Édition du 17 décembre 2024

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Canada

Des acteurs majeurs de l’assurance-emploi dénoncent les atteintes aux droits et à l’accès à la justice du Tribunal de la sécurité sociale (TSS)

Le Mouvement autonome et solidaire des sans-emploi (MASSE), la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec (FTQ) et la Confédération des syndicats nationaux (CSN) dénoncent les graves atteintes aux droits et à l’accès à la justice du nouveau mode de contestation des décisions à l’assurance-emploi et annoncent le lancement d’une déclaration exigeant du gouvernement Trudeau le retour à un processus tripartite, rapide, efficace, juste et respectueux des droits des personnes sans-emploi pour régler les litiges en matière d’assurance-emploi.

On se souviendra qu’en 2012, le gouvernement fédéral avait procédé à une réforme majeure du régime d’assurance-emploi que l’on a qualifié de saccage. Cette réforme a notamment remplacé les conseils arbitraux qui étaient composés de trois personnes (président, représentant des employés et représentant des employeurs) par le Tribunal de la sécurité sociale (TSS), dans lequel une seule personne entend les causes des travailleurs et travailleuses, qui, rappelons-le, se représentent généralement eux-mêmes.

En raison du mécontentement populaire, le Parti libéral du Canada s’était engagé, en campagne électorale, à abolir cette réforme. Le secrétaire général de la FTQ, Serge Cadieux, estime que « même si en juillet dernier le gouvernement Trudeau a respecté une partie de sa promesse en faisant marche arrière sur la définition d’emploi convenable, il reste que son gouvernement n’a encore rien fait par rapport à l’autre élément central et controversé de la réforme de l’assurance-emploi, le Tribunal de la sécurité sociale ».

Tout récemment, le MASSE publiait un bilan des trois années d’existence du TSS dont les constats sont extrêmement préoccupants en ce qui a trait à l’accès à la justice et aux droits des chômeurs et chômeuses. En effet, la création du TSS a non seulement éliminé le tripartisme en première instance, mais aussi on a en plus fait perdre aux personnes leur appel de plein droit puisqu’un décideur peut rejeter une cause sans même l’avoir entendue (rejet sommaire) et qu’en deuxième instance, l’appelant doit demander la permission pour être entendu. Pour la porte-parole du MASSE, Marie-Hélène Arruda : « Quand on regarde les données, on fait le constat alarmant que dans les quelques cas où des rejets sommaires ont été contestés, la moitié d’entre eux ont été renversés. Cette situation démontre bien l’utilisation abusive de cette mesure qui enlève le droit d’être entendu aux chômeurs et chômeuses. » Par ailleurs, près de la moitié des personnes ayant demandé à ce que leur cause soit entendue à la division des appels n’en ont pas obtenu l’autorisation.

Autre nouveauté amenée par le TSS, les audiences peuvent se tenir de différentes façons. « Malheureusement, nous observons que l’audience en personne, qui était la norme avant la réforme, est maintenant devenue l’exception », déplore le vice-président de la CSN, Jean Lacharité. En 2014-2015, à la division générale, 68,5 % des audiences ont été tenues par téléphone. Les audiences en personne ne représentent plus que 16,4 % des audiences en première instance : « Certains croient que le fait de tenir des audiences par téléphone ou par visioconférence ne change rien. Mais les études et l’expérience démontrent qu’il y a un effet certain sur le niveau de stress et d’inconfort des appelants. Elles démontrent également que la crédibilité peut être difficilement évaluable virtuellement et que cette distance joue négativement sur l’empathie du décideur », poursuit Jean Lacharité.

Et ce, sans parler des délais et de la complexité de la procédure qui ont pour effet de décourager les chômeurs et chômeuses à contester une décision. En effet, le nombre d’appels a diminué de façon draconienne, alors que les délais de traitement, quant à eux, ont explosé (262 jours à la division générale du TSS et 395 jours à la division d’appel). « Ça n’a pas de bon sens de devoir attendre plus d’un an pour qu’un tribunal détermine si tu as droit à des prestations d’assurance-emploi. Il est urgent que des changements se fassent à ce niveau, car pendant ce temps-là, les chômeurs n’ont accès à aucune source de revenus », ajoute la porte-parole du MASSE.

Ainsi, le MASSE, la FTQ, la CSN et plusieurs autres acteurs dont le Congrès du travail du Canada, la Centrale des syndicats du Québec et la coalition Good Jobs for All ont déjà appuyé la déclaration qui presse le gouvernement Trudeau à respecter ses promesses et à agir rapidement en établissant un tribunal tripartite. Ils lui demandent notamment d’agir en établissant une procédure de sélection des décideurs qui respecte des critères de neutralité, de connaissance des réalités locales et de compétences, en abolissant le caractère obligatoire de la révision administrative et, finalement, en établissant des règles procédurales assurant que ce tribunal respecte la justice naturelle.

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