Édition du 17 décembre 2024

Une tribune libre pour la gauche québécoise en marche

Québec

La santé mentale : une priorité nationale

Que ce soit à titre de pair-aidant en santé mentale ou comme ex-usager des dits services, ça me turlupine profondément de voir et d’entendre la multinationale Bell nous sonner les cloches de la maladie mentale, au Québec, à chaque mois de janvier de l’année. Comme si la stigmatisation, l’effarant taux de suicide québécois, la hausse des troubles anxieux chez nos jeunes, le manque intersidéral de psychothérapie, comme si tout cela pouvait se résumer à une histoire de millions de clics, tweets, Facebook, Instagram, Snapchat, trois petits tours et puis s’en vont…

Et après ? Le reste de l’année ?... Peu de choses, sinon le ronron étatique habituel, et le fait que Bell Canada Entreprises (BCE) va continuer d’engranger de fabuleux profits, tout en peaufinant d’avantage une image corporative largement mise à mal ces dernières années, par ses fermetures sauvages d’usines, mises-à-pied, délocalisations et restructurations tous azimuts. Bell leader et "modèle de la santé et de la sécurité psychologique au travail (sic), ou championne de la socialisation des profits et de la privatisation des pertes, au détriment de sa clientèle et des milliers d’extravailleurs-euses congédiés-es" ?!...

Un véritable chantier national

Ici, qu’on ne se méprenne pas. J’ai tout de même beaucoup d’estime pour les gens, vedettes ou simples citoyens-nes, qui prêtent leur visage et leur voix à ce type de campagne. Seulement, à titre de communauté consciente de ses priorités, nous méritons certainement d’avantage que des charités corporatives et commerciales intéressées, en matière de maladie mentale, itinérance, toxicomanie, violence conjugale et autres problématiques connexes. Il nous faut un véritable chantier national, un processus révolutionnaire et rassembleur, susceptible d’avoir un impact majeur en lien avec les déterminants qui sont propres à la santé mentale (logement, études, travail, réseaux personnels, etc.).

Solutions connues, mais budgets déficients

Cela dit, les solutions à plusieurs problèmes sont connues depuis belle lurette ; il ne manque que la volonté politique, l’argent et les ressources nécessaires pour les appliquer. Mais alors ?... Comment ne pas hurler, ici, devant la petitesse des budgets de la santé mentale, au Québec ? On parle grosso modo d’un chiffre de 1. 3 G $, soit à peine six pour cent du budget total du MSSS (38 G $), alors que selon l’OCDE, les problèmes de santé mentale représentent le quart des problèmes de santé d’une population ? (COSME) … * Et comment ne pas en rajouter, sachant que ce budget concernant toute la population québécoise, est inférieur à la dernière hausse de salaires de quelques milliards consentis (sur deux ou trois ans) à la caste privilégiée des médecins ?!

Une Commission itinérante et aussi d’autres actions

Récemment, des regroupements d’organismes communautaires (dont l’AGIDD-SMQ), des psychiatres, des usagers-ères et des élus-es, dont l’ex-ministre Hélène David, ont plaidés pour une Commission itinérante en matière de santé mentale, afin de sillonner le Québec et ses régions … J’en suis ! Une telle Commission, outre de permettre de « nommer » les différents problèmes vécus ces dernières années (urgences psychiatriques, manque de psys, accès aux soins déficient, etc.) et d’y apporter des éléments de solution, permettrait aux différents-es intervenants-es de mieux se connaître, et aussi de voir leur travail spécifique connu et apprécié. De même, on peut imaginer toutes les possibilités de réseautage et de remaillage qui s’offriraient, s’agissant des réseaux de travail régionaux et nationaux qui ont été brisés, voire anéantis, soit par l’austérité libérale, soit par les démembrements consécutifs à la loi 10 de l’ancien ministre Barrette.

Enfin, en plus d’avoir une pensée féconde d’actions pour nos jeunes (hausse des troubles anxieux, psychoses) et nos aînés-es (AMM, CHSLD, soins à domicile), et par-delà son inquiétant bardassage d’organigramme, la nouvelle ministre Diane Mc Cann pourrait ordonner au moins deux mesures toutes simples qui enverraient un signal très clair à la population : la première serait de compléter les bases d’un authentique programme de psychothérapie universel et gratuit, et la deuxième d’augmenter convenablement les budgets des 450 organismes en santé mentale du Québec ! Quel changement d’avec le gouvernement libéral, cela serait ! Et quel beau signal d’espoir, cela enverrait !

Pour citer un certain François Legault : « Cessons d’avoir peur ! Osons ! »

Gilles Simard
Pair-aidant en santé mentale et journaliste.
* OCDE : Organisation de Développement et de Coopération Économique - COSME : Réseau communautaire en santé mentale

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