Édition du 17 décembre 2024

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Canada

L’Accord Canada-Chine est une menace à la souveraineté du Canada

La chef du Parti vert du Canada et députée de Saanich-Gulf Islands, Elizabeth May, a dénoncé le geste sans précédent du premier ministre Stephen Harper de ratifier l’Accord sur la promotion et la protection des investissements étrangers Canada-Chine (APIE). La ratification de l’Accord international par le Cabinet a été faite sans débat ou consultation publique.
« Depuis 1867, la souveraineté du Canada n’a jamais été compromise », a affirmé la chef du Parti vert, Elizabeth May. « Cet Accord ne comporte des avantages que pour l’autre pays ; pas pour le Canada. Stephen Harper a engagé le Canada et les gouvernements à venir dans une entente qui nous liera pour un minimum de 31 ans, soit plus d’une génération. »

(tiré du blogue d’Élizabeth May, 15 septembre 2014)

Depuis que le premier ministre du Canada Stephen Harper et son homologue de Chine, Hu Jintao, se sont prêtés à une séance de signature de l’Accord sur la promotion et la protection des investissements étrangers Canada-Chine le 9 septembre 2012 à Vladivostok en Russie, la chef du Parti vert du Canada, Elizabeth May, n’a cessé d’alerter l’opinion publique sur la menace à notre souveraineté d’un pareil Accord.

Adopté par la Chambre des communes le 26 septembre 2012, très discrètement et sans séance technique ou communiqué de presse, l’Accord n’a jamais été soumis à l’examen d’un comité, excepté au Comité sur le commerce, pendant une heure.

Dans un article récent dans le Tyee qui s’intitulait Harper Gov’t ‘Conceded to China’ under Pressure, le professeur agrégé de la Osgoode Hall Law School étalement spécialiste des traités sur les investissements, Gus Van Harten, a déclaré que « l’APIE est essentiellement une entente à sens unique qui ne favorise que la Chine. »

« Signer cet Accord derrière des portes closes, au lieu de le soumettre au Parlement, n’est pas seulement contraire à la démocratie. Il s’agit aussi d’une attaque à la souveraineté même d’un pays », a ajouté le chef adjoint du Parti vert, Bruce Hyer. « Les Conservateurs permettent maintenant à des entrepreneurs chinois de poursuivre en secret devant des tribunaux secrets à propos de lois canadiennes qu’ils n’aiment pas. En fait, Stephen Harper permet à un État étranger de réécrire les lois canadiennes dans le but de protéger ses propres intérêts. »
Andrew Weaver, chef adjoint du Parti vert de la Colombie-Britannique et député de Oak Bay-Gordon Head, s’est dit quant à lui très préoccupé. « Les conséquences de cette décision auront des répercussions sur les provinces. Pourquoi est-ce que le gouvernement fédéral n’a pas consulté les provinces ? Et pourquoi est-ce que le gouvernement de la Colombie-Britannique n’a pas posé les questions difficiles par rapport aux intérêts de la Colombie-Britannique dans cet Accord ?

« Les Néo-Brunswickois veulent savoir pourquoi nos lois peuvent maintenant être soumises à des tribunaux par la République populaire de Chine. Où était le premier ministre ? Est-ce que le Nouveau-Brunswick a même été consulté ? » s’est demandé le chef du Parti vert du Nouveau-Brunswick, David Coon. « La ratification de cet Accord est très troublante. »
« Cet Accord, les Canadiens le regretteront pendant des générations », a conclu Elizabeth May.


Extrait de la fiche d’information sur – les traités investisseur-état

Qu’entend-on par accord investisseur-État ?

Les accords investisseur-État sont parfois associés aux accords de libre-échange ou même confondus avec ces derniers, mais les deux sont différents. Un accord commercial sert à ouvrir des domaines ou des secteurs de l’économie d’un pays pour y donner accès aux pays étrangers. L’accord investisseur-État est différent. Par exemple, le traité d’investissement Canada-Chine n’ouvre pas un nouveau secteur aux échanges commerciaux. La Chine refuse toujours les investissements étrangers dans son secteur de l’énergie – tout en effectuant des acquisitions importantes dans le secteur des entreprises énergétiques canadiennes.

