Édition du 17 décembre 2024

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États-Unis

« Défaillance morale » : Le représentant démocrate R. Khanna et A. Aiyash démocrate au parlement du Michigan insistent pour que J. Biden change de politique envers Gaza

Mardi, (le 20-02-2024) les États-Unis ont opposé leur véto à une résolution au Conseil de sécurité de l’ONU demandant un cessez-le-feu immédiat à Gaza. La proposition a été soutenue par 13 votes.

photo Serge D’Ignazio
Tiré de Democracy Now
traduction Alexandra Cyr

Amy Goodman : (…) Il y a donc eu un vote contre et le Royaume Uni s’est abstenu. C’est la troisième fois que les États-Unis opposent leur véto au Conseil de sécurité sur des résolutions exigeant des cessez-le-feu à Gaza. Celui-ci faisait suite à une résolution adverse des États-Unis rendue publique la veille, demandant un cessez-le-feu temporaire qui pouvait permettre la libération des otages israéliens.nes.

Les attaques israéliennes sur Gaza ont fait presque 30,000 morts au cours de quatre mois et demi. Des centaines de personnes qui manquent à l’appel sont présumément ensevelies sous les décombres. Près de 70,000 personnes ont été blessées. 80% de la population de Gaza a été déplacée pendant que la crise humanitaire persiste en s’empirant. Un quart de la population fait face à la famine.

Le soutien de l’administration Biden à la guerre contre Gaza a été beaucoup critiqué à travers le monde et dans le pays. Le Michigan, un État clé (dans la campagne à la Présidence), regroupe la plus vaste population arabe des États-Unis. Une campagne en faveur d’un vote neutre, non engagé, dans les primaires démocrates prend de l’ampleur pour protester contre la politique de soutien à Israël de la part du Président Biden.

Pour développer sur cet enjeu, nous rejoignons deux invités : Abraham Aiyash député au parlement du Michigan, leader de la majorité en chambre et second dans la hiérarchie démocrate de cet État. Il est un des nombreux représentants d’origine arabe ou musulmans qui ont rencontré le Président Biden à Dearborn la semaine dernière après avoir refusé de rencontrer sa directrice de campagne, Mme Julie Chavez Rodriguez. Il s’est aussi joint à 40 autres élus.es du Michigan dans la campagne en faveur du vote neutre lors de la prochaine primaire démocrate du 27 février courant. Et depuis Washington D.C., en route pour le Michigan, nous rejoignons le représentant démocrate Ro Khanna au Congrès. Il est le whip du Caucus progressiste démocrate et il se rend au Michigan pour rencontrer demain les leaders musulmans et arabes de l’État.

Soyez les bienvenus tous les deux. A. Aiyash, nous allons commencer avec vous. Que demandez-vous ? À titre de leader de la majorité en chambre, que demandez-vous à l’administration Biden ? Ce n’est pas dans vos habitudes de prendre de telles positions et le Parti démocrate est sujet à de lourdes pressions en ce moment. Pouvez-vous nous dire ce que vous voudriez voir arriver ?

Abraham Aiyash : Nos demandes sont assez simples. Nous ne voulons pas que notre gouvernement, notre pays, soutienne, aide, encourage quelque opération que ce soit qui tue des innocents.es, des hommes, des femmes et des enfants. Il ne nous semble pas radical que de suggérer que le pays le plus riche et le plus puissant de l’histoire du monde ne finance pas ce qui nous apparaît être un génocide, avec presque 30,000 Palestiniens.nes décédés.es à cause de missiles et de bombes israéliens financés par les États-Unis. Nous refusons que notre leadership s’engage dans cette défaillance morale et dans ces actes dégradants qui sont une atteinte à la dignité et à l’humanité du peuple palestinien. Avant tout, nous ne nous opposons à personne mais simplement, nous réaffirmons notre engagement envers l’humanité et en faveur des droits humains les plus élémentaires qui stipulent qu’il ne s’agit pas d’un concept fou que de ne pas soutenir quelque effort que ce soit qui vise à tuer des innocents.es dans le monde, spécialement au niveau de que nous avons pu observer à Gaza où plus de gens sont morts dans ce conflit qu’au cours de n’importe quelle guerre depuis la seconde guerre mondiale. C’est proprement dévastateur.

Et nous espérons qu’il s’agit de l’exercice de nos droits. Nous allons utiliser les bulletins de vote du 27 février pour montrer que nous ne supporterons pas toutes les actions qui prévoient de commettre un génocide et que nous allons nous tenir debout fermement sur cette position. Espérons que cela permettra à l’administration de changer le cours des choses d’ici l’élection de novembre prochain.

Juan Gonzalez : Je veux demander au représentant Ro Khanna … vous avez dit, par exemple, que l’ancien Président Trump était trop dangereux pour que nous ne soutenions pas le Président Biden. Que répondez-vous à ces Démocrates qui ne peuvent voter pour le Président sans mauvaise conscience au moins à ces primaires ?

