On sait que le président de la Chambre des Communes Anthony Rota avait invité, par mégarde semble-t-il, un nommé Yarislav Hunka, un résident de sa circonscription à faire partie de la délégation devant être présentée au président ukrainien Volodymyr Zelensky, juif d’origine, en visite officielle au Canada. Or, il s’est avéré que ce monsieur Hunka est un ancien membre de la division SS Galicie, une unité de volontaires sous commandement nazi qui aurait participé au massacre de nombreux juifs et juives. Les membres de cette unité voulaient lutter contre l’annexion de l’Ukraine par Moscou en 1922, laquelle avait entraîné pour le peuple ukrainien bien des misères (dont une famine provoquée par les politiques staliniennes dans les années 1930).
Cette faute d’inattention a coûté à monsieur Rota son poste de président de la Chambre et terni encore davantage la réputation internationale de Justin Trudeau, même s’il n’était pas responsable de l’organisation de la cérémonie (notamment du choix des invités).
Fort bien. En juin dernier, le premier ministre canadien recevait avec jovialité l’ex premier ministre "suppléant" d’Israël en poste du 13 juin au 30 du même mois 2022, Naftali Bennett. La visite se déroula dans une atmosphère de cordialité et Trudeau en profita pour réitérer les liens d’amitié qui unissent Ottawa et Tel-Aviv, ceci dans la foulée de sa déclaration du 13 juin 2021 sur le même sujet :
"Le Canada et Israël sont de proches amis, unis par des valeurs démocratiques communes, une longue tradition de coopération et des liens dynamiques entre leurs populations."
Tout d’abord, il y en aurait long à dire sur cette généralisation à toute la population canadienne de l’adoration que porte la classe politique à l’État hébreu. Mais surtout, la visite de Bennett n’a suscité aucune protestation, sauf de la part d’un groupe de manifestants et manifestantes pro-palestiniens à Toronto le 15. Trudeau l’a complètement ignorée.
Pourtant, le parcours de Bennett a de quoi susciter l’indignation. Il a toujours fricoté dans les milieux de droite et d’extrême-droite de son pays. Il a dirigé le parti nationaliste et sioniste religieuse "Le foyer juif" et ensuite Yamina ("la droite").
Qu’on juge de sa trajectoire par les faits suivants, bien documentés. Il s’est toujours opposé à la solution à deux États (palestinien et israélien) ; il a soutenu en 2018 l’adoption de la loi sur l’État-nation du peuple juif, laquelle établissait une différence entre citoyens israéliens juifs et non-juifs (l’apartheid, vous connaissez ?). Il s’est prononcé aussi pour l’annexion de la totalité des territoires palestiniens par Israël.
En février 2012, il avait déjà présenté sans succès un projet appelé : "Initiative pour la stabilité d’Israël" où il plaidait pour l’annexion immédiate de la zone C de Cisjordanie (63% du territoire).
Plus grave encore, il a déclaré en juillet 2013, lors d’une rencontre avec un conseiller sur la sécurité nationale : "J’ai tué beaucoup d’Arabes dans ma vie et il il n’y a aucun problème avec ça." Il a par la suite un peu atténué ces propos en précisant que" les terroristes devraient être tués s’ils représentent une menace immédiate."
Ces paroles sont démenties par le fait suivant : alors qu’il participait comme officier supérieur à l’offensive israélienne contre le Hezbollah au Liban et que son unité subissait des tirs de mortier, il a fait bombarder le village de Cana. Résultat : 102 civils tués plus 4 Casques bleus de l,ONU préposés au maintien de la paix.
Ce qui ne lui a pas pour autant coupé les avenues du pouvoir au cours de la décennie 2010. Il a occupé des postes importants dans le gouvernement de droite de Benjamin Netanyahou comme ministre de l’Éducation, ministre de la diaspora et celui de la défense, et au final premier ministre. Une carrière politique bien remplie !
La visite de ce personnage plus que douteux dans la capitale fédérale en juin 2023 n’a provoqué aucune vague de protestation parmi tous eux et celles qui aujourd’hui s’indignent de la présence dans la délégation d’accueil du président ukrainien de la présence d’un vieillard de 98 ans, Yarislav Hunka dont on n’a même pas la preuve qu’il ait participé aux atrocités commises par son unité. Il ne s’y est pas opposé non plus, il faut l’admettre.
Alors que Bennett, lui, âgé d’à peine 51 ans, demeure en position de sévir encore contre le peuple palestinien. Le cabinet Trudeau n’a tenu aucun compte du massacre de Cana ni des politiques racistes anti-palestiniennes lorsqu’il l’a accueilli quelques mois à peine avant que n’éclate l’affaire Hunka.
Si un responsable palestinien avait déclaré avoir zigouillé sans problème de conscience beaucoup d’Israéliens et par la suite provoqué la mort de 102 civils israéliens, il n’aurait pu entretenir aucun espoir d’être jamais reçu à Ottawa ni dans aucune autre capitale occidentale. On l’aurait sans doute même qualifié de "néo-nazi" ou d’ignoble terroriste.
Personne dans les cercles politiques ne consent à penser que la meilleure manière de respecter la mémoire des victimes de l’holocauste consiste plutôt à lutter pour la libération des opprimés d’aujourd’hui, dont les Palestiniens et Palestiniennes.
Jean-François Delisle
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