1 juin 2023 | tiré de la lettre de l’IRIS
Spirale salaires-inflation : mythe ou réalité ?
Contrairement à ce que soutiennent plusieurs analystes, il est possible d’augmenter les revenus des ménages sans faire exploser les prix. En effet, selon notre scénario le plus pessimiste, une hausse des salaires de 7,3 % sur un an ferait augmenter le niveau des prix au plus de 1,6 % sur trois ans.
« Malgré sa simplicité et son apparente “évidence”, les données recueillies ne confirment pas l’existence d’une spirale salaires-inflation. Ce concept guide pourtant bon nombre de décisions de la Banque du Canada qui demande aujourd’hui aux entreprises et aux gouvernements de ne pas ajuster les salaires à l’inflation », déplore Eve-Lyne Couturier, chercheuse à l’IRIS et co-autrice de la note.
Classe moyenne : perte de pouvoir d’achat équivalant à 3100 $ sur trois ans
Entre avril 2020 et avril 2023, le niveau des prix a augmenté d’environ 75 % de plus que le revenu médian au Québec. De fait, une personne gagnant le revenu médian a vu son pouvoir d’achat diminuer de 6,7 % depuis le début de la pandémie, ce qui correspond environ à un total de 3 100 $. Pourtant, au lieu de favoriser un rattrapage des salaires à la hausse du niveau des prix, la Banque du Canada privilégie un ralentissement de l’économie pour contenir l’inflation future.
« La politique monétaire de la Banque du Canada n’est pas neutre : elle crée des perdants et des gagnants. En choisissant d’augmenter le taux directeur, la Banque du Canada demande aux ménages d’absorber doublement les coûts de la lutte contre l’inflation », souligne Eve-Lyne Couturier.
« Une inflation élevée n’est pas un problème en soi. Elle le devient lorsque les revenus des ménages n’augmentent pas au même rythme que celui du coût de la vie. Ramener la croissance des prix à la cible de 2 % apparaît nettement moins urgent si l’on compense la perte du pouvoir d’achat des ménages en indexant leurs revenus, surtout si une spirale salaires-inflation est hautement improbable », précise Raphaël Langevin, chercheur à l’IRIS et co-auteur de l’étude.
Une stratégie contre-productive et sans vision pour l’avenir
La Banque du Canada, en haussant de manière draconienne son taux directeur, nuit à son propre mandat en créant un climat économique défavorable aux investissements nécessaires à la transition écologique et à la stabilisation des prix à plus long terme. Pourtant, l’explosion du coût des énergies fossiles est responsable à elle seule de 52 % de la surinflation observée entre mars 2020 et août 2022, tandis que 16 % de la surinflation observée au mois de mars dernier est attribuable à la hausse des taux d’intérêts hypothécaires.
« Dans un contexte de lutte aux changements climatiques et de crise du logement, il est plus que jamais pertinent de revoir le mandat de la Banque du Canada et de rediscuter démocratiquement de ses objectifs afin qu’elle serve les intérêts de la population et non principalement ceux des créanciers et des détenteurs de capitaux », rappelle Raphaël Langevin.
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