Indépendance sera-t-elle à l’ordre du jour des élections de 2018 ?
Pour Jean-François Lisée, la lutte pour l’indépendance ne sera pas à l’ordre du jour aux prochaines élections. Lors de ces élections, le PQ doit se mobiliser pour permettre à la population du Québec de se débarrasser du gouvernement Couillard. Pour ce faire, il a rappelé tout à fait clairement qu’il est nécessaire de mettre de côté la tenue d’un référendum dans un premier mandat. Selon Lisée, si on en parle, non seulement le PQ risque de perdre les élections et de de devenir le 3e parti à l’Assemblée nationale. Il faut enlever aux fédéraux tout argument qui pourrait barrer la route au PQ afin d’avoir le maximum de députés indépendantistes. Les Québécois-e-s, affirme-t-il, ne veulent pas d’un tel référendum.
Paul Saint-Pierre Plamondon veut lui aussi écarter la tenue d’un référendum dans un premier mandat. En revanche, lors d’un second mandat, il instaurerait un registre qui entraînerait le déclenchement d’une démarche référendaire, à la condition d’y recueillir les signatures de 20 % de la population, soit 1,2 million de personnes. Pour lui aussi, la feuille de route pour l’indépendance est un questionnement prématuré.
Pour Alexandre Cloutier, le PQ est d’abord et avant tout une forme de convergence, mais il trouve intéressant que les débats se poursuivent au OUI-Québec pour nourrir un esprit d’ouverture et de collaboration entre les partis politiques indépendantistes. C’est même la fonction essentielle des débats qui s’y tiendront. Car, et il l’affirme ouvertement, il ne se sentira pas lié par les conclusions d’un débat sur la feuille de route. En fait, le véritable lieu de débat, ce seront les 8 chantiers qu’il propose de mettre en place dès le mois d’octobre 2016 s’il est élu chef du Parti québécois. Et ces chantiers déposeront leurs conclusions au Conseil national du PQ six mois avant les élections qui décidera si le PQ tiendra ou non un référendum dans un premier mandat. Ce sont les délégué-e-s au Conseil national qui auront à trancher sur la suite des choses en ce qui concerne la place de l’indépendance dans le discours et la pratique du Parti québécois. Il est évident que la discussion de fond avec le Parti québécois ne se fera pas sous l’égide du OUI-Québec.
Martine Ouellet soutient pour sa part que sans un engagement clair et précis du PQ sur la perspective de la lutte pour l’indépendance durant un premier mandat, la perspective d’une convergence n’est même pas envisageable avec Québec solidaire. Dans l’hypothèse hautement probable où Martine Ouellet n’accède pas à la direction du PQ, l’indépendance sera essentiellement discutée dans le cadre du PQ et de son Conseil national autour de la question suivante : la tenue d’un référendum peut-il aider ou nuire aux performances électorales du PQ dans les prochaines élections ?
Tout ce discours traduit l’idée que le PQ n’a pas besoin d’une entente réelle avec QS, l’idée de rapprochement suffira à attirer ses sympathisant-e-s. D’ailleurs avec ses chantiers, Cloutier a l’intention de lancer ses propres lieux de discussion où il souhaite entraîner la participation de la société civile et ainsi paver la voie aux élections de 2018. La feuille de route est un accessoire intéressant, mais tout à fait secondaire dans la perspective qu’il avance.
La stratégie de Lisée va dans le même sens, mais il l’affirme avec plus de clarté. : même si les cadres supérieurs de QS pensent qu’on est tous des néo-libéraux, les électeurs et électrices de QS croient que la meilleure chose à faire c’est de se débarrasser de Couillard et c’est sur quoi il faut compter et c’est ce qui va être notre force si le nouveau chef du PQ dit que c’est de ça dont on parle.
En somme, penser que le « dialogue » avec le PQ se fera dans le cadre du OUI-Québec, c’est s’engager dans une impasse qui ne nous mène nulle part. En fait, non seulement les débats avec le PQ devant la population du Québec ne peut pas se faire dans le OUI-Québec, mais la tâche politique de l’heure en ce qui concerne l’indépendance, ce n’est pas de tenir des débats semi-privés dans le OUI-Québec avec des militant-e-s péquistes œuvrant dans les organisations nationalistes sur la stratégie d’accession à l’indépendance. D’autant plus que ces débats resteront sans aucun impact sur la population du Québec et sur l’orientation du Parti québécois lui-même. Le débat de Jonquière a fait la démonstration que les dirigeant-e-s péquistes sont bien conscients des vrais enjeux et des réels lieux de débats.
Convergence des membres des autres partis indépendantistes – derrière le PQ
La convergence avec Québec solidaire, Jean-François Lisée la voit se concrétiser par la mise en place d’une plate-forme sur certaines revendications (15$ de l’heure, réinvestissement en éducation, opposition au pipeline d’Energie Est, définition d’une laïcité québécoise authentique...). Cette plate-forme n’est d’ailleurs pas pour lui, la base d’une entente avec Québec solidaire comme parti, mais viserait à convaincre les membres (et les électeurs et électrices de Québec solidaire) à voter pour le Parti québécois, seul parti capable de défaire Couillard. Cette plate-forme devra d’ailleurs avancer des éléments qui permettront non pas de nouer une alliance avec la CAQ, mais véhiculer des thèmes qui pourront avoir une force d’attraction sur les bases de ce parti...
