Édition du 12 novembre 2024

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La pénurie, le paravent de l’imputabilité

À la mi-août, le ministre de la Santé et des Services sociaux, Christian Dubé, a présenté son plan pour affronter la 2e vague de la COVID-19. Soit disant vouloir tirer des leçons de la 1re vague et ainsi, mieux faire face à celle qui se pointait à l’horizon, ce plan comportait une série de mesures devant être mises en place au 30 septembre. Au nombre des axes visés, on retrouvait celui d’interdire la mobilité du personnel. Si notre organisation dénonce depuis de nombreuses années les effets néfastes de la mobilité du personnel et le recours à la main-d’œuvre indépendante sur la qualité et la sécurité des soins, il aura fallu une pandémie aux conséquences désastreuses pour que le gouvernement se range enfin derrière nos arguments.

Il ne fait aucun doute que la mobilité du personnel a joué un rôle clé dans la propagation du virus dans les établissements de santé. Combinées à un manque de matériel de protection adéquat, les allées et venues de plusieurs dizaines de milliers de travailleuses et travailleurs œuvrant dans multiples secteurs ont été des vecteurs importants de transmission. Une fois la 1re vague passée, tout le monde s’entendait sur ce constat accablant.

Mais, l’encre du plan de M. Dubé n’était pas encore sèche que déjà, la détermination du gouvernement à interdire la mobilité fléchissait. Soulignant à grands traits que la mobilité des préposé-e-s aux bénéficiaires serait chose du passé, celle des infirmières et infirmières auxiliaires allait être permise dans les cas où il y aurait ruptures de service dans la 2e vague. Non mais, on la connaît-tu assez bien cette cassette ? Depuis des lustres, le gouvernement et les directions d’établissements utilisent le prétexte de la pénurie pour expliquer tous les maux du réseau alors que dans les faits, les problèmes vécus sont en grande partie la résultante des mauvaises décisions prises. La pénurie, c’est surtout une pénurie « artificielle et structurelle » engendrée par les mauvaises conditions de travail des professionnelles en soins résultant d’une approche de gestion déconnectée et qui nous mène à ce constat d’échec.

Les professionnelles en soins en ont plein le dos d’être les seules à subir les conséquences de ces mauvaises décisions. Depuis le début de la pandémie, au lieu d’avoir une approche positive, valorisante et reconnaissante, le gouvernement opte pour une méthode coercitive en gérant la main-d’œuvre à coup d’arrêtés ministériels et ainsi, en retirant tous les droits des professionnelles en soins. Les conséquences sont multiples. D’un côté, des professionnelles sont épuisées, surchargées et démotivées et de l’autre, des patient-e-s qui se butent parfois à des problèmes d’accessibilité, parfois à des soins déshumanisés où la qualité et la sécurité ne sont pas au rendez-vous.

Au cours des derniers mois, nous nous sommes serré les coudes et avons agi avec l’énergie nécessaire à ce que nous pensions toutes être une urgence de santé publique comme nous savons le faire en temps de crise. Cette crise sera un long marathon et ira au-delà de la 2e vague. Déjà, des professionnelles en soins démissionnent et elles détiennent le record des heures supplémentaires au pays. Le gouvernement ne cesse de répéter que le système de santé est extrêmement fragile et qu’il faut le protéger. Jour après jour, il en appelle à la solidarité de toutes et tous, mais quand sera-t-il solidaire des professionnelles en soins ? Le poids de cette pandémie ne peut pas reposer que sur les épaules de celles qui sont au front depuis des mois. Qu’est-ce que le gouvernement attend pour mettre en place des solutions qui à courts et moyens termes permettront aux infirmières, infirmières auxiliaires, inhalothérapeutes et perfusionnistes cliniques de croire en de jours meilleurs. Les prochaines semaines seront déterminantes pour l’avenir des professionnelles en soins et celui du réseau public de santé. Qui est responsable de l’état actuel du réseau ? Tant les gouvernements passés que celui actuel. La CAQ a été élue il y a maintenant deux ans avec des promesses multiples faites aux professionnelles en soins. Son inaction des 24 derniers mois a contribué à la dégradation des conditions de travail des professionnelles en soins ainsi que des soins et services offerts à la population. Que ce gouvernement se le tienne pour dit : la pénurie ne doit plus être un paravent à l’imputabilité !

Nancy Bédard

Présidente de la Fédération interprofessionnelle de la santé (FIQ)

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