Dans l’Outaouais, on a l’impression que QS avance lentement …
On a certainement un afflux de nouveaux membres. Récemment, on a tenu une grande assemblée de lancement le 3 septembre à laquelle ont participé plus de 150 personnes. Une première dans cette région, et le plus grand rassemblement de la campagne, tous partis confondus ! Bon, c’est vrai, on n’a pas encore franchi la barrière psychologique qui permet d’espérer des victoires. Pour ça, il faudrait trois ou quatre fois plus de membres.
Nous vivons dans une région qui n’est pas très réceptive aux idées de changement. En général, le réseau communautaire reste sous-équipé. On ne peut pas dire non plus que les syndicats ont un gros rapport de force, encore moins avec le démantèlement des anciennes industries (bois et pâte et papier). Mais on le constate, la réponse des gens dans la rue n’est plus la même. QS est connu, surtout par les jeunes, qui utilisent les médias sociaux. Là où on est handicapés, c’est par l’absence de moyens. Par exemple, nous n’avons aucun salarié. Moi-même, je fais campagne tout en travaillant à temps plein comme enseignant !
Il y a une campagne en cours initiée par les mouvements populaires, Équité Outaouais, qui semble avoir un impact…
Plus de 50 associations et syndicats y participent pour démontrer que notre région, dont les illustres représentants siègent au gouvernement, est totalement sous-développée en termes d’infrastructures publiques. Dans la santé et l’éducation, la situation est lamentable. La région compte plus de 300 000 habitants, et a un seul cégep francophone, ainsi qu’une université de petite taille (l’UQO). Une splendide étude réalisée par l’IRIS démontre cela de manière éloquente1. C’est tellement scandaleux que l’appel d’Équité-Outaouais a été endossé par la majorité des maires de la région, ainsi que par la totalité des candidats aux élections, sauf ceux du PLQ !
Est-ce que cela pourrait faire une différence ?
L’initiative d’Équité Outaouais permet aux mouvements populaires et syndicaux de participer au débat électoral, sans être partisan d’un parti ou l’autre. C’est jusqu’à un certain point libérateur, ne forçant pas des débats que plusieurs mouvements cherchent à éviter pour ne pas se diviser. Mais là-dessus, on s’entend, notre région est appauvrie par une politique continue et négligente, explicitement celle du PLQ. C’est un appui indirect aux forces de changement, dont QS.
En même temps, les deux autres partis d’opposition peuvent se dire en accord, essentiellement parce que le gros méchant, c’est le PLQ …
Dans notre région, une évolution de l’opinion qui se produit contre le PLQ est en soi un facteur positif. Par ailleurs, ce n’est pas le PQ qui en profite, car ce parti a perdu à peu près toute légitimité avec les zigzags des dernières années, vers la droite la plupart du temps, avec des déclarations vers la gauche de temps en temps. La base péquiste s’effrite énormément au point où leur argument traditionnel, à l’effet que les opposants au régime libéral devraient voter pour eux (le vote dit « utile ») est en train de se retourner contre eux, car les mécontents se disent, pour battre le PLQ, il faut maintenant voter pour la CAQ ! Selon de récents sondages, trois des cinq circonscriptions de la région pourraient basculer, si le vote anti PLQ se coalise derrière la CAQ.
Le PQ est à ce point écrasé…
Ils ont de la peine à faire la campagne. Dans Pontiac, leur candidat ne vient même pas aux débats. Lorsque leur équipe a lancé le programme péquiste dans l’Outaouais, le « Droit » (le grand journal régional) l’a mis par terre en disant que sur le fond, il n’y avait pas de différence entre le PQ et le PLQ, en excluant la question nationale, qui de toutes façons, n’apparaît pas dans la campagne. Une fois cela dit, il faut admettre qu’ici, l’attachement au PQ reste encore fort dans les secteurs populaires, même s’il est en déclin, surtout pour les moins de 35 ans.
Tout cela fait quand même l’affaire de la CAQ…
Par défaut oui, mais à la longue, le fait de dire n’importe quoi va leur nuire. S’ils emportent la majorité des sièges, un gouvernement CAQ ne pourra pas toujours dire, comme Legault, « on verra ». Il ne fait pas de doute dans mon esprit qu’il ira dans le sens des gouvernements conservateurs, comme en Ontario par exemple. Mais bien des gens se diront, encore plus qu’avec les Libéraux en 2003, « on n’a pas voté pour ça ! ». Ce qui pourrait nous préparer une confrontation majeure, notamment lors des négociations dans le secteur public en 2020.
Comment on peut faire pour briser le scepticisme qui prévaut à l’égard de QS, que les médias s’acharnent à décrire comme un parti d’extrême-gauche ?
C’est la CAQ, qui dit n’importe quoi et qui devrait être critiquée pour son manque de rigueur. Par exemple, Legault promet à la fois de baisser les impôts et d’améliorer les services. Mais la complaisance des mass média depuis la fondation du parti en 2011 leur donne une aura de respectabilité. Il faut démontrer, de manière très concrète, que nous savons de quoi nous parlons et qu’un changement est possible. Je crois qu’un bon exemple est l’assurance-dentaire, un projet tout à fait réalisable à court terme, et qui ferait une grosse différence dans un Québec où une personne sur quatre ne peut se permettre des soins dentaires. Il ne faut pas hésiter à jouer dur au niveau du réalisme, du faisable, pour détacher cette image entretenue par les médias sur notre soi-disant « extrémisme ». QS a des propositions audacieuses, mais aussi un cadre financier qui indique comment on peut augmenter la capacité de l’État à payer.
Il y a aussi, surtout dans votre région, un autre obstacle, qui est celui du projet d’indépendance…
Je crois qu’il faut accepter le fait que nous sommes en face d’une véritable traversée du désert sur ce point. La question qui se pose est quelle caravane peut nous permettre de le traverser… La perspective de l’indépendance a été profondément affectée par les déboires du PQ, dont le cul-de-sac de l’identitarisme, qui de toutes façons a nui aux péquistes pour favoriser la CAQ. Il n’y aura pas de raccourci dans l’effort de reconstruction d’un mouvement indépendantiste, et cela va prendre des gros efforts et du temps. Sur le fond, on ne peut pas changer le Québec sans briser ce lien de dépendance et de contrôle qu’exerce le gouvernement fédéral. Sur la forme, il faudra être certains d’être inclusif dans le cadre d’un projet qui ne peut pas être celui d’une « identité canadienne-française ». Avec l’irrésistible déclin du PQ, on pourra réinventer un projet qui propose à la fois l’émancipation sociale et nationale.
Qu’est-ce que tu espères le soir du premier octobre ?
QS peut avancer sensiblement. Il n’est pas impossible de se retrouver avec 25 000 membres, peut-être même avec 12 % et un peu plus du vote populaire, ce qui voudrait dire plusieurs Solidaires de plus à l’Assemblée nationale. Une autre avancée serait que QS perce hors de Montréal, pour démonter un autre argument réactionnaire à l’effet que c’est le projet des intellos du Plateau Mont-Royal ! Surtout, j’espère que le parti sera plus fort et à même de contribuer aux luttes inévitables contre le nouveau gouvernement, quel qu’il soit. C’est dans les prochaines luttes que nous pourrons démontrer en pratique que QS n’est pas un parti comme les autres et élargir notre base populaire.
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