découlait d’une sorte de « gentlemen’s agreement » avec les États-Unis qui voulaient avoir un allié-subalterne sur le terrain. Durant la dernière période cependant, il y a eu un net refroidissement, de toute évidence lié à l’évolution de la politique extérieure des États-Unis. En mettant en détention la directrice financière de Huawei, Meng Wanzhou (en attente d’être déportée aux États-Unis), le Canada se range derrière Washington qui prône son « droit » de poursuivre n’importe qui pour n’importe quoi dans le monde. Les sanctions américaines contre l’Iran (où Meng Wanzhou aurait fait des transactions) en réalité contreviennent au droit international, mais peu importe aux yeux du Canada. Le côté sordide de l’affaire est que les États-Unis et le Canada ne veulent pas de Huawei, en avance dans la technologie 5G dans la lutte de géants en cours pour dominer les secteurs de haute technologie. Finalement, en accusant la Chine de « génocide » contre les ouighours (minorité nationale dans l’ouest du pays), le Canada se joint à une campagne dont le but est à la fois de pénaliser la Chine, également de faire diversion par rapport à des pays alliés des États-Unis et du Canada où les droits sont systématiquement violés, comme en Arabie saoudite, en Colombie, en RDC et ailleurs.
Résister au China bashing
Des faiseurs d’opinion mal intentionnés sont embarqués dans cette aventure, dans les médias et les universités entre autres. Les médias-poubelles, mais aussi les médias de masse, reproduisent ce discours agressif qui semble préparer de nouvelles aventures militaristes contre la Chine. Il y a effectivement un consensus à Washington, au-delà des clivages politiques, qu’il faut arrêter ce pays maintenant, car dans trente ans, il aura établi la parité au niveau militaire. Bombarder Shanghai comme on a détruit l’Afghanistan, l’Irak ou la Syrie n’est cependant pas à l’ordre du jour, du moins à court terme. Mais en attendant, les puissances impérialistes veulent consolider la mainmise maritime en Asie, susciter l’aggravation des conflits dans l’ouest chinois et essayer de rallier plusieurs pays qui craignent la montée d’un autre État aux prétentions hégémoniques. Il faut évidemment s’opposer à cela, tout en continuant nos solidarités avec les luttes populaires et écologistes en Chine contre l’État-parti autoritaire. Celui-ci a beau être « l’ennemi de notre ennemi », cela n’est pas pour autant notre ami.
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