John Clarke, Canadian Dimension, 14 janvier 2025
Traduction, Alexandra Cyr
Ce serait à peine faire preuve d’un pessimisme sans fondement que de conclure que l’accablante possibilité de l’élection d’un gouvernement conservateur sous la direction de Pierre Poilievre lors de la prochaine élection fédérale soit réelle. Les sondages le confirment clairement et sans relâche. Ipsos leur accorde maintenant une avance de 25 points devant les Libéraux. Ce qui reflète le fait que la démission fracassante de Chrystia Freeland a encore empiré la situation.
La décision inévitable mais toujours reportée de Justin Trudeau de quitter à regret la direction de son parti ne peut être considérée que comme une opération salvatrice. Il fallait le remplacer mais comme c’est un tant soit peu improvisé de sélectionner un.e remplaçant.e le processus donne un semblant de justification pour la prorogation du Parlement jusqu’en mars. Mais rien de tout cela ne va tirer les Libéraux d’affaire. Cela ne permettra que la reprise des travaux du Parlement pour quelques mois. Il est très peu probable que le nouveau chef ou la nouvelle cheffe, choisi.e parmi un groupe discrédité, puisse arriver à renverser l’avance déterminante des Conservateurs, même de proche. Se débarrasser de Justin Trudeau pourra assurer aux Libéraux le rôle d’opposition officielle, mais même cela est loin d’être certain.
Depuis le début, les reportages montrent que P. Poilievre n’a aucune intention d’être accommodant et qu’il se saisira de toutes les occasions pour s’assurer que l’impopularité de J. Trudeau soit reportée sur la personne qui le remplacera. Après une décennie de gouvernements libéraux de plus en plus discrédités, ce ne sera peut-être pas une tâche difficile. J. Trudeau est parti mais le Parti conservateur a toujours le vent dans les voiles.
Les Libéraux ont fait leur temps comme gouvernement mais leur déclin se situe dans une tendance internationale : les Partis centristes ont de plus en plus de mal à se maintenir au pouvoir devant les défis que leur apporte la droite populiste. L’incapacité de l’administration Biden-Harris à offrir une alternative à D. Trump en est un exemple manifeste. Les Conservateurs canadiens vont pouvoir bénéficier de la victoire de D. Trump.
À l’attaque !
Un régime dirigé par P.Poilievre sera sûrement déterminé à imposer des politiques d’extrême droite. Durant la course à la chefferie conservatrice en 2022, j’ai écrit un article pour Counterfire au Royaume Uni. J’y soutenait que le « couronnement de P. Poilievre à la tête du Parti est l’accumulation de luttes pour son contrôle entre une aile modérée qui voulait préserver le rôle du capitalisme canadien comme organisateur politique calme et fiable et un autre courant de droite prêt à accommoder la colère réactionnaire qui grandit à la base et la périphérie du Parti ». Aujourd’hui, au bord du pouvoir, les Conservateurs se préparent à leur rôle longuement anticipé, celui de l’attaque. P. Poilievre voudra à tous prix prouver qu’il est décidé à agir fortement. Il voudra agir vite défiant les oppositions et mettant en place des mesures solides comme D. Trump le fait au sud de la frontière.
Récemment, la presse canadienne rapportait l’entrevue qu’un bien connu de la droite « intellectuelle publique », Jordan Peterson a tenu avec P. Poilievre. Immédiatement, E. Musk, ce riche et obscène entrepreneur de l’extrême droite internationale, s’est empressé de les féliciter. Par ailleurs il a publié une annonce depuis : « une base chrétienne luttant contre l’avortement en Indiana et qui cherche à protéger « les enfants non encore nés.es ».
Au cours de cette longue entrevue, P. Poilievre a démontré comment son conservatisme est différent de celui relativement contenu et prudent de sa période antérieure. Aucun vocabulaire conciliant eut égard au changements climatiques et à l’environnement. Au contraire, il a critiqué les grandes compagnies qui ont cédé devant les soit disant environnementalistes libéraux débridés. Il s’est engagé à donner aux compagnies du secteur des énergies fossiles toute liberté et ainsi : « provoquer un énorme boom de ressources dans notre pays ».
Il a accusé J. Trudeau de se servir d’une « idéologie extrêmement radicale » et d’imposer au Canada « un socialisme autoritaire ». Une telle rhétorique échevelée où le libéralisme est présenté comme une forme de radicalisme extrême est la marque de commerce de D. Trump et ces ressemblances dans leurs approches ne sont pas une coïncidence.
