Édition du 17 décembre 2024

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Canada

La population doit lancer sa propre politique

Quand on se retrouve en train de hocher de la tête en approuvant Andrew Coyne du National Post il faut se poser des questions. Andrew Coyne a titré son plus récent article : « Le vilain multimillionnaire québécois vient de se lancer dans la bataille pour le pouvoir » en parlant de la décision de Pierre-Karl Péladeau de faire le saut en politique en devenant candidat pour le Parti Québécois. La réalité, c’est qu’il y a longtemps que les multimillionnaires ont pris le pouvoir et qu’il est urgent que le peuple lance sa propre proposition pour le prendre.

Tiré de Canadian dimension du 11 mars 2014. Traduction Alexandra Cyr.

Dans son propos, M. Coyne décrit M. Péladeau comme quelqu’un qui voit l’économie comme « une sorte d’injonction étendue de la part des entreprises (dans une) province qui a fait de l’économie d’État, (Québec Inc.), une partie de son identité et où la frontière entre les intérêts publics et privés est souvent fine ». Voilà un des hommes les plus riches du Québec et du reste du Canada qui entre dans la politique provinciale tout en refusant de remettre au Commissaire à l’éthique un droit de regard sur ses intérêts dans son empire médiatique.

On peut facilement être d’accord avec Andrew Coyne dans ce cas mais il faut voir l’autre côté de la médaille. Il n’y a pas que Québec Inc. qui soit du capitalisme d’État et où la frontière entre le public et le privé soit mince. Le bateau amiral de Postmedia, le quotidien National Post, dans lequel M. Coyne a certainement un intérêt de contrôle idéologique, a été fondé par un criminel reconnu qui a fait de la prison pour fraude, détournement de fonds et obstruction à la justice. C’est une chose de se servir de ces faits contre quelqu’un qui en sort ruiné et rejeté socialement, s’en est une autre de le faire contre quelqu’un qui s’en sort avec un magot de 80 millions de dollars. Ce n’est que récemment que le Baron Conrad Black de Crossharbour a perdu son siège au Conseil privé du Canada. Les membres de ce Conseil sont consultants sur les questions monarchiques.

Au Canada, les intérêts publics et privés sont tellement imbriqués que ce n’est pas la peine de tenter de les départager. Le géographe marxiste, David Harvey nomme ce phénomène « la cellule état-entreprises » et ça fonctionne très bien.

Les bureaucrates qui conduisent les évaluations pour règlementer les oléoducs qui servent au transport du pétrole issu des sables bitumineux sont dans les fais, des composantes de l’industrie. L’ancien président de l’agence d’espionnage canadienne et ministre des affaires indiennes, M. Chuck Strahl, a du démissionner récemment quand il a été révélé qu’il faisait du lobbying pour la compagnie Enbridge. Son prédécesseur purge une peine de prison à Panama. C’est le Premier ministre qui nomme ces gens et l’agence d’espionnage surveille constamment les groupes environnementaux qui s’opposent à l’exploitation du pétrole des sables bitumineux.

Et ce n’est que la pointe du iceberg. La porte tournante entre la politique et les barons des grandes entreprises ne cesse de tourner. Ils ne voient la société que comme un environnement plus large, une sorte de territoire plus grand qui leur revient. Que la population aille se faire voir avec ses croyances stupides dans la démocratie.

Ça non plus ce n’est pas nouveau. En 1870, le représentant du pouvoir colonial, M. T.L.Wood, exprimait une idée claire devant l’assemblée législative : « Les opinions peuvent être divisées de bien des manières, les votes d’un parti peuvent être partagé mais, la classe dominante, remise aux mains des masses, sera grandement pénalisée si elle veut satisfaire les visions de ceux et celles qui n’ont rien à perdre et tout à gagner de toute façon ». C’était juste après que l’Empire britannique eut consolidé ses colonies au sein du Canada.

Mais revenons à M. Coyne. Il est en phase avec l’héritage colonial quand il se moque de la grève étudiante au Québec et du mouvement Occupy comme le fait son père M. James Coyne qui a surement préparé le virage néo libéral de la Banque du Canada quand il y était gouverneur. M. Coyne peut bien railler le corporatisme d’État mais sa famille en fait parti lui y compris. Pour lui cette situation est problématique mais ce ne sont que les apparences, le vrai problème est ailleurs.

Que la classe dominante ait toujours dirigé les affaires du monde et qu’elle continue à façonner le pouvoir de l’État, voilà le vrai problème. Ce qui est urgent, c’est qu’un mouvement des gens qui n’ont rien à perdre et tout à gagner s’organise. C’est ce que Ms Péladeau et Harper, Mme Marois et le Baron Black redoutent le plus.

Vivement un mouvement qui ébranle la classe dominante et fragilise leur trône ; que les idées radicales de démocratie et d’égalité revivent.

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