18 juin 2018 | tiré de mediapart.fr
BOGOTA (Reuters) - Le candidat de droite Ivan Duque a remporté dimanche l’élection présidentielle en Colombie face à son rival de gauche, Gustavo Petro, une victoire de nature à rassurer les milieux d’affaires, mais qui suscite des interrogations sur l’avenir de l’accord de paix conclu avec les rebelles marxistes.
Ivan Duque, le représentant du Centre démocratique, mouvement fondé en 2013 par l’ancien président Alvaro Uribe, a remporté 54% des suffrages. Il succède pour un mandat de quatre ans à Juan Manuel Santos, qui ne pouvait se représenter.
Gustavo Petro, qui a fait campagne sur un changement du modèle économique de la Colombie, a obtenu 41,8% des voix.
C’étaient les premières élections depuis l’accord de paix conclu en 2016 avec les Forces armées révolutionnaires de Colombie (Farc) qui a mis fin à la guérilla qu’elles menaient contre le pouvoir. Cette guerre civile a fait plus de 220.000 morts et déplacé des millions de personnes.
Le jeune président élu - il est âgé de 41 ans - n’a pas caché qu’il souhaitait des modifications à l’accord de paix de 2016, qu’il juge trop avantageux pour les rebelles marxistes. Cet accord a valu le prix Nobel de la paix au président Santos.
Entouré de sa famille et de ses amis, Ivan Duque a remercié ses électeurs et joué l’apaisement. Il a appelé les Colombiens à se rassembler derrière lui après une campagne clivante.
"Avec humilité et honneur, je dis au peuple colombien que je vais consacrer toute mon énergie à unir notre pays. Fini les divisions", a déclaré Ivan Duque devant une foule de supporters enthousiastes à Bogota. "Je ne gouvernerai pas par la haine."
"CORRECTIONS"
A l’inverse, Gustavo Petro, un ancien guérillero du mouvement M-19 âgé de 58 ans, avait promis de remettre en question le pouvoir des élites politiques, de redistribuer la terre aux pauvres et d’éliminer progressivement les énergies fossiles pour mettre l’accent sur l’éolien et le solaire.
Ses détracteurs l’ont comparé à l’ancien président socialiste vénézuélien Hugo Chavez.
Bien que Gustavo Petro ait obtenu la majorité dans seulement neuf provinces sur 32, et notamment à Bogota, la capitale, le fait qu’un candidat de la gauche radicale ait accédé au second tour et remporté huit millions de voix - Ivan Duque en a obtenu 10,3 millions - est inédit en Colombie où la vie politique est traditionnellement dominée par les conservateurs.
Gustavo Petro avait appelé ses partisans à descendre dans la rue au cas où il aurait eu le sentiment d’une manipulation généralisée du scrutin, mais il a accepté le résultat.
"Nous acceptons la victoire de Duque", a-t-il déclaré devant ses partisans enthousiastes à Bogota. "C’est le président de la République de Colombie. (...) Aujourd’hui, nous sommes l’opposition à son gouvernement".
Lors de son entrée en fonction au mois d’août, Ivan Duque aura d’emblée plusieurs dossiers à régler. La conjoncture économique reste difficile, les narco-trafiquants se sont installés dans les zones autrefois contrôlées par les Farc et plus d’un demi-million de migrants vénézuéliens sont entrés en Colombie, à la recherche de nourriture et de travail.
Quant à sa promesse électorale de modifier l’accord de paix pour demander des sanctions plus sévères pour les crimes de guerre des Farc, elle devrait rencontrer une forte opposition au Congrès, le Parlement colombien et à la Cour constitutionnelle.
Il a déclaré dimanche qu’il apporterait les "corrections" nécessaires à l’accord de 2016 pour renforcer les droits des victimes et que les indemnisations promises soient tenues.
"LA RÉPUTATION DE LA COLOMBIE"
"La paix est l’aspiration de tous les Colombiens, et la paix signifie que nous tournons la page sur les fractures qui nous ont divisés en amis et ennemis de la paix", a-t-il dit sous une pluie de confettis tandis que ses supporters dansaient et donnaient du klaxon.
"Aujourd’hui, nous sommes tous des amis pour construire cette paix et ce doit être une paix sur laquelle la guérilla puisse fonder sa démobilisation, son désarmement et sa réinsertion effective", a-t-il ajouté.
Le chef des FARC, Rodrigo Londono alias Timochenko, a félicité Ivan Duque. Il a appelé à la réconciliation et dit respecter la décision des Colombiens.
Ivan Duque a également promis d’alléger la fiscalité des entreprises, de soutenir les secteurs exportateurs du pétrole et du charbon ainsi que le secteur manufacturier.
"C’est un résultat très en phase avec ce que le marché attendait et cela garantit que la réputation de la Colombie - la stabilité politique et économique - est toujours valable", a déclaré Felipe Campos, économiste chez Alianza.
Juriste de profession, Ivan Duque a travaillé à la Banque interaméricaine de développement à Washington jusqu’en 2014, date à laquelle son mentor Alvaro Uribe lui a demandé de retourner en Colombie et de prendre un siège au Sénat.
Sa colistière, Marta Lucia Ramirez, sera la première femme vice-présidente de la Colombie.
Malgré la défaite de Gustavo Petro, l’intérêt des électeurs autour de la lutte contre les inégalités, la corruption et l’insuffisance des services sociaux pourrait créer une opportunité pour la gauche dès 2022, estiment certains.
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