Note, ici le texte rapporte une intervention de Paris Marx sur X je ne traduis pas. N.d.t.
Pointant des coupes importantes, des reculs dans les politiques sociales et des dérégulations tout azimut, il promet de « couper dans la bureaucratie, les contrats de consultation, l’aide étrangère et des avantages des grandes corporations. Nous allons utiliser les sommes ainsi épargnées pour diminuer le déficit et les taxes et libérer le système de libre entreprise ». Il a aussi assuré que son programme d’austérité serait accompagné « de la plus grande répression du crime de l’histoire canadienne, une répression massive ».
Durant cette entrevue, P. Poilievre a présenté un programme dit « Canada First qui mettrait de côté la race, cette obsession que le wokisme a remis à l’ordre du jour ». Il est clair que comme d’autres gouvernements autoritaires d’extrême droite cette approche a pour objectif d’intensifier les injustices et les inégalités qui sont générées par le racisme tout en niant les problèmes existants.
Au plan international, nous pouvons nous attendre à ce qu’un programme de droite soit en vigueur et exécuté avec zèle sous sa direction. Ceci est particulièrement vrai en ce qui concerne Israël. Rien des atrocités pratiquées contre les Palestiniens.nes ne fera tergiverser P. Poilievre et nous pouvons nous attendre à une remontée importante de l’intimidation et de la lutte contre le mouvement de solidarité avec la Palestine.
Nous devrions aussi nous intéresser à l’influence que l’administration Trump va avoir sur les politiques canadiennes durant la période à venir. Le gouvernement Trudeau a déjà renforcé les « mesures de sécurité à la frontière, renforcé notre système d’immigration qui contribuent à assurer un futur prospère au Canada ». Sans aucun doute, P. Poilievre est disposé à poursuivre dans cette direction. Parmi une vaste quantité d’enjeux politiques, les initiatives que prendra l’administration Trump feront ressortir le pire d’un gouvernement Poilievre. Et on peut ajouter que le fédéralisme fera ressortir le pire pour les provinces.
Résister
Il y aura sans aucun doute des tentatives d’arrêter les Conservateurs en chemin ou tout au moins de minimiser l’étendue de leur victoire. Mais il n’est pas risqué de penser qu’une fois la poussière retombée le nombre de leurs députés.es sera plus élevé que celui de tous leurs rivaux réunis. Donc, devant la venue de ce probable gouvernement extrêmement destructeur et dangereux, il faut que nous nous intéressions à la manière dont nos syndicats et notre mouvement social doivent y répondre. Le manque apparent de préparation actuel est profondément inquiétant.
Je me souviens de la sidération qui a marqué les premiers mois du dur gouvernement conservateur Harris en 1990, en Ontario. Certaines des mesures les plus nuisibles ont été adoptées sans opposition pour ainsi dire. Il y a quelques leçons à tirer de cette expérience particulièrement parce que les Conservateurs vont pavoiser en prenant des directions dans la lignée de D. Trump, au cours de leurs premiers jours au pouvoir. P. Poilievre proclame qu’il ne fera aucune concession ni compromis. C’est la meilleure raison pour le priver de toute période de grâce où il pourrait affecter négativement les travailleurs.euses et les communautés. Pour que la résistance soit efficace, nous devons avoir une classe ouvrière forte et unie, capable de développer et mobiliser une puissante coalition de forces opposées aux Conservateurs.
Mais, alors que nous ne sommes pas du tout préparés.es à contrer P. Poilievre comme nous le devrions, ce n’est pas une raison pour nous résigner. Il est très possible de convenir d’un plan de rencontres nationales, provinciales et locales pour développer un plan d’action afin de confronter ce qui sera un des gouvernements les plus réactionnaires et dangereux de notre histoire.
Avec le retour de D. Trump à la Maison blanche et P. Poilievre qui attend dans son ombre ici au Canada, les travailleurs.euses et les communautés vulnérables des deux côtés de la frontière ont à affronter des attaques majeures. À défaut de s’équiper d’une contre-offensive très solide, nous ferons face à des défaites douloureuses. La capacité de riposter sera primordiale. Dans la perspective de cette lutte de classe ouverte et immodérée, la question vitale est de savoir si nous pouvons lancer un mouvement capable de vider les lieux de travail et de remplir les rues.
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