– Au mieux, des augmentations équivalentes à l’inflation, sauf pour les jeunes enseignants et les préposés aux bénéficiaires.
– Les surplus budgétaires « n’appartiennent pas aux syndicats » et seront utilisés pour baisser les impôts, et non pour améliorer les conditions de travail des salariés de l’État.
Qu’est-ce que nous indique cette déclaration pour les négociations à venir ?
Je vous propose de l’analyser en quatre points :
1- Opposer des baisses d’impôt et une augmentation de salaire pour les travailleurs du secteur public
La stratégie du premier ministre est limpide. Il opposera les baisses d’impôt qu’il a promises à la population aux augmentations de salaire offertes au personnel des services publics. Il est probable qu’il commencera par annoncer une partie de ces baisses d’impôt lors d’une prochaine mise à jour économique afin de réduire d’autant le surplus budgétaire et d’augmenter les attentes de la population. De plus, durant la négociation, il laissera entendre que toute demande supplémentaire à ce qu’il avait annoncé (l’inflation) mettra en danger les baisses d’impôt prévues. Si cette stratégie fonctionne, cela limitera la solidarité de la population envers les salariés du secteur public.
Cependant, la stratégie employée par François Legault a pour conséquence, malgré lui, d’établir un plancher de négociation. Les syndicats du secteur public vont considérer qu’il s’agit d’un point de départ pour les négociations à venir. Les nombreuses déclarations du premier ministre concernant son souhait de créer des « jobs payantes » viennent aussi renforcer l’idée qu’il devrait faire preuve d’un minimum de cohérence à propos des salaires de la fonction publique.
Tout le monde comprend que François Legault doit tenter de remplir ses promesses électorales. Toutefois, le premier ministre sera également jugé sur ses valeurs en tant que plus grand employeur du Québec. Étant donné la rareté actuelle de la main-d’œuvre, s’il s’accroche à l’idée de n’offrir que l’inflation aux travailleuses et travailleurs de l’État alors que tous les autres secteurs de l’économie sont beaucoup plus généreux, il paraîtra « déconnecté ».
2- La CAQ semble utiliser les stéréotypes négatifs envers les fonctionnaires pour entamer les négociations du secteur public
En affirmant que « les surplus n’appartiennent pas aux syndicats », François Legault cherche à agiter le populisme anti-fonctionnaires. En s’appuyant sur les vieux préjugés véhiculés par la droite envers les employés de la fonction publique et en maintenant une posture de fermeté lors des négociations, la CAQ tentera probablement de mobiliser son aile droite. Ce truc est vieux comme le monde, mais il semble malheureusement que le nouveau gouvernement imitera ses prédécesseurs sur cet aspect.
3- Christian Dubé sera-t-il le porte-parole de la négociation pour le Gouvernement ?
En prenant très tôt la parole pour fixer les termes de la négociation, François Legault lance le signal qu’il souhaite être à l’avant-scène de la négociation.
D’autres gouvernements avant celui-ci ont confié au président du Conseil du trésor le rôle de porter la voix du gouvernement lors des négociations du secteur public et d’affronter la tempête. Cette fois, c’est le premier ministre lui-même qui s’affiche comme étant l’interlocuteur public.
François Legault a ainsi choisi de renforcer sa position de négociation en utilisant sa popularité personnelle. Il s’agit là d’un pari risqué. Si les négociations s’enveniment, il ne restera personne au-dessus des tables de négociation pouvant intervenir comme médiateur et trouver un compromis.
4- Des augmentations différentes pour différents groupes de salariés
À ce jour, plusieurs ministres du Gouvernement ont évoqué publiquement la nécessité d’augmenter les conditions de travail de certains employés de leur ministère en raison du contexte de rareté de main-d’œuvre, notamment du côté du secteur des technologies de l’information et du ministère des Transports.
François Legault, de son côté, semble avoir tranché la question en indiquant que seuls les préposés aux bénéficiaires et les enseignants pourraient bénéficier de la générosité du Gouvernement. Nous ne savons toujours pas comment le Gouvernement entend procéder pour assurer sa capacité à retenir son personnel tout en respectant la Loi sur l’équité salariale ainsi que l’exercice de relativité qui a été réalisé à la dernière négociation.
Les interventions du premier ministre, alors que la négociation n’a même pas commencé, sont inquiétantes. Il semble n’avoir aucune considération pour le contexte actuel de rareté de la main-d’œuvre. Il n’a pas non plus pris le temps d’exprimer de la considération pour son personnel. Cela souligne l’importance de poursuivre la préparation rigoureuse que le SFPQ a lancée il y a déjà plusieurs mois en vue des négociations à venir. Nous espérons, bien sûr, une négociation courte, s’il le faut, nous sommes prêts à lui faire face, et ce, aussi longtemps qu’il le faudra.
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