Tiré de Reporterre.
Le vert est la couleur à la mode dans le secteur financier. Pas une banque ou presque ne souligne aujourd’hui son « engagement » pour le « développement durable », « l’éthique » ou la « lutte contre le changement climatique ». Pourtant, les pratiques des instituts financiers mondiaux sont très éloignées de ces belles promesses. C’est en tout cas la conclusion du rapport « Banking on climate change 2019 » publié récemment par un collectif d’ONG. [1]
Malgré la signature de l’accord de Paris fin 2015, 33 grandes banques ont continué de financer massivement les énergies fossiles. Selon les auteurs du rapport, elles ont injecté pas moins de 1.900 milliards de dollars – soit près de 1.700 milliards d’euros – dans l’industrie du charbon, du pétrole et du gaz. Le volume financier augmente même d’année en année, et un tiers de l’argent mis à disposition finance une centaine d’entreprises qui se développe de façon particulièrement agressive dans le secteur.
« Les premiers responsables sont les entreprises elles-mêmes, mais ce sont les banques qui leur fournissent les moyens »
Une tendance « alarmante », en complète contradiction avec les engagements internationaux visant à contenir le réchauffement planétaire, selon Greig Aitken du réseau international BankTrack, qui a corédigé le rapport. Les énergies fossiles, responsables de 80 % des émissions de gaz à effet de serre, sont en effet la première cause du changement climatique.
Il poursuit :
Les premiers responsables sont les entreprises elles-mêmes, mais ce sont les banques qui leur fournissent les moyens. Dans le secteur du charbon, certaines sociétés auraient d’ailleurs déjà fait faillite si les banques ne les aidaient pas à survivre. »
« C’est un très mauvais signal envoyé aux investisseurs et aux entreprises, car cela ne les incite pas à se désengager de ces activités », complète Regine Richter de l’ONG Urgewald.
En tête du classement, trois banques américaines : Wells Fargo, Citi et surtout JP Morgan Chase, dont le PDG Jamie Dimon n’avait pourtant pas hésité à dénoncer publiquement le désengagement du président américain Donald Trump de l’accord de Paris. « Nous avons la responsabilité d’inciter nos élus à travailler de manière constructive et à promouvoir des politiques qui améliorent la vie des gens et protègent notre environnement », avait-il déclaré en 2017, alors que sa banque est, de loin, le numéro 1 mondial du financement du forage offshore, de l’extraction de pétrole et de gaz en Arctique, ainsi que du gaz de schiste.
Société Générale est aujourd’hui le deuxième financeur mondial de terminaux de gaz naturel liquéfié
Le rapport révèle aussi le rôle prépondérant de grandes banques canadiennes, japonaises et chinoises. Mais alors que l’accord sur le climat a été signé en France, les banques de l’Hexagone ne sont pas en reste.
De 2016 à 2018, BNP Paribas, Société Générale, Crédit Agricole et Natixis ont encore investi plus de 125 milliards d’euros dans les énergies fossiles. Récemment visé par des actions de militants climatiques, Société Générale est aujourd’hui le deuxième financeur mondial de terminaux de gaz naturel liquéfié, à la fois émetteurs de CO2 et responsables d’expropriations massives, notamment au Mozambique.
Greig Aitken, du réseau international BankTrack, souligne :
Certaines de ces banques avaient pourtant pris des engagements forts, comme par exemple BNP Paribas sur un désengagement vis-à-vis du pétrole de schiste et des sables bitumineux. C’est décevant. »
Comment les banques peuvent-elles continuer à financer ces industries alors qu’elles se sont engagées à ne plus le faire ? La stratégie de la Deutsche Bank est un modèle du genre : si la banque allemande ne finance effectivement plus de projets dans le charbon, conformément à ses annonces en 2017, elle continue en revanche de financer… les sociétés charbonnières elles-mêmes, à coups de prêts et d’obligations.
Devant BNP Paribas et le Crédit Suisse, la Deutsche Bank est ainsi le premier financeur du conglomérat allemand RWE, plus gros émetteur de CO2 de l’Union européenne. RWE possède quatorze centrales à charbon et organise l’expansion de ses mines de lignite à ciel ouvert dans l’ouest de l’Allemagne, condamnant la forêt millénaire de Hambach à disparaître. « C’est parfaitement irresponsable de la part des banquiers, réagit Regine Richter. Ils devraient au contraire stopper immédiatement tout financement. »
Les pratiques des grandes banques internationales, telles qu’elles sont détaillées dans le rapport, sont complètement à rebours de la transition énergétique et des alertes émises par les scientifiques. Les experts du Giec préconisent une réduction des émissions de CO2 de 45 % en 2030 par rapport à 2010 pour limiter la hausse de la température planétaire à 1,5°C.
Et pendant que les banques soutiennent massivement les fossiles, les investissements mondiaux dans les énergies renouvelables ont baissé de 8 % entre 2017 et 2018, selon le cabinet d’études Bloomberg New Energy Finance. Dans le même temps, les émissions de CO2 liées aux énergies fossiles ont crû de 2,7 % en 2018, après une hausse de 1,6 % en 2017.
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