Édition du 17 décembre 2024

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États-Unis

Etats-Unis : Ecologistes et travailleurs unis contre Chevron

Un an après l’énorme explosion et l’incendie qui ont ravagé la raffinerie de pétrole Chevron à Richmond, en Californie, une manifestation a rassemblé dans cette ville des milliers de personnes contre le géant pétrolier le 3 août dernier. Un aspect important de cette mobilisation est qu’elle a réuni les écologistes aux niveaux régional et national, ainsi que des activistes de la communauté de Richmond.

Du côté des écologistes, la manifestation faisait partie d’un plan d’actions estivales (baptisé « Chaleurs d’été ») organisé par « 350.org » (chiffre qui fait référence au 350 parts de millions de dioxyde de carbone dans l’atmosphère qui, au yeux des scientifiques, représente la limite à ne pas dépasser pour éviter un changement climatique catastrophique.)

Richmond est principalement habitée par des non-blancs. Les Latinos représentent 39% de la population et 27% sont des Afro-américains ou d’autres peuples de couleur. Depuis des années, les habitants de la communauté de Richmond se battent contre le racisme environnemental de Chevron, l’installation industrielle la plus importante de la ville, ainsi que contre de nombreuses autres industries polluantes et chimiques dont les émanations toxiques affectent de manière disproportionnée les zones où vivent les non-Blancs.

Il y a un an, l’incendie de la raffinerie Chevron

L’explosion qui a eu lieu à Chevron l’année dernière a replongé des centaines de milliers de personnes de la « Bay Area » dans cette réalité. Cette catastrophe s’est révélée être le résultat d’une négligence délibérée (due à une réduction des coûts) de la part de la compagnie, ce qui a provoqué la rupture d’un pipeline. Les travailleurs ont constaté que l’urgence n’a pas été traitée, ils ont remarqué la nuée d’hydrocarbure volatile qui faisait comme un scintillement dans l’air et ont su que l’explosion était imminente, ce qui les a poussés à fuir aussi rapidement que possible. L’explosion et l’incendie qui ont suivi ont dégagés un énorme nuage de fumée toxique noire, visible depuis des kilomètres et qui a stagné pendant des heures à Richmond et dans les villes voisines. Malgré l’injonction immédiate de rester à l’intérieur de leurs habitations, 15.000 personnes ont été hospitalisées les jours suivants pour des problèmes respiratoires.

La plateforme qui a organisé la manifestation - une marche sur trois km qui se terminait à la raffinerie - comptait dans ses rangs l’organisation « 350.org » et ses militants locaux et tout un ensemble de groupes de la communauté de Richmond, dont « l’Alliance Progressiste de Richmond » (RPA). On pouvait y voir des drapeaux et des calicots exprimant les différents problèmes de la communauté par rapport à la raffinerie Chevron : « Plus de radiations toxiques », « Pas de pipeline XXL à Keystone », « Pas de raffinage des sables bitumineux » ; « Oui à la transition pour passer des combustibles fossiles à une énergie propre avec des emplois valables ! ».

Était aussi présent le maire de Richmond, Gayle McLaughlin, du Green Party, et des représentants d’autres villes. Le dirigeant national de « 350.org », Bill McKibben, s’est rendu sur place pour participer à l’action. Il a fait remarquer que sur tout le tour de la campagne « Chaleur d’été », Richmond était le seul endroit où les autorités lui avaient réservé un bon accueil. A la fin du parcours, McKibben et 200 autres militants on fait un sit-in de désobéissance civile sur la propriété de Chevron.

McKibben a déclaré à propos de cette campagne que « Les raisons pour lesquelles nous sommes ici est que Chevron est une entreprise au comportement néfaste. Dans les lieux où ils sortent le pétrole du sol, ils se comportent de manière inacceptable. Demandez-le à ceux qui combattent leurs extractions au Canada. Demandez-le au gens qui, en Equateur, doivent vivre dans les déchets qu’ils ont laissés. Et lorsqu’ils ramènent le pétrole ici pour le raffiner, ils agissent à nouveau de manière néfaste et envoient 15.000 personnes à l’hôpital. Et ce sont de très, très mauvais éléments pour cette planète. Ils ont neuf milliards de barils de pétrole dans leurs réserves, qui, s’ils brulent, auront un impact écologique dramatique sur le changement climatique. »

McKibben a également salué la présence à la manifestation d’un contingent de travailleurs, qui comprend des syndicats d’infirmières, des employés publics, des dockers, des enseignants et des travailleurs de la communication, mais aussi des représentants des travailleurs de Wal-Mart, qui sont en train de s’organiser. La coalition locale a nommé un organisateur en charge du travail de sensibilisation. Parmi les revendications des manifestants figure celle de meilleures normes de sécurité pour les travailleurs de la raffinerie Chevron.
Les anciens militants ouvriers Steve Early et Suzanne Gordon ont écrit que « les orateurs représentaient la diversité des mouvements environnementaux locaux. Des Natifs américains expulsés, suivi par des Afro-américains et des Latinos, tous critiques contre le chaos climatique ».

