De Paris Omar HADDADOU
« Mieux vaut être craint que respecté (e) ! »
Une balade dominicale récréative dans les luxueux Jardins du Luxembourg du 6 ème arrondissement parisien, ça ne se refuse pas. Le soleil est au rendez-vous comme mesure d’accompagnement, sans TVA ni prélèvement à la source. Le beau monde en profite. Je me sens comme une fausse note au milieu de ce délassement huppé, dénué du moindre sourire. C’est sur ce terrain que j’espère obtenir quelque réponse à ma petite enquête, totalement désobligeante.
Terrain qui, j’en demeure conscient, n’augure pas de dispositions coopératives fécondes en informations. A Paris, comme ailleurs, c’est le sujet qui fâche ! La défiance, confortée par l’impact des médias, en particulier la télé, faisant état des victimes des mesures répressives et des cas d’hospitalisation, me promet une inanité de mon entreprise regardante. Les Faubouriens sont tellement suspicieux, qu’ils n’hésitent pas à vérifier deux fois la véracité de leur propre ombre.
Et pourtant, je vais la hasarder mon interrogation, en usant d’un petit saupoudrage diplomatique et de bienveillance méditerranéenne. A la question si elle a subi les effets d’une brimade, d’une frousse au travail, ou d’ostracisation, Louise, employée administrative au sein d’un grand Ministère public, réplique : « J’ai vécu des moments de mise en quarantaine et de frousse que je n’oublierai jamais. J’allais au boulot, une boule dans le ventre. J’étais convaincu que je me battais contre la puissance systémique qui, in fine, gagnerait arbitrairement la partie. Ma santé en a fait les frais. C’était d’une violence incroyable. Vous pouvez citer l’institution qui m’employait. Qu’est-ce que vous voulez que je vous dise ? Quel que soit le cas de figure, le coup porté, l’ampleur du préjudice, à la fin, c’est toujours eux qui gagnent !
Le courage de Louise m’obligeait à lui témoigner toute mon admiration. Une femme qui ne s’est pas réfugiée dans sa victimisation, son pathos, en s’adonnant à l’alcool et aux psychotropes. Un exemple à saluer révérencieusement pour quelqu’un qui s’est résolu (e) à avancer dans la vie.
Soucieux de recueillir un précieux témoignage sur le sujet, le hasard a voulu que je rencontrasse Christiane, Médecin (qui s’est aussi investie dans la médecine du travail) parmi la foule admirant une œuvre sculptée dans la masse (Pirogue des autochtones) comme traçabilité de l’esclavage. Son époux, toubib algérien est décédé l’année dernière. Mes condoléances présentées, la femme acquiesce à ma requête, après un court échange sur ses pérégrinations à travers le monde et son projet d’ouvrir un cabinet médical à Constantine. Le destin en a décidé autrement. Des patients ayant enduré l’humiliation, la pression et l’appréhension en exerçant leur activité, la fraîchement retraitée en a reçus dans son cabinet : « Par jour, j’accueillais et auscultais 2 à 3 personnes souffrant de propos vexatoires, de peur, ou de harcèlement au travail. Ils m’expliquaient aussi ce qui constituait, à chaque fois, leur douleur. Par exemple, les managers et les responsables qui leur mettaient de la pression en les sermonnant durement. Ça devenait tellement inhumain et délétère, tellement ravageur sur le plan psychologique, que beaucoup partaient en maladie, sombraient dans une profonde dépression, sans parvenir à se reconstruire. C’était très intense !
Je suis contente d’être à la retraite.
Savourez la pleinement Christiane ! La réforme sociale de notre ère, c’est de rogner dans la miette en veillant au grain de la grosse fortune. Vous avez tout le mérite d’assister au dérèglement climatique et celui des acquis sociaux, une marguerite pendant sur la lèvre inférieure.
Faute d’espace, je m’en tiens à l’évocation laconique d’un dernier témoignage (Il en reste deux).
Assistante dentaire, Sheila, a fait un burnout (Epuisement professionnel) il y a à peine un mois. En cause, l’esprit de domination et du traitement avilissant la part de ses chefs. Faisant preuve de mutisme et de stoïcisme, elle a payé cash ! Son mal être post-traumatique est sans appel : « Les dentistes nous parlaient du haut. Pas de problème ! Mais quand ils nous prenaient pour de la M…là ça faisait mal ! On avait plus envie de venir travailler, vous comprenez ? Moi, le matin avant d’arriver, j’étais tenaillée par une angoisse. Une question me taraudait : Comment faire face aux réflexions des praticiens ? Ils étaient tout le temps sur notre dos et savaient qu’on allait encaisser sans dire un mot. J’ai perdu du poids et je suis encore sous traitement. J’aurais dû expurger ma peine professionnelle en faisant part de cette blessure ».
Sauver sa peau dans de telles circonstances, relève de la prouesse mentale.
O.H
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