On savait déjà qu’une négociation d’annulation de dette n’est pas une partie de plaisir : les créanciers privés essaient d’échanger leurs anciennes créances irrécouvrables contre des nouvelles obligations à taux d’intérêt élevé et au remboursement garanti, tandis le débiteur veut un taux d’intérêt faible et la possibilité de négocier de futurs allègements en cas de nouveaux problèmes.
Néanmoins, banquiers et autorités grecques semblaient proches d’un accord avec un taux de 5,6 %. Il semblerait alors que le FMI, qui craint que la récession ne rende la maîtrise des déficits publics grecs trop lointaine, ait indiqué aux négociateurs qu’il préfèrerait plutôt des taux de l’ordre de 2-3 %. Avec le soutien de l’Allemagne qui, depuis le début de la crise, insiste pour que le secteur privé participe à l’effort. Ce qui a mis en fureur les créanciers et suscité leur décision de claquer la porte le 13 janvier dernier.
Le média EurActiv.fr résume alors parfaitement les négociations en cours et le rôle déstabilisant qu’y prennent les fonds spéculatifs. Trois scénarios sont actuellement possibles :
– Un accord est trouvé pour échanger les anciennes créances contre les nouvelles à un taux d’intérêt jugé acceptable par tous. L’annulation peut alors avoir lieu rapidement en fonction du degré de participation « volontaire » des acteurs privés. Le 18 janvier, il semblerait qu’un accord soit proche autour d’un taux de 3 % les premières années, montant ensuite vers 4,5 %. Dans la bataille, les Grecs ont semble-t-il dores et déjà accepté que les nouvelles obligations soient enregistrées sous droit britannique, ce qui signifie que le pouvoir politique grec ne pourra plus intervenir à l’avenir sur leurs conditions de remboursement. Une forme d’abandon de souveraineté comme le souligne le juriste Hubert de Vauplane.
– Les parties ne trouvent pas d’accord ou bien il n’y a pas assez de volontaires pour participer à l’accord et les Grecs décident de changer la loi sur leurs anciennes dettes en imposant des clauses d’action collective rétroactives : elles permettent de passer à l’annulation de dettes dès lors que les ¾ des créanciers sont d’accord. Cela permet de se passer du ¼ restant qui bloquerait la négociation. Toutes les anciennes créances seraient alors a priori touchées, y compris celles détenues par la BCE qui a racheté environ 20 % de la dette grecque (40 à 50 milliards d’euros). Elle subirait donc des pertes que ses actionnaires, les membres de la zone euro, devraient combler à la hauteur de leur participation au capital. On dit que Mario Draghi n’y serait peut être pas opposé. On dit aussi que le parlement grec pourrait voter une loi excluant la BCE de l’allègement de dette.
– Les Grecs décident de ne plus négocier et de ne pas rembourser, avec pour effet de secouer les dettes portugaises, italiennes et espagnoles et de replonger la zone euro dans un moment de panique.
Le 1er scénario est possible, le 2ème n’a pas une probabilité nulle et le 3ème est, pour l’instant, encore là pour faire peur. La course contre la montre est lancée car la Grèce soit rembourser 14,5 milliards d’euros le 14 mars prochain et n’en a pas les moyens. Et sans accord, le plan d’aide européen de 130 milliards ne sera pas débloqué.
Or, du fait d’avoir traîné, en annonçant en 2010 qu’il n’y aurait pas d’annulation, puis 20 % d’annulation en juillet 2011, puis 50 % en octobre, certains fonds spéculatifs se sont engouffrés pour essayer de tirer de bons gros profits sur le dos des Grecs. Comme les créanciers voulaient se débarrasser de leurs titres grecs, ils les ont vendus à la BCE mais aussi aux fonds, à des prix bradés, qui ont lancé une stratégie triplement gagnante :
– ils obtiennent 50 % de leurs créances achetées moins chers et ils sont gagnants. Plus l’annulation est forte (plus les taux d’intérêt sur les nouvelles obligations sont plus faibles que prévu), moins ils gagnent. Ils sont donc parmi les créanciers les plus durs envers les Grecs ;
– comme il faut généralement un accord des trois quarts des créanciers pour mettre en œuvre les clauses d’action collective, ils essaient de s’allier pour avoir un quart de la dette et bloquer la mise en œuvre d’un accord qui serait imposé par les Grecs. Ceux-ci pourraient décider que l’accord est mis en œuvre dès que 50 % des créditeurs sont OK mais alors les bénéfices de l’allègement de dette sont moindres et les spéculateurs essaient d’obtenir un remboursement plus élevé devant les tribunaux tels des fonds vautours. Le pire, c’est qu’ils le feraient devant la Cour européenne des droits de l’homme car des clauses rétroactives pourraient être considérées comme une violation de leur droit de propriété, considéré comme un droit de l’Homme ! Cela prendrait beaucoup de temps (depuis que l’Argentine a fait défaut en 2002, des actions légales sont toujours en cours…) mais certains conservent la mémoire d’actions similaires dans les années 1990 où les tribunaux avaient donné raison à des fonds contre des pays latino-américains en oubliant d’autres cas moins favorables.
– si le scénario 2 ou le 3 se mettent en place, il y a des chances pour que l’on s’aperçoive alors que les fonds spéculatifs ont souscrit des CDS sur la dette grecque pour s’assurer contre un non remboursement complet. Et comme les deux scénarios seraient considérés comme disent les financiers, comme des « évènements de crédit », les CDS seraient déclenchés… et les fonds spéculatifs seraient gagnants. Les incitant alors à refaire de même avec la dette portugaise, espagnole et italienne…
Tout cela se joue dans les jours qui viennent…
Qui détient la dette grecque ? En milliards d’euros
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BCE | 55 |
Banques grecques | 50 |
Banques européennes | 40 |
Sécurité sociale grecque | 30 |
Cie d’assurance | 15 |
Fonds d’investissement | 70 |