Édition du 17 décembre 2024

Une tribune libre pour la gauche québécoise en marche

Amérique centrale et du sud et Caraïbes

La Colombie pourrit…

Traduction : Jupiter Ossaba | Edited by Fausto Giudice | tiré du site http://www.tlaxcala-int.org/ | Illustration : Juan Kalvellido, Tlaxcala

Ce n’est pas tant le journalisme (qui en Colombie est devenu depuis longtemps de la propagande) qui est en crise. C’est l’establishment. Ceux qui dirigent, en commençant par le président de cette républiquette jusqu’à ses acolytes à des postes intermédiaires. La corruption, inhérente à ce type de systèmes, pourrit toujours plus les piliers de l’État, contaminant en même temps de sa puanteur et son esprit charognard les expressions privées.

Ce que l’on appelle institutions est en faillite depuis longtemps. Ce n’est pas que durant les deux mandats de Santos et de ses laquais le système se soit disloqué, mais que la décadence remonte à « ya belle lurette », comme dirait un paysan. Ce qui arrive c’est qu’aujourd’hui la crise a bien touché tous les domaines, de l’armée à la police, des ministres, vice-ministres, gouverneurs, bureaucrates de tout acabit, jusqu’à aller au-delà des amandes* et des luxueuses tentures du palais, qui durant le gouvernement d’Uribe a commencé à être appelé la « Maison de Nari »**.

Avant les réseaux de prostitution et de proxénétisme de la police, il y a eu, par exemple, les « faux positifs » qui ont fait plus de trois mille victimes que les corps de sécurité (ou d’insécurité) ont fait passer pour des « guérilleros ». Les écoutes (« chuzadas ») de journalistes de la police de Palomino, ont été précédées par les milliers d’interceptions illégales effectuées par le ténébreux DAS*** contre des adversaires politiques, des magistrats et des chroniqueurs. Sans parler de la para-politique, des escroqueries d’Interbolsa, des pyramides, des privatisations néo-libérales effectuées contre le patrimoine public, aussi bien hier qu’aujourd’hui.

Dans ce paysage désastreux, dans lequel a été bradée l’entreprise d’électricité Isagén, les hôpitaux publics se fanent, les, enfants et anciens Wayuu meurent de faim, les fleuves et rivières sont volés et privatisés (comme celui de Ranchería), on cherche à privatiser complètement Ecopetrol, sans oublier les surcoûts de Reficar et une théorie infinie de corruptions et de malversations. Ajoutons à cela la complaisance des journalistes, qui, de contrôleurs, sont devenus des préposés au blindage du régime (l’actuel comme ceux qui l’ont précédé). Des médias qui ne sont que des choufs. Au service du pouvoir et de son arbitraire.

Les mass-médias (de désinformation) en Colombie, ont perdu depuis longtemps leur indépendance, et, indépendamment du fait qu’il y a quelques journalistes qui incommodent, ils sont là pour sanctifier et faire l’éloge des magnats et des politiciens. Durant le gouvernement du « Messie » [Alvaro Uribe], la presse s’est prosternée devant le prince. Elle s’est faite appendice du palais. Il y a eu de l’encens et des baisemains, et le président (un cavalier expert) a galopé à en perdre haleine sur les propriétaires des stations radio, des journaux et des chaines privées.

Et au lieu de qualité dans les contenus, c’est le cirage de bottes qui a augmenté. Et qui n’était pas d’accord avec la servilité et l’absence de critique, était envoyé se faire voir. Les médias se sont transformés en caisses de résonance du pouvoir, et aujourd’hui, à l’ère de la « marmelade », la situation n’est pas différente. Et devant la crise d’un système qui veut faire retomber les résultats de ses imperfections et de son autoritarisme sur le dos de la majorité, ce qui est mis en avant ce sont les scandales bataclanesques, ceux qui prétendent montrer, et de manière superficielle, le phénomène, et non les causes de la débâcle. Devant les accusations d’enrichissement illicite et d’autres abus du directeur de la police, l’affaire délictueuse de corruption a été déviée pour être présentée comme une affaire d’homos****, ce qui en outre a suscité, des réactions homophobiques dans des réseaux sociaux et d’autres médias.

Devant ces symptômes de putréfaction du régime, des centrales ouvrières et d’autres instances répondront par une grève civique le 17 mars prochain, contre les privatisations, l’iniquité et les réformes antipopulaires que prépare le gouvernement, et où on inclura la protestation contre la mort d’ inanition d’ enfants de la Guajira*****.

On n’avait pas vu une situation aussi pourrie depuis vingt ans, certainement produite par l’application de mesures néolibérales et les ambitions de ceux qui ont pris le pays et l’État pour leur usage particulier. Heureusement, ceux qui sont au pouvoir perdent toujours plus en crédibilité. Ce phénomène frappe aussi beaucoup de médias, agenouillés devant les exactions et les abus officiels, et qui ont perdu leur capacité d’enquête et de dénonciation.

Aussi bien en politique que dans le journalisme, le sensationnalisme efface les essences, qui vont au-delà de la puanteur. Les systèmes sociaux, contrairement aux hommes (comme l’a noté un penseur), se décomposent d’abord et meurent ensuite.

NdE

*Les amandes, étant importées d’Europe, sont un produit de luxe en Colombie

**La Maison de Nariño, couramment appelée Maison de Nari, est le nom du palais présidentiel colombien

***DAS : Département administratif de sécurité, service de renseignement intérieur, rebaptisé Agence nationale de renseignement (ANI)

****Le dernier scandale colombien en date est la révélation de l’existence d’un réseau pédocriminel baptisé " La comunidad del anillo" ("La communauté de l’anneau ou de l’anus), dirigé par le chef de la police, le général Rodolfo Palomino

***** La Guajira, département le plus au nord de la Colombie.

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Courtesy of Tlaxcala
Source : http://www.elespectador.com/opinion/colombia-se-pudre
Publication date of original article : 22/02/2016

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