Édition du 12 novembre 2024

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Élections Québec 2014

En finir avec le vote utile et le « parti des immigrants »

Depuis quelques jours, certains citoyens originaires d’Afrique du Nord et du Moyen-Orient s’activent pour convaincre les membres de leurs communautés de voter « utile », afin de contribuer à la défaite du Parti québécois ou, du moins, l’empêcher d’obtenir un gouvernement majoritaire.

L’idée est aussi de punir le PQ pour avoir favorisé la montée de l’islamophobie, avec le débat sur la charte des valeurs québécoises. Cela passe, aux yeux de ces personnes, par un vote pour le Parti libéral du Québec qui a pourtant été chassé du pouvoir, il y a à peine 18 mois lors d’élections organisées après un printemps érable des plus prometteurs.

À l’été 2012, des personnalités avaient aussi appelé à voter « utile » en faveur du PQ, jugé à l’époque comme le seul parti capable de déloger un PLQ usé, éclaboussé par les affaires de corruption et responsable de politiques répressives et antipopulaires.

Plusieurs citoyens et citoyennes s’apprêtent à voter pour le PLQ alors qu’il ne correspond pas à leur sensibilité, de la même façon que d’autres ont fait en 2012, en votant pour le PQ bien qu’ils ne se sentaient pas très proches de ce parti. Ils devaient simplement penser que la priorité était de se débarrasser du parti de Jean-Charest.

L’indignation des citoyens québécois de confession et de culture musulmanes est justifiée. Le gouvernement de Mme Marois est effectivement responsable de la stigmatisation dont ils font l’objet alors qu’ils ne demandent qu’à vivre en paix et dans l’harmonie avec le reste de la population.

Qu’il s’agisse de 2012 ou de 2014, il est légitime de souhaiter la défaite de l’équipe sortante et même d’agir pour l’obtenir. Sauf que dans des sociétés comme le Québec, le vote utile contribue à réduire la démocratie à un bipartisme qui ne génère pas de changements majeurs ni n’encourage la diversité des représentations politiques du peuple. Le mode de scrutin fait le reste, c’est-à-dire maintenir la population prisonnière d’un même système.

Le PQ mérite sans doute d’être battu le 7 avril prochain en raison de sa Charte des valeurs, d’un discours dressant la population francophone contre les minorités allophones, mais aussi en raison de ses politiques néolibérales qui ne sont, au final, qu’un copier-coller de celles qui avaient été à l’origine de la chute du PLQ en 2012.

Cependant, le vote communautaire en faveur du PLQ n’a au fond rien d’utile puisqu’il peut favoriser, en cas de victoire de ce parti, la poursuite de ces mêmes politiques et donc de provoquer les mêmes résistances qu’en 2012. Au mieux, il ne fera que mettre temporairement sous le tapis le débat sur la charte. Ce vote entretient, par ailleurs, le clivage entre des Québécois francophones dont le parti favori demeure le PQ et des immigrants qui votent massivement pour le PLQ.

Ces composantes de la population québécoise sont pourtant loin d’être homogènes.

Certains peuvent effectivement se retrouver dans le programme du PLQ - grand bien leur fasse -, qu’ils votent pour des candidats ou des candidates de ce parti. Certains pensent que la charte n’a rien d’islamophobe, qu’elle vise seulement à prémunir la société des dangers de l’intégrisme et peuvent donc appuyer le PQ. On peut ne pas être d’accord avec eux, mais ils en ont bien le droit.

D’autres peuvent être séduits par la CAQ qui martèle que la priorité n’est pas dans l’organisation d’un nouveau référendum sur l’avenir du Québec, mais dans une plus grande libéralisation de l’État et dans la réduction des services qu’il offre aux citoyens. La CAQ miroite des réductions d’impôts qui profiteront davantage aux plus riches.

D’autres, logiquement encore bien plus nombreux, peuvent appuyer le projet de Québec solidaire. Un parti qui se préoccupe du sort des classes moyennes et populaires, catégories dans lesquelles font partie la plupart des nouveaux arrivants. C’est aussi un parti souverainiste inclusif. Outre la contribution à promouvoir une véritable alternative sociale, voter pour QS offrirait l’avantage de réconcilier les immigrants avec l’idée de la souveraineté, au nom du respect du droit des nations à disposer d’elles-mêmes.

En somme, au lieu de s’enfermer dans un vote de repli communautaire, il est grand temps de montrer que les immigrants peuvent aussi voter pour d’autres partis que le PLQ, y compris pour choisir des partis souverainistes. Ce serait une belle façon de tisser des liens avec la majorité francophone et d’en finir avec le parti unique des immigrants. Ce serait peut-être leur meilleure contribution à la construction d’un Québec juste, pluriel et démocratique.

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