Ro Khanna : D’abord, je dois dire que j’ai un immense respect pour le représentant Aiyash et je m’organise pour le voir au Michigan. Je pense que l’administration doit changer de politique envers le Proche Orient pour gagner de la crédibilité auprès des gens que nous avons perdu. Vous ne pouvez pas rencontrer les musulmans américains et la communauté arabe américaine et ensuite opposer votre véto aux Nations Unies à une résolution qui demande un cessez-le-feu et en plus demander une libération inconditionnelle des otages. C’est notre troisième véto. Cela atteint notre position morale. Cela nous choque eut égard à nos engagements en faveur des droits humains. Et la population ne croit plus que nous l’entendons et que nous allons changer de trajectoire. Elle n’a plus confiance.

Donc, j’espère que cette rencontre avec le représentant Aiyash et les autres, nous permettra d’élaborer une stratégie qui aidera à changer le cours des choses au Proche Orient que nous pourrons avoir un cessez-le-feu permanent, la libération des otages et que l’aide pourra revenir à Gaza, que nous aurons plus de paix et de justice dans cette région.

J.G. : Représentant Aiyash, je veux vous entendre à propos de la rencontre que vous eue avec les délégués.es officiels.les du gouvernement Biden plus tôt ce mois-ci à Dearborn. Que tirez-vous de ces discussions ?

A.A. : Nous avons fermement réitéré notre position. Nous voulons un cessez-le-feu permanent immédiatement. Nous voulons que l’aide soit distribuée à la population de Gaza par des entités comme l’UNRWA. Et nous voulons voir des restrictions et des conditions accrochées à l’aide envoyée à Israël. Nous envoyons un chèque en blanc, en totale obscurité, sans conditions à un pays qui a violé les droits humains, les lois internationales encore et encore.

Nous avons rappelé à l’administration qu’elle est impliquée depuis 124 jours dans ce conflit. Il se trouve que cette visite avait lieu dans un État dont l’électorat peut changer de camp (dans la prochaine élection), sans que ça ne provoque rien de plus. Nous ne les voyons pas au niveau de préoccupation qu’ont démontré nos communautés depuis des mois. Donc, nous avons réitéré notre message.

Malheureusement, quelques jours seulement après cette rencontre, nous avons vu le régime Nétanyahou exécuter une de ses pires attaques dans la région de Rafah sans que les États-Unis ne fasse les pressions nécessaires pour que ce régime cesse ses actions haineuses.

A.G. : Représentant Khanna, pensez-vous que l’administration Biden fait une erreur en opposant son véto à une résolution de plus ? Et je veux pousser un peu plus la question. Immédiatement après que l’ambassadrice américaine ait posé son véto, le Président Biden se trouvait à une activité de financement à Los Angeles. Il s’agissait de récolter de grosses sommes. Il était accompagné du milliardaire Haim Saban, qui investit dans les médias et bien connu comme un Démocrate pro israélien. Le coût du diner à ce meeting était de 3,300.00$ et pouvait aller jusqu’à 250,000$. Je tire ces informations du site Common Dreams. Que pensez-vous de cela et du Président Biden quand il répète qu’il fait d’énormes pressions sur B. Nétanyahou en privé ? Leurs actions privées ne cessent d’être contraire à un cessez-le-feu tel que présenté dans la résolution (portée au vote au Conseil de sécurité des Nations Unies) et à y opposer son véto.

R.K. : Ce fut une faute que d’opposer ce véto à la résolution des Nations Unies. Au pire ils auraient pu s’abstenir. Il y a 15 pays représentés au Conseil de sécurité. 13 ont voté en faveur de la résolution qui appelait à un cessez-le-feu permanent et la libération des otages. La résolution reflètait le sentiment non seulement dans le monde mais aussi dans la majorité de la population américaine. Nous sommes les seuls à avoir voté ainsi dans le monde entier. Cela heurte la position américaine dans le monde d’autant plus que cette administration s’est engagée à rebâtir les institutions internationales. Qu’est-ce que cela donne comme image de la crédibilité des Nations Unies si nous ne participons pas à ces institutions.

Par ailleurs j’apprécie qu’il y ait eu un peu de mouvement dans l’administration. Beaucoup d’entre nous au Congrès avons milité pour l’aide humanitaire à Gaza. La reconnaissance des vies palestiniennes et les préoccupations humanitaires sont devenues visibles. Mais maintenant, il faut passer à l’action. Il doit y avoir des conséquences claires pour B. Nétanyhou et les éléments d’extrême droite de son gouvernement. Ces gens dans ce gouvernement sont bien plus à droite que D. Trump. Il est important de la comprendre (quand il est question) de personnages comme Ben-Vir. Il faut rendre très clair à B. Nétanyahou : vous ne pouvez pas entrer dans Rafah. Notre secrétaire à la défense ne le veut pas. Notre Président ne le veut pas. Qui est-il pour défier les États-Unis d’Amérique et penser que nous allons continuer à lui fournir de l’aide militaire ? Donc, nous devons être très, très clairs sur les conséquences. Mais ce n’est pas ce qui se passe jusqu’à maintenant.

