Andrew Jackson et Scott Sinclair, Canadian Dimension 12 décembre 2024
Traduction, Alexandra Cyr
Nous sommes confrontés à la possibilité que l’ère du libre-échange arrive à sa fin
L’idée que l’ordre économique libéral soit au bord de la faillite est largement répandue au Canada. Cela laisserait le pays seul près du précipice tel un fétu de paille dans une mer de pouvoirs nationaux en compétition.
Il est instructif de se rappeler du grand débat sur le libre-échange avec les États-Unis au milieu des années 1980 dans notre pays. On craignait le protectionnisme américain et cela a provoqué un débat houleux à propos d’un virage à faire faire aux politiques économiques canadiennes en les éloignant de l’interventionnisme pour favoriser le néo libélarisme.
Les critiques de l’entente, comme les économistes de l’Université de Toronto Mrs Steven Clarkson et Mel Watkins ont soutenu, que le prix à payer pour la perte de notre souveraineté économique, ne valait pas le coût car les États-Unis ne se soumettraient jamais aux règles introduites. Le multilatéralisme tel que porté par l’accord sur les droits de douanes et le commerce (maintenant l’Organisation mondiale du commerce, OMC) n’était pas parfaite mais elle a quand même tempéré les pires formes du protectionnisme américain.
Longtemps avant que D. Trump soit élu, la gestion américaine du commerce avec le Canada, menaçait d’invoquer unilatéralement des exemptions en regard de sa sécurité nationale quand elle le trouverait nécessaire, dans des secteurs sensibles comme le bois d’œuvre. Ce fut le cas à la fois sous l’administration Trump et Biden qui ont rejeté le processus de règlement de l’OMC.
Rétrospectivement, on constate que les règles les plus louangées de la base du système commercial étaient pleines de trous et ce n’est pas près de changer.
Chaque crise comporte des opportunités. Durant les années 1980 la droite canadienne a vite compris que le protectionnisme américain était un moyen de promouvoir son propre programme politique. Le commentaire de Rudyard Griffiths et Sean Speer, publié sur The Hub, est particulièrement intéressant. Ces messieurs sont d’anciens conseillers de Steven Harper.
Ils soutiennent avec conviction que le Canada doit reconnaitre que les intentions de D.Trump de démanteler la production canadienne et éliminer les emplois s’y attachant, sont sérieuses. Ils proposent que le gouvernement réponde de manière préemptive en renforçant la compétitivité à long terme du capital canadien. La liste de recommandations politiques est trop familière : baisse drastique des taxes et impôts des entreprises, se débarrasser de l’augmentation des taxes sur les gains en capital, la dérégulation de toutes les entreprises, une diminution significative des règles et révisions en environnement et la fin du système de quotas en agriculture.
Dans la même veine, les grandes organisations d’affaire, notablement le Business Council of Canada, demandent une augmentation de l’extraction des énergies fossiles, le démantèlement des timides plans libéraux envers les changements climatiques, une augmentation significative des dépenses en matière de défense, accrochée à une stratégie de militarisation de l’industrie. De plus discrets appuis vont vers des coupes dans les dépenses pour financer le programme de sécurité tout en réduisant le déficit fédéral et la dette.
Ce que Mrs Griffits et Speer nomment « Plan B » est généralement appuyé par Pierre Poilievre et les Premiers ministres provinciaux conservateurs. Pendant ce temps les Libéraux et le centre-droit semblent croire que D. Trump peut être apaisé par une « Équipe Canada » est des efforts de lobbying pris en main par des élites politiques et corporatives, par une modeste négociation pour des changements à la frontière et pour d’autres irritants.
Pour sa part, le NPD se concentre sur des enjeux à négocier et au mieux plaide pour une modeste redistribution des investissements sociaux, pour un programme de taxation plus juste. Il ignore absolument les problèmes structuraux de l’économie canadienne.
Le grand débat sur nos relations avec les États-Unis remonte à 40 ans. Après l’élection de 1988, quand l’ALÉNA a été mis en place, une majorité de l’électorat soutenait un rôle plus actif des gouvernements dans la structuration du développement économique.
Aujourd’hui, nous sommes sérieusement confrontés.es à la possibilité que la fin du libre-échange soit arrivée et que les ententes existantes soient révoquées ou simplement ignorées. Nous avons un besoin urgent de débattre et développer des alternatives.
Notre bien faible gauche politique doit soulever des sérieuses questions. Que pourrions-nous faire avec des leviers politiques que nous avons abandonnés lors de l’ALÉNA en 1988, comme par exemple, les règles d’approvisionnement en énergie et biens publics, les limites sensibles attachées aux droits de propriété intellectuelle et la régulation des investissements étrangers ? En matière de commerce, quel espace est disponible pour le développement de stratégies économiques plus indépendantes ? Comment le Canada peut-il se positionner dans la compétition entre les États-Unis et la Chine ?
Comme durant la bataille de l’époque pour le libre-échange, la gauche doit combattre la politique d’apaisement des élites d’affaire canadiennes et leurs groupes de réflexion qui ne défendent que leurs intérêts. Une réponse progressiste aux menaces de D. Trump doit mettre l’accent, comme durant la crise de la COVID, sur la solidarité sociale, sur le soutient urgent aux travailleurs.euses et aux industries malmenés.es par les augmentations de droits de douane. En ayant en tête de futures crises, les progressistes doivent aussi considérer ce qu’il faut mettre en place pour une économie nationale plus autonome, résiliente et plus juste qui pourra s’ajuster dans le nouveau désordre mondial.
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