Un accord investisseur-État donne à une entreprise étrangère (un « investisseur ») le droit de réclamer des dommages-intérêts à un pays (un « État ») en arbitrage privé. Il ne s’agit pas d’intenter des poursuites en justice, quoique le terme « actionner » soit souvent utilisé. Il s’agit de demandes de dommages-intérêts soumises à l’arbitrage d’un comité composé de trois avocats spécialisés en arbitrage – souvent, la rencontre a lieu dans une chambre d’un luxueux hôtel quelque part. Le chapitre 11 de l’ALENA a été le tout premier accord investisseur-État. À la fin des années 1990, des efforts ont été déployés par l’entremise de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) en vue d’appliquer les principes du chapitre 11 à l’ensemble des pays industrialisés. La proposition de l’OCDE s’appelait l’Accord multilatéral sur l’investissement (AMI). Dans le cadre de ce qui est considéré comme la première campagne citoyenne internationale réalisée au moyen d’une utilisation efficace d’Internet, l’AMI a été défait. Les partisans de l’AMI se sont alors tournés vers les traités bilatéraux d’investissement. Le traité d’investissement Canada-Chine s’inscrit dans cet effort.

Pour quelle raison les Canadiens devraient-ils se préoccuper des traités investisseur État ?

Une des questions qui a été fréquemment soulevée au cours de la dernière série de rencontres de discussion ouverte que j’ai eues avec mes électeurs, en janvier 2013, est la menace posée par le traité d’investissement entre le Canada et la Chine. Au moment d’écrire ces lignes, le traité n’était toujours pas ratifié. C’est une très bonne nouvelle, mais le traité pourrait être ratifié à tout moment en vertu d’une décision du premier ministre et de son cabinet. S’il est ratifié, le traité liera le Canada et les gouvernements canadiens futurs pendant au moins 31 ans.

Entre-temps, un certain nombre de faits intéressants ont été observés dans divers pays, partout dans le monde, relativement à ce type de traité, souvent appelé Accord de protection et de promotion des investissements étrangers (APIE ou APPIE). L’Australie a effectué récemment une étude des avantages-coûts des traités d’investissement et ces travaux ont démontré que ces traités coûtaient plus cher que ce qu’ils rapportaient. Depuis cette étude, l’Australie a adopté une nouvelle position plus ferme : il a été décidé de ne plus conclure d’autres APIE. De même, l’Inde a elle aussi décidé récemment que non seulement elle rejetterait les nouveaux traités d’investissement mais qu’elle essaierait aussi de renégocier les traités existants qui contiennent des clauses investisseur-État. La nouvelle position adoptée par l’Inde surprendra peut-être le premier ministre étant donné que, pas plus tard que l’automne dernier, Stephen Harper est revenu de l’Inde en déclarant que le Canada était sur le point de conclure un accord investisseur-État avec ce pays. Entre-temps, l’Afrique du Sud est elle aussi en train de réexaminer ses accords investisseur-État ; de plus, selon un rapport international récent, il est clair que les coûts sociaux et financiers liés à ces accords inciteront également d’autres pays à reconsidérer la possibilité de conclure des accords investisseur-État.

Est-ce que ces cas sont portés devant les tribunaux ?

Non ; ils sont soumis à l’arbitrage. Trois avocats internationaux entendent les cas, habituellement dans une chambre d’hôtel, et leurs décisions sont sans appel. Il n’est pas possible de s’adresser à un tribunal canadien avant d’être convoqué en arbitrage.

La notion d’« arbitrage international » peut sembler équitable et neutre, mais la réalité est tout autre. Un rapport récent, Les profiteurs de l’injustice : Comment les cabinets juridiques, les arbitres et les financiers alimentent un boom de l’arbitrage d’investissement, (Corporate Europe Observatory et Transnational Institute, Bruxelles, Amsterdam, novembre 2012), donne des détails inquiétants au sujet du domaine de l’arbitrage mondial.

