À titre d’illustration, ce vaste mouvement social se développe à travers la grève du personnel de la santé publique depuis plusieurs mois. En effet, suite à plusieurs décennies de coupures budgétaires, les hôpitaux publics sont réduits à une peau de chagrin. Dépourvus de matériels, les hôpitaux sont délabrés à vue d’œil. Par ailleurs, le salaire des médecins et des autres membres du personnel est réduit de plus de moitié sous l’effet conjugué de l’inflation et de la dévaluation programmée de la monnaie locale. En dépit de l’urgence des revendications de ces travailleurs, le pouvoir public ne s’empresse pas d’entamer des négociations pour rehausser leur salaire, doter les centres hospitaliers publics d’intrants et de matériels nécessaires à leur fonctionnement. La situation demeure stationnaire alors que les pauvres, c’est-à-dire la grande majorité de la population, n’ayant pas les moyens de se procurer des soins dans le privé sont dépourvus d’assistance médicale dans un contexte d’épidémie de choléra et d’insécurité.
Malgré la combativité des syndicats, le même cas de figure se développe dans plusieurs autres domaines de la fonction publique. Dans le secteur de l’éducation, les syndicats sont à leur troisième semaine de grève générale alors que le ministre néoduvaliériste Nesmy Manigat utilise la procédure du dilatoire. Celui-ci se sert de la politique de l’usure pour casser la mobilisation des enseignants. Alors que les enfants des écoles publiques sont privés de cours à l’approche des examens officiels, le gouvernement tarde à entamer des négociations pour répondre aux revendications des syndicats des enseignants. Cette attitude criminelle s’inscrit dans le prolongement de la tradition obscurantiste de l’État bourgeois haïtien notamment dans le cas des gouvernements duvaliéristes et néoduvaliéristes consistant à priver les classes populaires des services et d’infrastructure de base.
En outre, la semaine du 8 mai 2023 a été marquée par la forte mobilisation des travailleurs du secteur industriel. Après avoir présenté leurs revendications dans plusieurs conférences de presse, suivies de manifestations et de grèves d’avertissement, le syndicat Batay Ouvrye (B.O) et ses alliés ont manifesté massivement dans les régions de l’aire métropolitaine pour exiger de meilleures conditions de travail, l’ajustement de leur salaire à la hauteur de l’inflation. Ils réclament 2 500 gourdes comme salaire minimum journalier pour les travailleurs du secteur de la sous-traitance tout en apportant leur appui aux revendications des syndicats de la fonction publique.
La mobilisation a commencé à l’entrée du bâtiment de la Société des parcs industriels (SONAPI) où plusieurs milliers d’ouvriers munis de banderoles et pancartes se sont rassemblés tôt en matinée. Leur espace de travail se transforme symboliquement en lieu de contestation. Avec l’appui de la population, ces travailleurs ont défilé dans les rues de Port-au-Prince en mettant de l’avant leurs revendications. Par le truchement de slogans éloquants et incisifs, ils dénoncent le pillage de leur force travail par les firmes multinationales et les bourgeois locaux dans un contexte de répression syndicale. Ils assimilent au vol les frais prélevés sur leur salaire pour la police d’assurance alors qu’ils n’ont pas droit aux moindres services.
En lançant ce vaste mouvement revendicatif, les syndicats des travailleurs ont déjoué la stratégie du gouvernement de facto consistant à miser sur l’ambiance de terreur instaurée par les gangs criminels pour réduire les classes laborieuses au silence en dépit de la répression économique et politique. Ce réveil a surpris le pouvoir à un point tel qu’il a dû mobiliser les forces policières pour empêcher aux manifestants de se rendre devant la résidence officielle du premier ministre de facto néoduvaliériste Ariel Henri. À plusieurs reprises, les policiers qui sont toujours incapables de neutraliser les gangs, orchestrant plus d’une vingtaine de massacres dans plusieurs régions du pays, se sont révélés efficaces dans la répression des travailleurs. À coup de matraque, de balles létales et de gaz lacrymogènes à bout portant, ils ont blessé et ont procédé à l’arrestation arbitraire de plusieurs manifestantes.
Solidaire à la lutte des travailleurs haïtiens, le REHMONCO dénonce et condamne la répression sanguinaire de la police contre les manifestants. Il réclame la libération sans condition des travailleurs et travailleuses arrêtés. Une fois de plus, le gouvernement néoduvaliériste d’Ariel Henri s’est mis du coté de la bourgeoisie haïtienne et des firmes multinationales qui exploitent les travailleurs dans les ateliers de misère du parc industriel à Port-au-Prince et dans les autres villes du pays.
Le REHMONCO en profite pour lancer un appel de solidarité aux classes laborieuses du Canada, aux plateformes syndicales de l’Amérique du sud et des caraïbes à la lutte des travailleurs haïtiens.
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