Jordy Cummings, jacobinmag.org, septembre 2016,
La longue tradition de seigneur de la guerre du Canada constitue un problème. Il est un fournisseur d’armes pour n’importe qui capable de payer. En ce moment, il est le deuxième plus grand vendeur d’armes au Proche-Orient. John Bellii, fait une liste (des pays acheteur) d’armes canadiennes : l’Arabie saoudite, le Nigéria, les Philippines, le Mexique, la Thaïlande, la Colombie, le Pérou et la Turquie. Ils achètent des armes à des compagnies canadiennes ou à de puissantes filiales canadiennes de multinationales.
« Sunny Ways »iii ! Justin Trudeau se déclare féministe. Pourtant il vend des armes aux gouvernements les plus vicieux et misogynes du monde. Il déplore le traitement des droits humains en Chine mais ne dit rien de ce qui se passe en Arabie saoudite.
Comme M. Bell le démontre, les vendeurs d’armes canadiens ont vu leur liberté augmenter sous le gouvernement Trudeau. Les lois antérieures interdisaient l’exportation des armes quand elles pouvaient : « être mal utilisées pour finalement menacer la sécurité du Canada, de ses alliés ou d’autres pays ou peuples ». Ce libellé a empêché le gouvernement Harper de permettre la vente d’armes à certains pays dont l’Arabie saoudite impliquée dans des massacres de civils-es au Yémen et à Bahrayn.
Le gouvernement Trudeau et son entourage ont éliminé les mots : « autres pays ou peuples » pour les remplacer par « civils-es » ce qui affaiblit l’interdiction faite aux canadiens-nes de développer des marchés internationaux. Ces changements n’ont soulevé aucune opposition de la part de qui que ce soit. Aucune campagne, aucun mouvement pour la paix, même pas une intervention pour la forme de la part du NPD ou des libéraux qui traditionnellement s’opposaient au rôle du Canada en tant que vendeur d’armes, n’est apparue. Preuve de l’habileté de M. Trudeau et de son équipe à fabriquer le consentement.
Traditionnellement, les Libéraux ont appliqué une politique équilibrée par rapport à l’occupation de la Palestine par Israël. Ceux et celles qui détestaient Pierre E. Trudeau à cause de cela n’en feront pas autant avec son fils.
En février 2016, le Parti conservateur a déposé une proposition qui condamnait la campagne BDS (Boycott, Divestment and Sanctions)iv. Ce mouvement était soutenu par M. Trudeau et un vaste secteur de la société mais pas par une poignée de ses collègues du Parti libéral. La proposition des Conservateurs qualifiait le mouvement BDS de « diabolique et sans légitimité », puisque selon eux, il reposait sur des motivations antisémites.
Le lâche chef du NPD, M. Mulcair, a critiqué cette proposition pour atteinte au droit de parole des Canadiens-nes et aux droits des groupes de défense (de diverses causes). Il a comparé avec raison, cette mesure à l’appui que les Libéraux ont donné à l’horrible loi de M. Harper contre le terrorisme. M. Trudeau avait pris une position controversée à ce moment là en déclarant au cours de la campagne électorale, que l’approuver ne voulait pas dire de la garder telle qu’elle.
L’adoption de cette loi contre le mouvement BDS restreint la possibilité pour des enseignants-es, des professeurs-es d’universités et de collèges et tous les autres travailleurs-euses du secteur public dans son ensemble, de poursuivre des engagements qui faisaient partie de leur vie antérieurement. D’ailleurs, une enseignante de Mississauga a été suspendue à cause de son long engagement dans des campagnes de solidarité avec la Palestine.
Pourtant la politique officielle du Canada à l’égard de la Palestine et Israël n’a pas été modifiée. Elle exprime toujours l’opposition du Canada à l’occupation de la Palestine et au mur de séparation. Mais, en pratique, le gouvernement canadien continue à soutenir M. Netanyahu et sa clique.
On trouve une multitude d’exemples de cet ordre où l’esprit belliqueux et l’hypocrisie de M. Trudeau se manifestent.
La différence entre la rhétorique et la réalité des engagements du Canada dans la lutte contre les changements climatiques lors du sommet COP21, est bien documentée. Pour ce qui concerne les oléoducs, le Canada s’est toujours laissé guider par le Parti démocrate américain. Toutefois, l’actuel bas prix du pétrole et les préoccupations des électeurs-trices en matières d’environnement ont empêché un bon nombre de projets conjoints de l’industrie pétrolière d’aller de l’avant , dont le célèbre KeystoneXL.
