Édition du 18 juin 2024

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L’élection québécoise présente bien des dangers pour les partis fédéraux

Il est fort possible que les partis politiques fédéraux se retrouvent face à face avec le Parti Québécois qui veut la sortie de la province de la fédération canadienne, au lendemain de l’élection du 7 avril prochain. Cela aura d’importantes implications pour eux.

Karl Nerenberg, rabble.ca, 6 mars 2014,
Traduction, Alexandra Cyr,

Il est fort possible que les partis politiques fédéraux se retrouvent face à face avec le Parti Québécois qui veut la sortie de la province de la fédération canadienne, au lendemain de l’élection du 7 avril prochain. Cela aura d’importantes implications pour eux.

La campagne commence tout juste, mais le PQ est crédité d’une certaine avance dans les sondages et il mène sans équivoque chez les francophones. Mais comme le disait Yogi Berra, « rien n’est fini tant que ça n’est pas fini ». Sans présumer de l’issue, les partis fédéraux vont garder un œil critique sur ce qui se passera durant cette campagne.

À Ottawa, le point de vue général veut qu’une victoire du PQ serait surtout favorable aux Libéraux et leur chef M. Trudeau et bien dommageable au NPD et à M. Mulcair. Comme les Conservateurs n’ont que 5 sièges au Québec et qu’ils ne cherchent pas à y faire de gains en ce moment, qui sortira victorieux-euse de l’élection leur importe peu.

Le bon coup du Ministre Kenny

Il est très significatif que le Ministre conservateur de l’emploi, M. J. Kenny ait réussit à s’entendre à la dernière minute avec le gouvernement Marois sur la formation de la main-d’œuvre. Cette entente respecte les programmes spécifiques au Québec dans ce domaine avec le financement fédéral actuel. Cette entente s’ajoute à celles déjà conclues avec les autres provinces. Elles avaient pourtant perçues les changements au programme fédéral comme une intrusion dans leurs champs de compétence. En réussissant ces négociations avec l’ensemble des provinces, M. Kenny a démontré son habileté et sa flexibilité.

L’entente avec le Québec vient retirer un des irritants dans le débat à venir sur sa sortie ou son maintient dans la fédération. Après avoir tant déçu l’électorat québécois en se retirant du Protocole de Tokyo, en abolissant le l’enregistrement obligatoire des armes à feu et en introduisant les sentences minimales, ceux et celles qui veulent vanter les bienfaits du fédéralisme pourront brandir en leur faveur la capacité de flexibilité de M. Kenny et sa volonté d’en arriver à une entente.

Les libéraux de M. Trudeau ne peuvent que faire des gains au Québec,

(…) Les deux autres partis, les Libéraux et le NPD, ont des ambitions bien plus sérieuses au Québec. C’est le NPD qui y détient la part du lion. Donc il est celui qui a le plus à perdre. Il détient, entre autre presque tous les sièges dans la partie francophone de la province là où le Parti Québécois devrait performer et certains autres où le PLQ est fort. Cela représente une sérieuse complication. Beaucoup d’électeurs-trices du NPD, partout au Québec, votent aussi, habituellement pour le PQ. Pour beaucoup ils et elles ont voté pour ce parti pour la première fois en 2012. Le parti a réussit tout autant dans des comtés non-francophones à Montréal, comme Hupper-Lachine et Pierrefonds-Dollard-des-Ormaux, dans l’ouest de l’ile. Les Libéraux avaient l’habitude de gagner ces sièges même lorsqu’ils en gagnaient peu.

Pour gagner le Québec non francophone la prochaine fois, M. Trudeau n’a probablement pas grand-chose à faire que d’être ce qu’il est, c,est -à-dire le fils de P.E.Trudeau. Pour cette population il est au rang de presque saint. La dernière élection fut un quasi désastre pour le Parti Libéral au Québec. Il n’y a gagné que 7 sièges dans des circonscriptions non-francophones. Pour la prochaine élection, avec M. Trudeau à sa tête et le Parti Québécois au pouvoir, le parti Libéral peut espérer ravir entre 12 et 20 comtés presque tous détenus en ce moment par le NPD.

Des comtés qui ont leur propre histoire,

Par ailleurs, les choses sont un peu plus compliquées dans les 40 ou 50 autres comtés avec de grandes majorités francophones. Les sondages issus du fédéral qui confirment l’avance des Libéraux au Québec peuvent être trompeurs. Ils ne prennent généralement pas en compte que, si leur avance est immense parmi les non-francophones (jusqu’à 70%) ce n’est surement pas le cas là où les francophones dominent. Quoiqu’il en soit, réussir dans environ 25 circonscriptions serait un progrès certain.

Le défi de M. Mulcair est plus important ; il a plus à perdre. Il doit donner l’image qu’il est le défenseur des intérêts du Québec à Ottawa, un rival sérieux pour M. Trudeau et capable de remplacer M. Harper au titre de « Capitaine Canada ». Tout cela en même temps. Il en est probablement capable mais cela demandera beaucoup d’habileté politique.

