Depuis la réouverture des classes le 3 aout 2020 après la levée des mesures officielles de confinement, les syndicats des travailleur.e.s du milieu scolaire revendiquent de meilleures conditions de travail et le paiement de plusieurs mois d’arriérés de salaire. La réponse de l’État ne se fait pas attendre. Les syndicalistes sont traqué.e.s de toutes parts. Les membres et dirigeant.e.s sont arbitrairement renvoyé.e.s ou contraint.e.s à travailler dans des districts scolaires éloignés de leur lieu de résidence. D’autres sont à la fois poursuivi.e.s par la « justice » et menacé.e.s de mort par les gangs criminels à la solde du pouvoir et de l’oligarchie. C’est le cas par exemple des syndicalistes Josué Mérilien, coordonnateur de l’Union nationale des normalien.ne.s haitien.ne.s (UNNOH), Rose Magalie Georges de la Confédération nationale des enseignantes et enseignants d’Haïti (Cneh) et Georges Wilbert Franck de l’Union nationale des normaliennes et normaliens, éducatrices et éducateurs d’Haïti (Unnoeh). Même la manifestation des élèves réclamant de meilleures conditions d’apprentissage est sauvagement réprimée par des forces spécialisées de la police. Le lâche assassinat de l’étudiant Grégory Saint-Hilaire au sein même de l’École normale supérieure est encore la preuve de l’ensauvagement du pouvoir.
Par ailleurs, les travailleur.e.s des usines de textile sont non seulement soumis à la plus brutale répression policière et à des attaques des gangs fédérées, mais ils/elles sont également assujetti.e.s à un double mécanisme de dépossession et d’exploitation. D’une part, leur salaire n’est pas ajusté à l’inflation galopante entrainant une perte de près de 50% de leur pouvoir d’achat au cours des 10 dernières années. D’autre part, les patrons prélèvent des frais d’assurance à la hauteur de 3% de leur salaire depuis plusieurs années alors que ces travailleurs ne jouissent véritablement d’aucune couverture d’assurance. Dans les faits, les patrons gardent sans scrupules l’argent prélevé du salaire des ouvrier.ères au lieu de le verser à la compagnie d’assurance. Ainsi, les ouvriers et ouvrières sont nombreux à se voir refuser tout accès aux soins médicaux. Un vol inqualifiable, surtout dans un secteur où persiste un salaire de misère !
Le cas de Sandra René, dernière victime en date de l’escroquerie du patronat, est éloquent. Elle a travaillé pendant près d’une décennie à Palm Apparel S.A., une usine de fabrication de T-shirt pour la marque américaine Guildan en Haïti. Chaque quinzaine, son patron a prélevé des frais d’assurance de son salaire. Enceinte de 6 mois, Sandra René est morte suite au refus des hôpitaux de la soigner parce que son patron n’avait pas véritablement transféré les cotisations prélevées de son salaire à l’assureur. L’État haïtien rend possible cette injustice abjecte et se sert de tout son appareil répressif pour faciliter l’exploitation de la main d’œuvre par les capitalistes locaux et internationaux.
Ce processus d’exploitation et de dépossession des travailleurs n’est pas une spécificité de l’État haïtien ; il constitue une caractéristique des États capitalistes en général. Les bourgeois ont la protection de l’État pour sucer le sang des travailleur.es. Dans le cas d’Haïti, il met en branle sa police et ses « gangs fédérées » pour réprimer toute forme de revendication des travailleurs. Cette répression ne s’effectue pas uniquement dans le lieu du travail, elle s’étend également dans les quartiers où habitent les travailleurs et leurs familles. Là, elle prend la forme la plus brutale. À l’instar d’un film d’horreur, les femmes, les enfants et les vieillards sont déchiquetés sous la mitraille des armes automatiques des gangs fédérées. De surcroit, le viol collectif contre les femmes se transforme en politique d’État.
Pour garantir l’exploitation de la main d’œuvre, les États capitalistes des pays du centre soutiennent à bout de bras l’État haïtien. Au cours des trois dernières années, les États-Unis ont doublé le budget alloué aux forces répressives en Haïti. Le Canada et l’Union européenne ont agi dans le même sens. L’intervention de la BID (Banque Interaméricaine de Développement) est encore plus significative puisqu’elle a consacré quarante millions de dollars en appui aux quartiers qui sont contrôlés par les gangs fédérés.
Ce soutien des États capitalistes du centre à l’oligarchie et à l’État haïtiens s’étend également au maintien des structures de gouvernance. L’ambassade américaine et le Bureau intégré des Nations Unies en Haïti (BINUH) interviennent directement dans la préparation du conseil électoral et l’élaboration d’une nouvelle constitution plus adaptée au besoin d’exploitation et de pillage des ressources du pays. Cela rappelle les années d’occupation américaine (1915-1934) au cours de laquelle l’occupant, à travers son chargé de mission Franklin Delano Roosevelt, rédigea une constitution pour Haïti, qui répondait mieux à ses intérêts politiques et économiques.
À l’ère de l’impérialisme, l’alliance des capitalistes pour perpétuer l’exploitation des travailleur.e.s n’est plus à démontrer. Elle transcende les barrières géographiques. En conséquence, l’émancipation des travailleur.e.s haïtien.n.es ne constitue pas un enjeu local et isolé. Cette lutte contre les capitalistes en Haïti mérite d’être articulée tant à la construction du leadership des travailleurs des autres pays de la Caraïbe que des pays du centre. De ce fait, nous soutenons la construction d’un leadership commun des travailleur.e.s hatitien.e.s en articulation tant avec la lutte des travailleur.e.s se trouvant à la périphérie qu’au cœur de l’économie capitaliste.
Face au capitalisme mondialisé, mondialisons la lutte !
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