Andrès Soto, de la « Communities for a Better Environment » a déclaré : « Nous savons que nous sommes des petites gens et qu’ils sont la grande et puissante multinationale – et même un des cartels criminels internationaux ... Ils ont le pouvoir de l’argent, nous avons le pouvoir du peuple. Et tant que nous continuons à nous organiser, à faire sortir les gens, nous savons que Chevron devra quand même nous entendre, parce que nous ne pouvons pas leur permettre de contrôler nos vies ici à Richmond. ».

Une lutte internationale

Estelle Schneider, travailleuse dans le secteur santé, a raconté les conséquences de l’incendie advenu un an plus tôt. « Le feu a affecté principalement les gens les plus âgés, les plus jeunes, ou qui souffrent de maladies chroniques ou de problèmes comme l’asthme. Les gens dont le système immunitaire est plus faible ont aussi été grandement affectés. Mais, en général, cela a affecté tout le monde. Nous avons vu les gens arriver avec des difficultés respiratoires, avec beaucoup de toux. Nous avons vu des personnes dont l’asthme a été exacerbé, qui ont dû recevoir un traitement d’urgence. Nous avons vu beaucoup d’enfants souffrant de problèmes respiratoires. Et nous avons vu aussi des problèmes de peau. »

Eduardo Martinez, retraité de l’enseignement à Richmond et militant de la RPA, explique que, dans l’école où il enseigne, les élèves ayant des problèmes de respiration ont formé un groupe qui se retrouve après l’école et qui s’appelle le « club de l’asthme ». Ils se réunissent parce qu’ils ne peuvent pas participer à une activité sportive régulière. Les taux d’asthme et les cancers sont beaucoup plus élevés que la normale dans les lieux qui ont été touché par les reflux toxiques de Richmond, ceux sous le vent de la raffinerie et des usines chimiques.

La veille de la manifestation, la Ville de Richmond a intenté un procès contre Chevron, en citant « plusieurs années de négligences, de laxisme et d’indifférence des entreprises dans les tâches d’inspection et de réparations nécessaires à la sécurité ». Après l’incendie de l’an dernier, le Département californien de sécurité du travail et l’Administration de la santé ont cité Chevron à comparaitre pour onze infractions « volontaires » à la sécurité et lui ont imposé la plus forte amende de l’histoire de l’agence, soit 1 million de dollars, amende que l’entreprise conteste.

Comme l’ont fait remarquer Early et Gordon, par rapport aux bénéfices du deuxième trimestre de 3,37 milliards de dollars que vient de toucher Chevron, 1 million de dollars, ou 0,001 milliards de dollars, cela ne représente pas grand chose. Deux jours après la manifestation, Chevron n’a toujours pas contesté les six accusations criminelles liées à l’incendie mais a décidé de mettre en place une surveillance supplémentaire au cours des prochaines années et de payer 2 millions de dollars d’amendes dans le cadre d’un accord négocié avec l’État et les procureurs de la Contrée. Mais aucune des personnes réellement responsables n’ont été condamnées à une amende ou ne seront confrontées à la prison.

Le maire McLaughlin a répondu le lendemain que « le fait que Chevron pense que 2 millions de dollars vont être suffisants pour résoudre les problèmes et la menace permanente qu’ils causent à ma communauté, c’est scandaleux. Notre conseil municipal doit aux résidents de Richmond de poursuivre cette action en justice, en demandant que Chevron rende des comptes ».

La maire a également souligné le soutien du gouvernement d’Equateur à cette manifestation, car il mène sa propre bataille avec Chevron pour l’horrible catastrophe écologique que la compagnie a produit dans ce pays. En prélude à la manifestation, l’Equateur a acheté des annonces dans les journaux locaux, exprimant que le peuple de l’Équateur est au côté des habitants de Richmond. « Nous avons donc eu avec nous la pensée de gens partout dans le monde, et 2.500 personnes ont marché et se sont rejointes à partir des portes de Chevron. Et nous allons certainement continuer sur cette lancée, parce que tant de choses sont en jeu, et nous n’allons pas reculer. »

Barry Sheppard est membre de l’organisation anticapitaliste Solidarity dans la « Bay Area » (Richmond). Il écrit une chronique hebdomadaire dans la revue « Green Left » (Australie) et dans le journal « Socialist Alternative », où cet article est également publié.



Source : http://www.solidarity-us.org/site/node/3961 
Traduction française pour Avanti4.be : Sylvia Nerina

Barry Sheppard

Barry Sheppard était l’un des militants du mouvement pour les droits civiques et contre la guerre du Vietnam, actif au MIT. Par la suite, il occupa un poste de direction au sein de l’historique Socialist Workers Party des Etats-Unis, avec lequel il a rompu suite à sa dégénérescence organisationnelle et politique. Un premier volume de ses mémoires politiques est paru The Socialist Workers Party 1960-1988 ?A Political Memoir, Volume 1 : The Sixties, Published by Resistance Books, 2005.

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