Depuis qu’il est leader de l’opposition il s’est concentré sur l’opposition à tout ce que le gouvernement Harper a pu mettre de l’avant qui ne plaisait pas au Québec. Il faut ajouter à la liste que j’ai donnée plus tôt, le Traité de libre échange avec l’Europe qui menace la production artisanale de fromage dans la province et les coupes à Radio-Canada qui bénéficie d’un grand auditoire fidèle.

Le NPD s’est battu autour de ces enjeux avec plus de constance et de rigueur que le Parti Libéral ne l’a fait. Cela devrait lui donner une meilleure position auprès des francophones (si jamais ils y ont prêté attention).
M. Mulcair est un fédéraliste convaincu et qui ne se laisse pas intimider. Il n’a pas beaucoup parlé de ce sujet depuis qu’il est chef de l’opposition mais il l’a abordé la fin de semaine dernière lors d’une entrevue d’Evan Solomon sur CBC.

La plupart des CanandienNEs anglophones ne savent pas que M. Mulcair a travaillé pour la plus importante organisation représentante des anglophones du Québec, (à l’époque), Alliance Québec. Ils ne sont pas non plus au courant que les militantEs du Parti Québécois les plus convaincuEs le considèrent en ce moment, comme un adversaire aussi terrible que le Parti Libéral. Il est reconnu pour ne faire de cadeaux à personne quant il fait face aux séparatistes.

La réponse du NPD à la loi sur la clarté,

Pourtant, au Canada Anglais, M. Mulcair est perçu comme quelque peu mou face aux nationalistes québécois et capable de devenir sympathique à la cause souverainiste. Cette impression (fausse) vient de ce que le NPD s’est engagé à accepter que le résultat d’un référendum soit jugée légitime avec 50% plus un des voix.

En fait la position du NPD [1] est une réponse à la Loi sur la clarté et n’est en rien un accommodement avec les séparatistes. Un des membres québécois de son caucus l’a même jugée intrusive dans les droits du Québec et a fini par quitter le parti. Il évaluait qu’avec sa disposition, le NPD introduisait l’interférence du gouvernement fédéral dans le processus référendaire beaucoup plus dangereusement que la Loi sur la clarté.

Avec la Loi sur la clarté le gouvernement fédéral n’intervient qu’ après un référendum. Ce n’est qu’à ce moment-là que le parlement se réunit pour juger de la clarté de la question posée et en cas de majorité pour, déterminer si elle est suffisante pour rendre le résultat légitime. À cette étape, dans la réalité, il serait probablement impossible à aucun gouvernement fédéral d’aller à l’encontre du résultat et de refuser de négocier avec le Québec. Peu importe la marge donnant la victoire et la confusion dans la formulation de la question.

Le Canada serait dans une crise majeure. Pour la sauvegarde du dollar canadien et de l’économie en généra, le gouvernement fédéral devrait en toute responsabilité, s’assoir avec le gouvernement québécois et tenter d’arriver à une entente raisonnable ; une négociation entre adultes. Toute autre position serait complètement irresponsable et dangereuse.

Celle du NPD veut devancer cette crise et obliger le gouvernement fédéral à intervenir dès le moment où le gouvernement québécois formule la question référendaire. Si le gouvernement fédéral intervenait à cette étape, pour juger de la qualité de la question, il se retrouverait devant la Cour d’appel du Québec composée de juges qu’il a nomméEs. Autrement dit, le NPD donne au gouvernement fédéral le droit d’affronter le gouvernement québécois séparatiste et de lutter pour sa propre cause bien avant que la campagne référendaire ne commence. Dans cette configuration, accepter un résultat référendaire de 50% plus un n’a rien de « mou face au séparatisme ». Cela semble ferme, réaliste et raisonnable. Il reste à savoir si M. Mulcair et son équipe peuvent défendre cela au Canada anglais.

Pour la plupart des QuébécoisEs la « question nationale » est un enjeu complexe et nuancé. Leurs choix ne sont pas noirs et blancs, on y trouve des nuances de gris. C’est le respecté humoriste Yvon Deschamps qui disait il y a bien des années, qu’il voulait « Un Québec indépendant dans un Canada fort et uni ». Beaucoup de QuébécoisEs ne répugnent pas à vivre dans le paradoxe.

Pour la majorité des CanadienNEs anglaisEs cette affaire est vraiment noire et blanche et extrêmement épuisante. Il se peut bien qu’ils et elles refusent d’examiner plus profondément la position du NPD, sa stratégie pour faire face à un éventuel référendum. Elle pose au Parti et à son chef un sérieux défi de communication.

Ce défi se double de celui que lui impose leur volonté de continuer à être respecté par les francophones du Québec et d’être perçu comme le parti qui s’est battu pour les enjeux les plus importants et a défendu les intérêts et les visions du Québec.


[1C.f. le blogue de Ken Nerenberg de février 2013, Why Does NPD…..

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