Pour ce qui est de la convergence, Paul Saint-Pierre Plamondon reprend, en fait, une argumentation de la même eau que Jean-François Lisée. Encore plus tranchant, il ajoute que la convergence, ce n’est que dans le Parti québécois qu’elle pourra se réalisera et cela ne sera possible que si le PQ peaufine sa rhétorique sociale-démocrate dans une version assez droitière. Il défend sans gêne que le Rapport Godbout sur la fiscalité est un rapport social-démocrate. Cherchez l’erreur. La démarche de Cloutier s’inscrit dans la même logique.
À l’approche des élections, le Parti québécois va se battre pour imposer la logique du vote stratégique, soit voter pour le Parti qui a le plus de chance de déloger le gouvernement Couillard. Nous nous opposons à une telle manœuvre que la rhétorique sur la convergence ne sert qu’à masquer. Nous ne pouvons pas nous payer le luxe de l’ambiguïté. Québec solidaire doit expliquer à la population du Québec pourquoi il écarte radicalement l’hypothèse de se définir comme une force d’appoint œuvrant à la réélection du Parti québécois. Ce Parti, il l’a démontré à plusieurs reprises, est un parti incapable de s’opposer aux forces de l’oligarchie économique. Il n’a pas été bâti pour ça. Chaque fois qu’il est au pouvoir, il se rend aux desiderata de la classe dominante. C’est manquer complètement de mémoire que de lui prêter un quelconque appui. Envisager de mettre sur la table une base minimale de gouvernance ( mode de scrutin, de refus de l’austérité, de sortie du pétrole, de refus des politiques identitaires) ne fera qu’enfermer Québec solidaire dans la logique du vote stratégique. Une fois rejetée la perspective indépendantiste, les débats sur la feuille de route ne seront plus à l’ordre du jour. Ce qui sera à l’ordre du jour, c’est l’alliance pour battre Couillard, comme l’envisage déjà le OUI- Québec dans une éventuelle phase 2 qui risque de se concrétiser rapidement après l’élection du chef au début octobre.
Les défis de Québec solidaire
Nous l’avons écrit à maintes reprises, la stratégie péquiste ne vise pas à faire des alliances électorales réelles et aucun des candidats à la direction du PQ n’a cette intention à l’exception de Martine Ouellet qui développe une autre stratégie. En réalité, le débat ne porte même plus sur l’utilisation du véhicule que représente la feuille de route du Oui Québec, intéressante, mais marginale pour le PQ on le voit bien, mais sur la stratégie pour gagner les élections de 2018.
La tâche stratégique de l’heure pour Québec solidaire c’est de lutter pour une majorité indépendantiste en expliquant la dimension indépendantiste des luttes sociales et environnementales. Il s’agit de démontrer au coeur même de la lutte contre le projet Energie Est que cette lutte concrétise l’aspiration à la souveraineté populaire sur le territoire du Québec. Il s’agit de souligner que la lutte contre les traités de libre-échange manifeste la volonté de développer la souveraineté du peuple québécois ses institutions publiques et son refus de leur privatisation. Il s’agit de rappeler que la lutte contre l’austérité, qu’hier encore on menait contre un gouvernement péquiste, passe par la construction d’une vaste alliance des mouvements syndicaux, populaires, féministes et jeunes et non par la construction d’un bloc national dans lequel Québec solidaire serait appelé à jouer un rôle de faire-valoir du Parti québécois.
Québec solidaire débattra à son prochain Conseil National des questions liées aux alliances, électorales ou sociales et militantes, mais devra trancher uniquement sur la participation ou non au cheminement de la feuille de route du Oui Québec. La question des alliances devra être traitée dans un prochain congrès. Il nous semble important dans cette perspective de prendre acte de la réalité de la situation politique. Le Parti québécois traverse une crise d’orientation stratégique, crise ouverte par sa défaite électorale de 2014 liée à son orientation identitaire qui a fermé la porte à toute perspective de gagner un référendum sous sa gouverne. Il traverse également et c’en est la conséquence logique, une crise de leadership politique qui s’est manifestée de façon intense durant la présente course à la direction.
Le débat à Québec solidaire ne peut donc se limiter au choix d’une bonne posture pour une stratégie de communication visant à protéger une image d’ouverture. Il doit obligatoirement traiter du fond de la question. Dans tous les cas, c’est la pression au vote stratégique pour battre les libéraux qu’il s’agira de contrer. Les prétendants et prétendante à la direction du PQ nous font un portrait surréaliste du PQ qui ne se distinguerait pas réellement de Québec solidaire tant pour ce qui est des valeurs que des choix politiques évacuant totalement le bilan de leurs politiques anti sociales et d’austérité lorsqu’ils étaient au pouvoir.
Nous avons cependant vécu l’alternance des Libéraux et du PQ avec les mêmes politiques d’austérité. Le besoin réel pour la population du Québec, c’est de se mobiliser de façon large et unitaire contre les politiques néolibérales et d’élire un parti politique qui défendra ses intérêts et pas ceux de l’oligarchie dirigeante. La souveraineté ne pourra se réaliser que si elle correspond à une perspective de réappropriation de nos terres, de nos ressources naturelles, de l’eau, de nos mines et de nos forêts et du contrôle de la population sur ses richesses. Indépendance et projet de société sont inséparables. Et cette perspective Québec solidaire est le seul à la porter.