Le rapport conclut en ces termes :

« Pourtant, au lieu d’agir comme des intermédiaires équitables et neutres, il est devenu clair que le secteur de l’arbitrage a un intérêt naturel à perpétuer un régime d’investissement qui privilégie le droit des investisseurs aux dépens des États souverains et des gouvernements nationaux élus démocratiquement. »

Et voici d’autres constatations contenues dans le rapport :
•« Le nombre de cas d’arbitrage en matière d’investissement […] a bondi lors des deux dernières décennies, passant de 38 cas en 1996 […] à 450 cas investisseur-État connus en 2011. »
•« Les frais de justice et d’arbitrage s’élèvent en moyenne à plus de 8 millions de dollars ($US) par différend investisseur-État, allant dans certains cas jusqu’à dépasser les 30 millions de dollars ($US). »

•« L’élite des cabinets juridiques peut faire payer 1000 $ ($US) par heure […] »
•Les pays pauvres doivent consacrer des ressources rares à des frais juridiques pour se défendre contre des multinationales mondiales. « Par exemple, le gouvernement philippin a dépensé 58 millions de dollars ($US) pour se défendre dans deux affaires contre l’opérateur aéroportuaire allemand Fraport ; somme qui aurait permis de rémunérer 12 500 enseignants pendant un an […] »
•Un petit groupe de juristes internationaux se charge d’une grande partie des cas. « Seuls 15 arbitres […] ont statué sur 55 % de tous les cas connus de différends liés à des traités d’investissement. »
•Ils sont souvent liés aux entreprises qui conseillent aux gouvernements de conclure de tels traités.

Après avoir lu ce rapport, j’ai soulevé la question en Chambre et j’ai avancé que les traités d’investissement internationaux nous livrent en pâture à une bande internationale de profiteurs de conflit. Je crois que la plupart des députés ne saisissent pas bien ce que nous accordons à la République populaire de Chine dans ce traité d’investissement. Or, la décision de le ratifier ne sera pas prise par le Parlement. La premier ministre et son cabinet peuvent décréter sa ratification.

« Quand je me réveille la nuit et que je pense à l’arbitrage, je suis toujours étonné que des États souverains aient accepté l’arbitrage sur les investissements. Trois particuliers se voient confier le pouvoir d’examiner, sans restriction ni procédure d’appel, toutes les actions du gouvernement, toutes les décisions des tribunaux ainsi que toutes les lois et tous les règlements émanant du Parlement. »

Juan Fernández-Armesto, un arbitre de l’Espagne

Pour quelle raison le traité d’investissement Canada-Chine est-il pire que le chapitre 11 de l’ALENA ?

1.Il est possible de se retirer de l’ALENA au moyen d’un préavis écrit de six mois ; le traité d’investissement avec la Chine demeure en vigueur pendant 15 ans. Ce n’est qu’après cette période que le Canada ou la Chine pourra donner un préavis écrit d’un an pour se retirer ; cependant, tous les investissements existants seront maintenus pendant 15 années additionnelles (un « engagement » de 31 ans).

2.Même s’il est ahurissant que des sociétés américaines (ou théoriquement des sociétés mexicaines) puissent déposer des requêtes en dommages-intérêts de plusieurs millions de dollars contre le Canada pour avoir adopté des lois sans aucune intention discriminatoire sur le plan commercial, les « investisseurs » de la Chine ne sont pas des sociétés individuelles. Les entreprises d’État de la République populaire de Chine sont toutes des entités du gouvernement ; les conseils d’administration et les premiers dirigeants sont nommés par le bureau politique du Parti communiste chinois.

3.Aux termes de l’APIE Canada-Chine, chaque processus de requête débute par des efforts diplomatiques déployés pendant six mois en vue de régler le différend. Suivant cette disposition, la partie la plus puissante sur le plan économique, soit la Chine, serait en mesure d’inclure tous ses investissements au Canada dans une menace sérieuse de représailles économiques. Une entreprise américaine ne pourrait pas en faire autant dans le cadre de l’ALENA et, de toute façon, l’ALENA ne prévoit aucun processus diplomatique.

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