Je l’écrivais dans un billet publié lors de l’annonce de la disparition du CSBE, en fusionnant les établissements de santé, le ministre Barrette s’est placé aux commandes d’une flotte d’énormes paquebots. Ne pouvant plus compter désormais sur l’évaluation objective de la performance du CSBE, c’est un peu comme si le ministre décidait de naviguer sans compas ni sextant.
Cependant, une remarque du premier ministre du Québec oblige à traiter du sujet sous un autre angle.
Un simple changement de bureau ?
Philippe Couillard a en effet affirmé, en parlant du transfert des fonctions du CSBE à l’Institut national d’excellence en santé et services sociaux (INESSS), que « ça a juste changé de bureau, mais c’est la même fonction ». « Il n’y a rien qui empêche la personne qui occupe la même fonction dans l’INESSS aujourd’hui de faire exactement le même travail qui était fait par le commissaire auparavant », ajoutait-il.
C’est grave parce que si le premier ministre n’arrive pas à voir la différence (ou s’il prétend ne pas la voir) entre un organisme indépendant et un organisme qui relève directement du ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS), ça ouvre la porte à certaines dérives.
Un gouvernement allergique aux critiques
En santé et services sociaux particulièrement, nous avons un gouvernement qui semble complètement allergique aux critiques. J’ai déjà expliqué dans un billet précédent à quel point le réseau s’opacifiait depuis l’arrivée au pouvoir du gouvernement Couillard et la nomination de Gaétan Barrette à la tête du MSSS, mais ça va encore plus loin que ça.
Dans une manœuvre digne d’une république de bananes, le ministre Barrette a déposé et fait adopter un projet de loi pour répondre à un jugement de la Cour supérieure du Québec qui venait invalider un règlement de la loi 10 (sur la fusion des établissements de santé et de services sociaux).
Le jugement concernait un règlement sur les indemnités de départ pour les 1 300 cadres qui ont perdu leur emploi à la suite de la réforme Barrette. Voyez-vous, le ministre voulait, par ce règlement, faire passer les indemnités de départ de ces personnes à qui il faisait perdre leur emploi de 24 à 12 mois. En donnant raison aux cadres, le jugement de la Cour supérieure aurait pu coûter 200 millions de dollars au trésor québécois. Le ministre a donc déposé le projet de loi no 160 expressément pour invalider le jugement.
Une dérive dangereuse
Il n’y a aucun doute qu’une telle loi sera contestée en cour et qu’il y a de bonnes chances qu’elle soit annulée. On l’espère du moins parce que sinon, cela voudrait dire que le gouvernement est au-dessus des lois et peut légiférer sans tenir compte des règles de droit.
Dans le contexte où nous avons un premier ministre incapable de saisir l’importance d’avoir des acteurs indépendants pouvant évaluer la gestion de l’État, allant même jusqu’à minimiser leur disparition, nous sommes en lieu de nous inquiéter d’un tel virage autocratique !
Un message, un commentaire ?