3 ans plus tard, la Charte québécoise des droits et libertés de la personne était adoptée à l’unanimité par l’Assemblée nationale du Québec le 27 juin 1975. Avec la Charte de la langue française, elle constitue la base de nos valeurs québécoises communes, de notre État de droit moderne, et la garantie de notre vivre-ensemble dont la qualité était jusqu’à récemment reconnue et enviée à travers le monde.
En modifiant notre Charte avec une simple majorité, et en utilisant préventivement la clause dérogatoire pour sa loi sur la laïcité de l’État, le gouvernement de François Legault joue à l’apprenti sorcier avec l’État de droit et le vivre-ensemble dans nos milieux de travail et la société québécoise.
L’absence de réaction de la FTQ est inquiétante, alors même qu’il s’agit d’un cheval de Troie antisyndical (notamment son article 16). Est-il désormais légitime, selon la FTQ, de restreindre les droits fondamentaux sans faire la démonstration d’un motif raisonnable et urgent, d’un intérêt supérieur qui justifieraient des discriminations ?
Les statuts de la FTQ stipulent clairement que « la Fédération se propose les fins et les moyens d’action suivants ; c) travailler à l’expansion du syndicalisme, de manière à faire bénéficier l’ensemble des travailleurs et travailleuses de son action ; d) combattre toute forme de discrimination pour des raisons de race, de couleur, de sexe, de grossesse, d’orientation sexuelle, de l’identité ou de l’expression de genre, d’état civil, d’âge sauf dans les mesures prévues par la loi, de religion, convictions politiques, de langue, d’origine ethnique ou nationale, de condition sociale, ou de handicap ou l’utilisation d’un moyen pour pallier ce handicap ».
La FTQ aurait donc dû au minimum s’opposer aux dangereux précédents historiques contenus dans cette loi, car il s’agit tout simplement de son mandat.
Plutôt que de remplir son devoir, la FTQ a choisi la politique de la chaise vide : elle a ignoré les appels de la société civile à son encontre, et a refusé une invitation en commission parlementaire. Pratiquer une telle politique et tourner le dos aux droits fondamentaux, notamment ceux des femmes, pour espérer s’acheter la paix syndicale, est incompréhensible.
Quand d’autres droits fondamentaux seront attaqués (pensons à la loi Right to work que Jason Kenney s’apprête à faire voter en Alberta), la FTQ se taira-t-elle à nouveau ? Est-elle en train de suggérer que certains droits fondamentaux valent plus que d’autres ? Quelle crédibilité reste-t-il à la FTQ pour donner des leçons de Droit et d’irrespect des traités internationaux ?
Camarades, il n’est jamais trop tard pour être du bon bord de l’histoire, du côté d’un État de droit équilibré, entre pouvoirs législatif et judiciaire. La FTQ peut encore, lors de son prochain Congrès triennal de novembre 2019, retrouver le courage politique, et honorer son héritage et ses valeurs en s’opposant – non pas à la laïcité de l’État avec laquelle tout le monde est d’accord (à condition qu’elle ne soit pas inéquitable comme actuellement) – mais à l’utilisation préventive de la clause dérogatoire et la modification sans unanimité de notre Charte.
Sinon, cela instaurera pour longtemps un recul des droits injustifiable, une faute politique historique et une grave crise de confiance au sein de la plus grande centrale syndicale du Québec. Et la CAQ aura réussi à nous diviser. Soyons des personnes fortes et courageuses face à la CAQ, et défendons sans relâche les travailleuses et travailleurs qui sont attaqués.
Solidarité !
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