J.G. : Représentant Aiyash, en décembre vous avez commencé une grève de la faim et avez rejoint une manifestation devant la Maison blanche pour demander un cessez-le-feu. Pourquoi cet enjeu vous est-il si personnel ?

A.A. : Deux tantes de ma cheffe de cabinet ont été victimes de la Nakba. Elle me racontait l’histoire de son père et de ses deux sœurs marchant dans la vallée du Jourdain et ces deux dames sont mortes de déshydratation. Vous savez il y a de vraies souffrances et des histoires vraies derrière la déshumanisation du peuple palestinien.

Et des gens se sont soulevés partout dans notre pays pour dire qu’ils ne devraient pas se demander comment ces hommes, ces femmes et ces enfants innocents.es souffrent à cause de l’extrême-droite de ce régime que, comme l’a mentionné R. Khanna, nous finançons. Voyons les faits : la majorité des Américains.es, 80% des démocrates, sont en faveur d’un cessez-le-feu. Plus de 60% de la population est d’accord avec cela. Malgré tout, nous avons une majorité au Congrès et à la Maison blanche qui ne fait qu’ignorer la volonté populaire. C’est complètement non-américain quand vous avez des citoyens.nes qui protestent pendant des mois, qui se lèvent pour dire : « nous exigeons que notre pays mette de l’avant sa conviction morale et dise qu’aucun.e innocent.e, homme, femmes et enfant, ne soit tué.e avec des armes américaines » et que nos leaders les ignore.

Je suis reconnaissant envers les leaders comme le représentant Khanna qui bataillent fermement en faveur des droits humains et qui soutient que les Palestiniens.nes méritent autant de dignité que les Ukrainiens.nes, que les Israéliens.nes et que quiconque d’autre dans le monde. Mais nous voyons nos leaders continuer à ignorer la volonté américaine ; c’est un vrai crève-cœur. C’est un enjeu extrêmement important pour tant de gens dans notre pays parce que c’est un rappel que nous devons continuer à nous battre pour les valeurs démocratiques, les idéaux et que c’est par des gestes comme le « vote neutre » et en continuant à nous organiser et en protestant que nous travaillons en faveur de la paix dans le monde.

A.G. : Représentant R. Khanna, vous avez dit qu’il doit y avoir des conséquences pour toucher l’aide politique américaine. Pensez-vous que l’aide militaire américaine à Israël et au gouvernement Nétanyahou devrait cesser à cause de ce qu’ils font à Gaza en ce moment même ? Et, pouvez-vous nous parler de la rencontre que vous allez avoir avec Rashida Talib de la campagne « Take Back Our Power » ? Elle qui est la seule américaine d’origine palestinienne membre du Congrès.

R.K. : Alors, j’ai voté contre cette proposition d’envoi de 17 millions de dollars à Israël sans aucune restriction il y a une ou deux semaines. Et je ne pense sûrement pas que nous devrions leur fournir plus de missiles de précision qui peuvent servir à attaquer la population de Rafah. Et je ne vois pas comment on peut outre passer le Congrès, ce qui est déjà arrivé, pour fournir des armes offensives qui vont servir à conduire des attaques que notre gouvernement dit qu’elles ne devraient pas avoir lieu.

Je veux simplement dire ceci : je regarde vraiment vers l’avant et je vais rencontrer des gens comme le représentant Aiyash et d’autres personnes des communautés arabes et musulmanes américaines. Il n’est pas qu’un représentant. Il est un leader dans la Chambre du Michigan. C’est un futur gouverneur, un futur sénateur et un futur membre du Congrès. Voilà le but. La coalition du Parti démocrate moderne n’est pas de 1972, c’est une coalition qui inclut de jeunes progressistes, des musulmans.es et des arabes américains.nes, des juifs.ves américains.es et de jeunes gens. L’African Methodist Episcopal Black Church a aussi demandé un cessez-le-feu. Et nous devons nous réveiller et voir les faits car dans l’avenir le Parti démocrate va devoir exiger la justice de deux États, un État palestinien vivant aux côtés de l’État d’Israël. Et il va devoir aussi exiger des actions concrètes pour un cessez-le-feu et la reconnaissance de l’humanité des deux peuples, le palestinien et l’israélien. La rencontre avec Rashida Tlaib devrait porter sur l’électricité, l’énergie et la justice mais je suis sûr que d’autres sujets vont surgir durant ce débat public.

A.G. : Merci à vous deux.

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