Édition du 19 novembre 2024

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Libre-échange

L’Allemagne se lève contre CETA, le traité de libre échange avec le Canada

En Allemagne et en Autriche, de grandes manifestations ont eu lieu samedi 17 septembre contre les traités de libre échange que veut signer l’Union européenne. En ligne de mire : le CETA, accord avec le Canada, qui pourrait être validé en octobre.

Tiré de Reporterre.

Les banderoles brandies pendant les manifestations de samedi 17 septembre contre les traités transatlantiques en Allemagne ressemblaient à s’y méprendre à celles des précédentes mobilisations. Même graphisme, mêmes couleurs. Un détail pourtant a changé : le CETA a remplacé le TAFTA dans la hiérarchie des projets à combattre. Le CETA ? Canada-EU Trade Agreement, en français Accord Économique et Commercial Global (AECG).

Dans les sept grandes villes où se sont déroulés les cortèges (Berlin, Munich, Leipzig, Stuttgart, Hambourg, Cologne, Francfort) ainsi qu’à Vienne, en Autriche, l’impression était la même : l’accord de libre-échange entre l’Union européenne et le Canada est devenu la nouvelle cible, depuis que les négociations sur son cousin américano-européen TAFTA ont du plomb dans l’aile.

Samedi, entre 188.000 et 320.000 opposants ont repris des slogans tels que “Seules les grandes entreprises aiment CETA” ou “CETA c’est du bidon, arrêtez les négociations !”. Le nombre de manifestants a dépassé celui du défilé géant du 10 octobre 2015. (https://reporterre.net/Les-citoyens-allemands-vent-debout-contre-le-traite-Tafta)

Signe de la défiance qu’il suscite, le traité CETA est traîné devant les tribunaux par la plus grande action groupée en justice de l’histoire de l’Allemagne. Plus de 125.000 personnes ont déposé plainte, il y a trois semaines, auprès de la Cour constitutionnelle. Ils remettent en cause la compatibilité de certaines dispositions avec la Loi fondamentale allemande mais aussi sa procédure de validation : le traité pourrait entrer provisoirement en vigueur, avant même que les parlements nationaux ne se soient prononcés.

Signé en septembre 2014, le traité entre l’Union européenne et le Canada était passé jusqu’ici plutôt inaperçu. Il comporte pourtant les mêmes dispositions controversées que le TAFTA. Pour l’association Campact, l’une des organisatrices de la journée de mobilisation de samedi, “les deux traités instaurent une justice parallèle favorable aux grandes entreprises, ils représentent un danger pour la démocratie, pour les normes sociales et environnementales et les services d’intérêt général. Ils doivent tous les deux être stoppés. CETA, c’est TAFTA qui revient par la fenêtre.”

Si les négociations ont abouti, c’est parce que les Canadiens ont fait plus de concessions que les Américains, notamment sur l’accès à leurs marchés publics et sur la question des indications géographiques protégées. Mais l’esprit reste le même : par exemple, le principe de précaution n’est pas mentionné dans le texte, alors que le Canada est le troisième producteur mondial d’OGM. CETA prévoit également l’instauration du fameux tribunal d’arbitrage spécial qui permet aux investisseurs de poursuivre des Etats s’ils légifèrent contre leurs intérêts. Les entreprises américaines présentes à la fois en Europe et au Canada pourraient ainsi elles aussi en bénéficier, sans attendre l’aboutissement des négociations du TAFTA.

Déjà mis en place dans le cadre de l’Accord de libre-échange nord-américain (ALENA), ces tribunaux d’arbitrage ont pointé les dérives auxquelles CETA et TAFTA pourraient mener : au début de l’année, un géant canadien de l’exploitation des sables bitumineux, a attaqué l’administration Obama (https://reporterre.net/La-plainte-de-TransCanada-contre-les-Etats-Unis-illustre-ce-que-pourrait) parce qu’elle avait rejeté le projet d’oléoduc Keystone XL, reliant la province de l’Alberta au golfe du Mexique, au nom de la protection de l’environnement. TransCanada réclame aux Etats-Unis 15 milliards de dollars (13,6 milliards d’euros) d’indemnisation.

Le traité CETA doit être paraphé par les dirigeants européens le 27 octobre prochain lors d’un sommet à Bruxelles, avant d’être soumis au vote du Parlement européen et à la ratification des pays membres en 2017.

Une procédure que les opposants comptent bien faire échouer après la forte mobilisation du week-end. La démonstration de force était destinée avant tout aux 235 délégués du SPD, le parti social-démocrate allemand : réunis en convention à huis-clos ce lundi, ils n’ont rien de moins que l’avenir de CETA entre leurs mains. S’ils rejettent le texte aujourd’hui, ils pourront bloquer sa ratification lors du passage devant le Parlement allemand, en s’alliant aux écologistes et à la gauche radicale.

L’issue de la convention est cependant très incertaine : les socio-démocrates se déchirent sur la question et le vice-chancelier allemand, Sigmar Gabriel, est un ardent promoteur de l’accord de libre-échange avec le Canada.

Violette Bonnebas

Auteure pour le site Reporterre (France).

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