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Les gens acceptent des risques pour la santé, en consommant de l’alcool par plaisir. Mais ils refuseraient des très faibles risques à leur eau potable que pourraient causer le bris d’un oléoduc d’hydrocarbure. Pire encore, le transport par train comporte des risques réels et immédiats de loin supérieurs, mais on n’en parle pas. C’est ainsi que Valérie Borde, chimiste et chroniqueuse scientifique à la revue l’Actualité pose les enjeux liés au projet Énergie Est Transcanada.
La chroniqueuse scientifique réagissait ainsi à mon texte d’opinion intitulé « Trois jours sans eau, et c’est la mort ! » publié dans Le Devoir. Ma lettre soulignait les dangers de faire passer plusieurs conduites de combustibles fossiles près des puises d’eau de la grande région de Montréal. Elle pousse l’audace jusqu’à caricaturer mon propos en référant au « risque de mourir de soif à Montréal à cause d’un oléoduc ! »
La logique de Madame Borde est simple, vous acceptez par plaisir des risques supérieurs à votre santé en consommant de l’alcool ; et de plus, le danger actuel des trains est pire que la menace du projet Énergie Est. Cette logique est simpliste et tendancieuse. On s’appuie sur l’argument massue de l’industrie. Nous avons le choix entre les trains ou les oléoducs de bitumineux. Et c’est faux ! Le pétrole des Prairies pourrait très bien être transformé sur place, pour des besoins de niche, créant un grand nombre d’emplois sur les sites et dans les provinces d’extraction. Le transport à distance, ce sont les multinationales qui l’imposent car elles veulent rentabiliser leur méga-raffineries assoiffées de millions de barils. Elles poussent partout sur la planète pour le transport de grands volumes de pétrole sur de grandes distances pour l’exportation. Ce choix n’est dans l’intérêt de personne d’autre. Trains ou pipelines, c’est le jeu de la trappe imposé par les Grandes pétrolières qui nous martèlent leurs faux choix.
Pour en revenir à la logique du texte, effectivement je prends de l’alcool par plaisir. Quant aux risques pour la santé sans abus, disons que les messages sont pour le moins confus et contradictoires. Mais le parallèle avec l’eau que nous buvons est maladroit, car l’eau est bue par nécessité, pas pour le plaisir ou par choix. Les installations de traitement sont des nécessités, et elles ont pour mandat l’approvisionnement de millions de personnes dans la grande région de Montréal. On est bien loin du risque pour la santé d’un seul individu lié à l’alcool. Et même si le risque de catastrophes est faible, il est là. Et c’est surtout vrai en ce qui concerne le vieux tuyau reconvertis au bitumineux de la ligne 9B Enbridge.
Le texte de la chroniqueuse présente la question de la menace comme un enjeu lointain, hypothétique. Pourtant, la sécurité civile de la grande région doit se pencher sur le scénario cauchemardesque d’un tel désastre maintenant, et aux frais des contribuables. Non seulement ça. Même si le risque est faible, les municipalités doivent s’équiper et s’organiser pour y faire face. Comble de la négligence, les précautions les plus élémentaires n’ont pas été suivies par le récent promoteur pétrolier Enbridge. La pratique essentielle de construire un tunnel pour les traverses de rivières à haut débit afin d’éliminer le contact entre l’eau et les hydrocarbures n’a pas été suivi. Pourquoi devrions-nous croire que le projet Énergie-Est de Transcanada se conformera à ces meilleures pratiques connues ? Pourquoi le feraient-ils pour toutes les rivières à grand débit si le compétiteur ne l’a pas fait ?
Des dizaines de millions, en fait près du 100 millions, ont été investis récemment dans la réfection et la mise à niveau du réseau et des installations de traitement de l’eau potable par la ville de Montréal. Malgré toutes ces dépenses, aucune installation n’est en mesure de garantir la sécurité d’une eau dont la source est contaminée aux hydrocarbures. Pire encore, madame Borde, chimiste, devrait savoir qu’une détection tardive pourrait contaminer les infrastructures de traitement et même générer de nouveaux contaminants en réaction avec les procédés actuels. Les dépôts lourds de bitumineux au fond du lac des Deux-Montagnes pourraient libérer leurs toxines pendant une longue période, forçant ainsi l’arrêt des installations pour des périodes indéterminées. Les investissements nécessaire pour garantir la sécurité d’une eau potable provenant d’une source contaminé aux hydrocarbures seraient astronomiques, rien de moins. Administrer, c’est savoir prévoir, même l’improbable.
Il est triste de voir des chroniqueurs renommés faire des pirouettes de logique pour renforcer les approches de communication de l’industrie pétrolière qui minimisent tout les risques associés à ses opérations, de façon à s’épargner des coûts.
Normand Beaudet
Madame Borde commentait ma lettre d’opinion publiée dans Le Devoir.
Trois jours sans eau, et c’est la mort !