L’attitude du pays envers les immigrants-es, en particulier leur détention et la torture qu’on leur fait subir, est honteuse. De nombreux rapports font état de décès de migrants, du manque de soins médicaux adéquats qu’ils et elles subissent et qui les mène parfois au suicide. Les protestations populaires se concentrent sur cette réalité en ce moment.
Le Canada a été à la tête des gestes de confrontation avec la Russie. Une centaine de soldats gardiens de la paix ont été déployés en Lettonie à la frontière russe. C’est mettre le pays sur un pied de guerre. Le ministre de la défense, M. Sajjan, a expliqué ainsi cette décision aux journalistes : (il s’agissait de) « donner le bon message à propos de la cohésion dans l’OTAN, de donner confiance aux États membres et d’exposer l’extrême importance du rôle de la dissuasion pour pouvoir revenir à un dialogue responsable ».
Pendant qu’ils nient que nous soyons dans une nouvelle guerre froide, les diplomates canadiens-nes en emploient la langue. Les expressions comme « mesures de réassurances » servent entre autre à conforter l’aile droite du gouvernement ukrainien.
N’oublions pas non plus que le Canada poursuit le déploiement de troupes en Irak. « Sunny Ways » en effet…
Il n’est pas l’ami de la gauche
En ce moment, Justin Trudeau représente tout ce qu’il y a de répréhensible dans les politiques des pays capitalistes avancés. Il est l’avenir des politiques de centre gauche. C’est un courant de pensée que les classes dominantes préférerait parce qu’il privilégie la contradiction entre les tenants de la diversité et ceux qui défendent le peuple « de souche ». Il évacue « socialisme contre capitalisme ». L’aile droite du Parti travailliste du Royaume uni tente désespérément de trouver son propre Trudeau en ce moment pour se débarrasser de J. Corbynv.
Justin Trudeau est bien plus habile qu’Obama à construire l’approbation ; il a pourtant au moins autant de charisme (que lui). Il est meilleur que Mme Clinton sous les deux aspects. (…) Il pense comme Ezra Kleinvi mais parle comme le ventriloque de Malcolm Gladwellvii, de Bonoviii et Richard Bransonix.
Il est devenu Premier ministre du Canada en se plaçant à la gauche du NPD et il gouverne à la droite des Conservateurs. Il se proclame féministe et ne fait rien pour améliorer l’accès aux services de planification familiale et d’avortement dans les provinces maritimes si socialement conservatrices. Il dit que la pauvreté touche plus les femmes que les hommes mais met en place des politiques qui les appauvrissent encore plus au Canada même et ailleurs dans le monde.
Sa prise de position sur la marijuana le rend extrêmement populaire. Il a nommé l’ex chef de la police de Toronto pour mener à bout cette future législation. Pourtant les accusations liées à l’usage de cette drogue n’en finissent pas d’augmenter. Il se dit environnementaliste mais il se joint à Sarah Palin et à sa chanson : « Drill baby, drill » ! Il soutient l’augmentation de l’extraction dans les sables bitumineux de l’Alberta. Il rend bien visible son travail pour refaire la réputation du Canada dans le monde mais il est engagé dans une politique étrangère bien plus agressive que celle de M. Obama dans son deuxième mandat.
Se donner un programme pour combattre celui que Justin Trudeau a adopté pour le pays va exiger un immense effort de réflexion, d’organisation et de volonté de travailler en coalition. Les louanges dont il est l’objet ne s’arrêteront pas d’elles même. Les campagnes du Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes sont un bon point de départ. Mais elles peuvent ne rien donner du tout si, comme le pratiquent les directions du mouvement ouvrier, la génuflexion devant ce gentil mannequin devient le programme. En dehors du Québec, c’est en train de se produire. Et si le NPD compte résoudre le problème en cherchant un chef comme Bernie Sanders ou Jeremy Corbin, il va déchanter ; son état de décrépitude interne l’en empêchera.
Les radicaux et radicales du Canada devraient développer leur pouvoir dans leurs lieux de travail, syndiqués ou non. Il faut renforcer les mouvements pour reconstruire une minorité militante qui puisse organiser de nouvelles bases pour le contre pouvoir.